Les futures routes de l’Afrique

Partant du constat que les routes maritimes et les conditions de coûts entravent le potentiel du commerce intra-africain, le Think Tank «Pour une prospérité partagée en Afrique » propose de nouveaux outils permettant de dessiner une nouvelle vision des routes à développer.
Par Mondher Khanfir, dirigeant de For a Shared Prosperity in Africa
Avec le déplacement du barycentre de l’économie mondiale, le contexte général semble favorable aux pays africains, qui ont intérêt à basculer d’un commerce maritime extraverti, d’exportation de produits de base et ressources minières contre l’importation de biens manufacturés, à un commerce inclusif, intégré régionalement et appuyé par un maillage de routes commerciales interconnectées, à même de donner du sens à la ZLEC (Zone de libre-échange continentale), entrée en vigueur depuis le 30 mai 2019.
Avec cet accord, qui met en jeu un marché commun représentant un PIB cumulé de l’ordre de 2 500 milliards de dollars, le commerce intra-africain devrait doubler en dix ans, avec une croissance attendue du PIB de l’Afrique de plus de 4 % par an dès 2020, d’après les projections de la BAD.

Cette perspective exige des investissements lourds en matière d’infrastructure transport et logistique, et dont le financement reste à chercher dans le cadre de partenariats public-privé ou dans la coopération bilatérale, notamment pour la construction et l’extension de ports de commerce, ou encore l’aménagement de zones d’activités et plateformes logistiques.
Les investissements en infrastructure requis en Afrique sont estimés à plus de 2 400 milliards $ d’ici à 2040, dont 1 000 milliards $ à collecter hors budget des États. Ils nécessitent d’attirer davantage d’investissements étrangers.
Sachant que les investisseurs seront d’autant plus rassurés s’ils entrevoient un rayonnement possible dans un périmètre plus large. À ce titre, le retour d’expérience des ZES (Zones économiques spéciales) est à observer de près, afin d’évaluer l’impact des délocalisations chinoises, par exemple, et la rentabilité des infrastructures consolidées, sur les échanges et le désenclavement des territoires intérieurs en Afrique.
Au-delà du rattrapage en matière de services d’infrastructure, l’essor de l’économie africaine reste tributaire de l’offre en services de support et d’affaires et des facilités de passage aux frontières.
Cela exige une cogouvernance sur des projets d’investissement régionaux, et des facilités réglementaires et procédurales à même d’encourager le secteur privé à miser sur un commerce intra-africain pouvant traverser sans « tracasseries » les cordons douaniers et sans subir de concurrence déloyale.
Au-delà de l’alignement sur les bonnes pratiques de contrôle et de dédouanement des marchandises, il est important de parvenir à une convergence réglementaire, afin de rendre les marchés africains plus accessibles aux Africains eux-mêmes.
Un nouvel indicateur de mesure
Les points d’entrée du continent restent essentiellement les ports maritimes hérités de l’époque coloniale, et qui connaissent dans l’ensemble une évolution accélérée, aussi bien en capacités qu’en performances. Le classement des ports commerciaux africains…
Il s’agira de chercher les meilleures combinaisons pour optimiser les coûts globaux de logistique, et de définir des circuits d’approvisionnement polyvalents et multimodaux, grâce à des services plus sophistiqués, rendus possibles par les nouvelles technologies.
….montre la domination des ports situés dans les détroits ou sur les grandes routes maritimes, et qui continueront à jouer un rôle de passage obligé, tant que des rocades et des grands corridors terrestres ne seront pas achevés.
La lecture de la capacité portuaire, complétée par l’Indice de performance logistique (IPL) mesuré par la Banque mondiale depuis 2007, donne une idée de la disponibilité et qualité des services logistiques au niveau microéconomique.
L’IPL, largement usité et répandu, permet plutôt aux décideurs politiques de mieux suivre leur stratégie en matière de facilitation du commerce. Mais elle reste trop vague pour permettre aux opérateurs d’identifier les meilleures options de routes du commerce et de formuler des stratégies de supply chain s’appuyant sur des données exploitables dans leurs plans d’affaires, qui couvrent des questions de types : Comment choisir les pays partenaires en Afrique ?…