Un tourisme ancré dans la vie des populations

Lorsque les spécialistes du tourisme signalent le potentiel de l’écotourisme en Afrique, c’est pour regretter qu’il soit si peu exploité. Pourtant, des initiatives permettent d’attirer les visiteurs tout en respectant nature et mode de vie traditionnel.
Les pays d’Afrique du Nord présentent peu de vitrines crédibles en matière d’écotourisme. Au nord-est du Maroc, le parc national d’Ifrane développe un projet expérimental d’écotourisme basé sur la pratique des sports de nature (VTT, randonnées, escalades, balades équestres…). Ce projet, intitulé « Activités de pleine nature au service de la biodiversité dans le parc national d’Ifrane » a reçu en décembre 2022 une subvention d’un montant de 1,8 million d’euros, octroyé par le Fonds français pour l’environnement mondial.
« Le projet repose sur une démarche participative, avec la formulation d’une charte de l’écotourisme par l’ensemble des acteurs marocains. Les porteurs d’initiatives écotouristiques, notamment les jeunes et les femmes des communautés, pourront bénéficier d’un appui technique et financier dans le cadre d’appels à projets », expliquait le chargé de projet biodiversité à l’Agence française de développement (AFD) au Maroc, Augustin Jeanjean.

En Égypte, à quelques encablures du célèbre barrage d’Assouan, sur l’îlot d’Aguilkya, le temple de Philae plonge les promeneurs dans l’histoire de l’Égypte antique. Ses bas-reliefs, ses fresques et ses chapiteaux font du temple dédié à la déesse protectrice Isis l’un des plus beaux sanctuaires du pays, signale la BAD (Banque africaine de développement).
Qui a suivi le parcours d’Ahmed Yehia, fondateur-dirigeant d’Eco Nubia, le premier « écolodge » d’Assouan. À bord de son petit bateau à moteur, le jeune entrepreneur navigue tranquillement en direction de ce trésor du patrimoine égyptien, niché au cœur des anciennes terres nubiennes.
« Juste à côté, j’ai découvert Bigeh, une île magique, abandonnée par ses habitants il y a des années. J’ai voulu les aider à la réhabiliter et à la repeupler, tout en créant de la valeur de manière durable », raconte-t-il.
L’art et l’artisanat nubien
Né en janvier 2018, le projet a reçu le soutien de l’initiative Tanmia wa Tatweer, financée par le Programme de partenariat dano-arabe et pilotée par la Banque africaine de développement. Son objectif, faire revivre la culture nubienne et créer un nouveau lieu d’écotourisme en Égypte, au service d’une clientèle locale et internationale. En recourant à des matériaux naturels provenant de plusieurs régions du pays, la réhabilitation de Bigeh a permis de créer des emplois pour la communauté population locale.
« En partenariat avec la communauté nubienne, nous avons placé Bigeh sur la carte de l’écotourisme égyptien », se félicite Ahmed Yehia. « Nous avons un lodge ouvert toute l’année, qui surplombe le temple de Philae. Une salle peut accueillir des événements, un restaurant sert une cuisine typique nubienne, préparée par du personnel nubien et élaborée à partir de produits bio locaux. »

L’écolodge, composé de neuf chambres bâties de roche de granit et de boue, propose un large éventail d’activités, dont le kayak et la natation, la visite de sites touristiques et des marchés d’artisanat nubien.
Eco Nubia a redonné vie à l’île abandonnée de Bigeh. Sa structure emploie désormais une trentaine de personnes, dont un tiers sont des femmes. Sous son impulsion, cinq maisons nubiennes ont été reconstruites et meublées dans la tradition nubienne depuis 2018, un réseau intégré d’électricité, d’eau et d’égouts a été créé pour les insulaires, dans le respect de l’environnement.
La structure d’Ahmed Yehia, qui attire des touristes du monde entier, a reçu les éloges de l’Organisation mondiale du tourisme et du ministère égyptien du Tourisme pour ses réalisations exceptionnelles en matière de développement durable. Côté médias, la chaîne américaine CNN, lui a consacré une émission spéciale.
Ce projet de développement autour de la culture nubienne a reçu un accueil chaleureux de la communauté locale.
Un centre communautaire
« Nous avons notre propre ferme, qui produit ce que nous consommons », précise le directeur d’Eco Nubia. « Nous avons ouvert un restaurant nubien sur l’île, construit un centre communautaire, conçu et mis en place des postes de travail en faveur de l’artisanat nubien, respectueux de l’environnement. De nouveaux emplois sont destinés à une cinquantaine de familles plus modestes, en particulier aux femmes. »
Il poursuit : « Nous voulons aussi aider les habitants de Bigeh à reconstruire leurs maisons en utilisant des matériaux de construction traditionnels et les mêmes techniques anciennes de l’architecture nubienne, tout en préservant l’environnement naturel de l’île. »
Un nouvel espace fédérateur est également sorti de terre : « Les Nubiens sont célèbres pour leurs centres communautaires qu’on appelle « Gameya » (rassemblement). Notre projet était de construire le Nubian Gameya, un lieu de rassemblement pour les insulaires, qu’il serait possible de louer pour des événements », explique Ahmed Yehia.
D’une superficie de 80 m2, le centre communautaire est construit selon les principes de l’architecture nubienne, des plus écologiques. Il trône désormais au sommet d’une petite montagne, offre une vue panoramique sur les alentours, qui portent en eux une partie de l’histoire de l’ancienne Nubie.

@NA