Football : Le choix de la FIFA secoue le foot africain

La nomination de Fatma Samba Diouf Samoura en tant que déléguée générale de la FIFA pour l’Afrique permettra-t-elle de résoudre les controverses entourant la Confédération africaine de football, ou constitue-t-elle une ingérence dans ses affaires ?
Par David Thomas
Dès la deuxième minute de la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui a opposé l’Algérie au Sénégal, l’Algérien Baghdad Bounedjah, aidé involontairement par le Sénégalais Salif Sané, marque un but, laissant le gardien de but Alfred Gomis médusé.
Ce moment épique a déterminé le vainqueur d’une compétition où les surprises n’ont pas manqué. Alors que les stars du football africain donnaient le meilleur d’eux-mêmes dans les stades égyptiens, la Confédération africaine de football (CAF), réputée ces dernières années pour ses dysfonctionnements, faisait de nouveau parler d’elle.
En juin, Ahmad Ahmad, le président malgache de la CAF, était questionné par les autorités françaises dans le cadre d’une enquête pour « corruption, abus de confiance et falsification de documents » autour d’un contrat de vêtements de sport.
Cet incident a suivi un litige sur l’organisation de la CAN. En novembre 2018, estimant que le Cameroun n’était pas prêt à accueillir la compétition en 2019, la CAF lui a retiré l’organisation de la compétition mais en a fait l’hôte de l’édition 2021. La Côte d’Ivoire, qui devait organiser la CAN 2021, a engagé une procédure judiciaire. À une autre occasion, la CAF a pris la décision de faire rejouer la deuxième mi-temps de la finale de la Ligue des champions de la CAF, suite à une panne du système d’assistance vidéo à l’arbitrage, suscitant la colère de nombreuses personnes.
La FIFA, la fédération internationale de football, a décidé qu’elle en avait assez vu et a nommé sa secrétaire générale, Fatma Samoura, déléguée générale de la FIFA pour l’Afrique pour une période initiale de six mois à compter du 1er août, confiant à la spécialiste des missions délicates le soin de « coordonner la gestion opérationnelle de la CAF » et d’« assurer une organisation efficace et professionnelle de toutes les compétitions de la CAF».
Les deux organisations réaliseront une « vérification judiciaire complète » de la CAF dès que possible et travailleront à la mise en oeuvre d’une feuille de route en onze points.
Le 22 juillet, Hasan Bility, membre du comité de direction de la CAF depuis deux ans, a publié un communiqué déclarant qu’il demanderait à la Cour d’arbitrage des sports, basée en Suisse, d’invalider la nomination de Fatma Samoura et réclamant la démission d’Ahmad.
Pour les fans et les professionnels du foot, longtemps exaspérés par les dysfonctionnements de la CAF, la nomination de Fatma Samoura donne l’occasion de mettre fin aux nombreuses controverses. Mais d’autres voient dans cette nomination l’intrusion de la FIFA dans une association continentale : « Je n’imagine pas la FIFA envoyer quelqu’un à Kuala Lumpur, affirme Emmanuel Maradas, ancien responsable de la FIFA, la CAF perdra son indépendance. »
La Sénégalaise Fatma Samoura connaît très bien l’Afrique. Âgée de 56 ans, elle a représenté les Nations unies dans sept pays : Djibouti, Cameroun, Guinée, Niger, Madagascar, Nigeria, Tchad. En juin 2016, Fatma Samoura est devenue la première secrétaire générale de la FIFA. Bien que certains lui reprochent son manque d’expérience dans le domaine du football, sa carrière à l’ONU pourrait aider à réformer une CAF longtemps résistante au changement.
Lors de l’annonce de la nomination de Fatma Samoura à la CAF, la FIFA a insisté sur le fait « qu’elle travaillera en collaboration avec le président Ahmad et son équipe ». Le renouvellement du mandat de six mois de Fatma Samoura nécessitera l’accord des deux organisations.
Résistances
« Il est à prévoir, quelle que soit l’organisation, qu’un responsable du changement chargé d’améliorer la gouvernance rencontre une certaine résistance », explique Dale Sheehan, directeur du renforcement des capacités et de l’éducation à l’International Centre for Sport Security. « Il faut une solide stratégie qui facilitera la communication et créera un sentiment de confiance. La collaboration est essentielle. Malgré cela, il y a aura des résistances… certains aiment le statu quo », poursuit-il.
Les conclusions de la vérification judiciaire pourront aider à définir une stratégie pour les réformes futures dans une organisation accusée de corruption. « L’audit donne un point de départ… Il permet à la FIFA de proposer de collaborer pour trouver des solutions aux problèmes », estime Dale Sheehan, qui a travaillé à Interpol avec la FIFA pour lutter contre le fléau des matchs truqués.
Bien que certains s’inquiètent de l’ingérence de la FIFA, beaucoup jugent que la CAF n’a pas su saisir les occasions de se réformer. Ahmad Ahmad a fait l’objet d’une enquête par la Commission d’éthique de la FIFA pour corruption et harcèlement suite à la plainte du secrétaire général de la CAF Amr Fahmy, qui a été ensuite licencié. L’enquête de la Commission d’éthique est toujours en cours.
Une réforme indispensable
Le 22 juillet, Hasan Bility, membre du comité de direction de la CAF depuis deux ans, a publié un communiqué déclarant qu’il demanderait à la Cour d’arbitrage des sports, basée en Suisse, d’invalider la nomination de Fatma Samoura et réclamant la démission d’Ahmad.
Dans le même temps, il apprenait qu’il était banni pendant dix ans par la Commission d’éthique de la FIFA suite à une enquête sur les finances de l’Association libérienne de football. La FIFA a déclaré que Hasan Bility était « coupable d’avoir détourné des fonds appartenant à la FIFA, d’avoir reçu des subventions, et de s’être trouvé dans des situations de conflit d’intérêts, en violation avec le code d’éthique de la FIFA ».
Si Emmanuel Maradas s’inquiète de la nomination de Fatma Samoura, il insiste également sur le fait qu’Ahmad Ahmad aurait dû démissionner après l’enquête des autorités françaises.
« Si la CAF avait un leadership compétent, elle pourrait répondre à la FIFA qu’elle allait résoudre ses problèmes elle-même. Mais Ahmad Ahmad peut-il y parvenir ? Est-il suffisamment solide ? Je ne le sais pas », confie-t-il. D’où le besoin de réformes au sein de la CAF. « Certaines personnes doivent partir et laisser la place à des gens compétents, capables de résoudre les problèmes. Si la CAF est suffisamment courageuse, elle reconnaîtra ses difficultés et acceptera de se réinventer. »