Cotonou face à la pénurie de transports

Dépourvu de réseaux de transports urbains collectifs, Cotonou doit subir l’intrusion de 600 minibus sauvages chaque jour. Apparus à la fin des années 1980, les zémidjans comblent en partie le vide en assurant 75 % de la mobilité urbaine. Le défi reste entier.
Cotonou, Max-Savi Carmel
Ils seraient 500 000, dont 200 000 pour la seule ville de Cotonou, ces mototaxis, communément appelés zémidjans, à pallier le manque de transport collectif au Bénin.
À 300 F.CFA (environ 0,50 euro) en moyenne, la course peut parfois grimper jusqu’au triple selon la distance. Et leurs revenus moyens mensuels tournent autour de 100 000 F.CFA (150 euros) par mois, soit trois fois le SMIC au Bénin. « C’est donc un passe-temps plutôt confortable ! », reconnaît Oscar.
Une start-up permet de commander une moto pour son déplacement et de se faire livrer un colis en un temps record. Sa force ? Les mototaxis peuvent, dans un pays en déficit d’infrastructures routières, accéder aux coins les plus reculés de la ville.
À 26 ans, ce biotechnicien sorti de l’université de Calavi voici deux ans, en fait son activité de transition, « en attendant de trouver un travail décent ». Si le phénomène a pris une telle ampleur en trois décennies, c’est à cause du déficit de transports urbains auquel fait face le pays, mais surtout Cotonou où Benafrique, le seul projet de transport urbain collectif a échoué : la mairie peine à contrôler les minibus sauvages.
Lancé en 2012, le projet Benafrique a pourtant constitué un succès, dans un premier temps. Les Béninois l’ont immédiatement adopté pour se déplacer d’un quartier à un autre et le coût de la course, quelques centimes d’euros, correspondait à la réalité économique des populations.
Au bout de quelques jours, avec ses 52 bus, Benafrique transportait au quotidien 8 000 personnes pour la seule ville de Cotonou. Ses atouts ? Le confort des bus mais aussi et surtout la sécurité à bord, les zémidjans étant responsables, selon une source policière, de « 81 % des accidents dans la ville».
Très vite, le projet a été confronté à la prolifération des minibus sauvages. Il s’agit de bus délabrés, 600 en moyenne par jour, d’une dizaine de places assises au plus, provenant des entrées ouest (du Togo) et est (du Nigeria) de la ville. « Nous n’avons pas pu résister à la concurrence déloyale », reconnaît Thiburce Montcho, PDG de Benafrique.
Contrairement aux dispositions qui liaient l’initiative à la mairie, l’autorité municipale n’a pas pu empêcher les minibus sauvages d’emprunter les mêmes axes que les bus Benafrique. « Ils n’ont ni charges fiscales, ni administration et ont recours au carburant frelaté », déplore le patron de Benafrique qui avait déjà installé, dans Cotonou, plus de la moitié des 206 arrêts modernes prévus.

« Pour un bus Benafrique, il faut cinq bus sauvages, donc cinq fois plus de pollution », dénonce Thiburce Montcho. Qui s’inquiète autant des embouteillages que de la pollution engendrée par les minibus sauvages ; la pollution est 2,5 fois plus forte qu’un véhicule qui s’approvisionne dans une station d’essence, selon un rapport du ministère de l’Environnement.