Violences faites aux femmes : l’Afrique progresse

Selon une étude, les pays africains adoptent des lois pertinentes en matière de lutte contre les violences basées sur le genre, dont les mutilations génitales féminines. Toutefois, ils doivent accentuer leurs efforts pour donner davantage de moyens aux acteurs de terrain et coordonner leurs législations.
Par Paule Fax
Un rapport suivant les résultats de l’initiative Spotlight souligne les résultats encourageants des pays africains en matière de violences faites aux femmes, en particulier les mutilations génitales. Les progrès sont d’autant plus nets quand toutes les parties prenantes sont mises à contribution et que l’effort est coordonné, y compris à l’échelle supranationale. Spotlight est un programme des Nations unies visant à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, mené en collaboration avec l’Union africaine et l’Union européenne.
Il semble nécessaire de donner vie à ces législations en insufflant des données représentatives au niveau national sur ces questions, en créant un organe national de coordination des programmes sur les mutilations génitales et en intégrant un système d’examen annuel de la mise en œuvre des programmes visant à y mettre fin.
Le rapport « Utilisation de l’approche multisectorielle pour mettre fin à la violence basée sur le genre et aux mutilations génitales féminines en Afrique» se penche sur onze pays africains où Spotlight a été mise en œuvre. À savoir : Burkina Faso, Éthiopie, Guinée, Kenya, Liberia, Mali, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Tanzanie et Ouganda. L’étude est menée par l’association Equality Now et l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population).
À ce résultat, une explication : l’adoption de l’approche multisectorielle, laquelle implique toutes les parties prenantes du développement et de la mise en œuvre des programmes de protection et de promotion des droits des femmes et des filles. Bien sûr, il reste des défis, comme le manque d’engagement politique, constaté çà et là, ainsi que des ressources limitées pour les différents programmes.
Le rapport a analysé les diverses expériences des pays et identifié les bonnes pratiques et stratégies adoptées pour prévenir, traiter et éliminer les violences. Il a également constaté que les pays qui ont mis en place une coordination multisectorielle ont rencontré des obstacles similaires, entravant son plein potentiel. Cela inclut des lacunes flagrantes dans la mise en œuvre des programmes. On s’en doute, la pandémie de coronavirus a rendu les inégalités encore plus apparentes.
Renforcer et appuyer la législation
Pour les auteurs du rapport, « Bien qu’il y ait des signes de progrès dans les changements de normes sociales dans certains pays, une plus grande coordination d’actions de différents secteurs est nécessaire sur le long terme ». Cela nécessite l’application complète de cette approche qui rassemble les acteurs étatiques et non étatiques concernés, tout en fournissant une plateforme pour coordonner le développement et la mise en œuvre des programmes et actions nationaux et allouer des ressources.
Tous les pays mentionnés par le rapport ont intégré les luttes contre les violences faites aux femmes dans leurs plans nationaux de développement. Cependant, jugent les auteurs, le moyen le plus efficace pour la protection des femmes et des filles est d’instaurer une législation contre les mutilations génitales féminines, notamment. Elle contribue à accélérer les efforts d’éradication, offrant un recours et un accès à la justice et garantissant l’allocation de financements adéquats. Sept pays ont criminalisé les mutilations génitales dans leurs législations nationales et ont donc alloué des budgets aux programmes de lutte. Dont le Burkina Faso, la Guinée, et le Sénégal.
Ces pays s’organisent. Ils identifient chacune des instances clés responsables de ces questions et ont nommé des points focaux genre pour participer aux mécanismes nationaux de coordination qui sont constitués pour rassembler les acteurs étatiques et non étatiques. « Cependant, ces points focaux genre n’ont pas reçu de renforcement des capacités pour leur permettre d’assumer efficacement leurs rôles, et les mécanismes de coordination n’ont pas rempli leurs mandats en raison de fonds insuffisants, d’un manque de leadership et d’engagements forts et d’un suivi faible », regrette le rapport.
Asenath Mwithigah (Equality Now) responsable du programme « Mettre fin aux pratiques néfastes », pointe quelques mauvais élèves, dont la législation est insuffisante : Liberia, Sierra Leone, Somalie, et Mali. « Si nous pouvons avoir l’engagement politique nécessaire pour garantir que les structures de lutte contre les violences se reflètent dans les lois, les politiques, les budgets et les plans de développement nationaux, alors nous pourrons véritablement éliminer les mutilations génitales féminines. »
L’exemple de l’Afrique de l’Est
Pour Mireille Tushiminina, coordonnatrice du programme conjoint UNFPA-Unicef sur l’élimination des mutilations génitales féminines, il est nécessaire de donner vie à ces législations en insufflant des données représentatives au niveau national sur ces questions, en créant un organe national de coordination des programmes sur les mutilations génitales et en intégrant un système d’examen annuel de la mise en œuvre des programmes visant à y mettre fin.
« Il existe de nombreux défis liés à la coordination et ceux-ci concernent principalement la fonctionnalité. De même, le manque de systèmes centralisés de gestion de l’information est un défi qui ne facilite pas la disponibilité d’un ensemble complet de données dans la plupart des pays étudiés. »
Entre autres recommandations, le rapport préconise de s’appuyer sur l’expérience à l’est du continent, où sont engagés des plans d’action transfrontaliers (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Éthiopie, Somalie) et des lois appuyées par la Communauté d’Afrique de l’Est. Les pratiques transfrontalières des mutilations restent en effet un problème.
Pour lire le rapport complet, cliquez Ici.
@PF