L’OMS redoute une troisième vague

Le nombre de nouveaux cas de Covid-19 a fortement augmenté, ces dernières semaines, dans certains pays d’Afrique. En retard, la campagne de vaccination pourrait s’accélérer durant l’été, espère l’OMS qui appelle à mieux équiper les centres de soins.
Par Paule Fax
L’Organisation mondiale de la santé signale que les contaminations augmentent dans 14 pays. Et huit d’entre eux subissent une augmentation de plus de 30 % du nombre de nouveaux cas en quinze jours , tandis qu’une part infime de la population africaine est pleinement vaccinée.
Environ 2% des Africains ont reçu une dose de vaccin et moins de 0,6% a reçu la deuxième dose. L’arrivée de l’hiver, en Afrique australe, augmente les risques dans cette partie du continent. Et les Africains ne sont pas vraiment exemplaires en matière de respect des gestes de prévention, comme le déplore une enquête menée par Timbuktu Institute.
Pour chaque dollar dépensé dans l’achat de vaccins, environ 60 cents est nécessaire pour soutenir les opérations d’embauche des vaccinateurs, de stockage et de logistique de la chaîne du froid et de transport. Une réalité mal appréciée par les États africains, juge l’OMS.
Et pourtant, les expéditions de vaccins continuent de se raréfier, regrette l’OMS. Même si le Burkina Faso a reçu, la semaine du 31 mai, quelque 115 000 doses fournies par le mécanisme Covax.
Et que le Rwanda et le Togo ont chacun reçu environ 100 000 doses du vaccin Pfizer. Près d’une vingtaine de pays africains ont utilisé jusqu’aux deux tiers de leurs doses. Covax mène des discussions avec plusieurs fabricants, ainsi qu’avec des pays qui ont déjà vacciné leurs groupes à haut risque, afin qu’ils partagent des doses.
« La menace d’une troisième vague est réelle et grandissante. Notre priorité est claire : il est essentiel de rapidement vacciner les Africains les plus exposés au risque de tomber gravement malade », commente Matshidiso Moeti, directrice de l’OMS pour l’Afrique.
Qui constate : « Alors que de nombreux pays en dehors de l’Afrique ont désormais vacciné leurs groupes à haut risque et sont même en mesure d’envisager de vacciner leurs enfants, les pays africains ne peuvent pas administrer les deuxièmes doses à leurs groupes à haut risque. » C’est pourquoi elle appelle les pays qui ont atteint une couverture vaccinale significative « à rendre des doses disponibles et à faire en sorte que les Africains vulnérables n’aient pas besoin de soins intensifs ».
Mieux équiper les centres de santé
Un plaidoyer en forme de mea culpa. « On aurait pu se rendre compte plus tôt de l’insuffisance de la production par rapport aux besoins mondiaux. Ainsi, la décision de partager les doses disponibles aurait pu se faire plus tôt », reconnaît le Dr Moeti. Qui fait état d’« intenses tractations politiques pour établir des unités de fabrication en Afrique ».
L’objectif est de limiter la dépendance des pays africains au laboratoire Astra Zeneca (qui fournit le Burkina Faso, par exemple) et de conclure des accords de production avec les autres producteurs de vaccins. Matshidiso Moeti espère que la production à destination ou en Afrique va s’intensifier à partir de juillet-août.
Parallèlement, l’OMS alerte les dirigeants africains sur la nécessité d’améliorer les capacités de soins intensifs, pour éviter un débordement des centres de soins. En effet, l’Afrique compte pour 2,9 % des cas dans le monde, mais pour 3,7 % des décès.
Une enquête de l’OMS conclut que dans beaucoup de pays africains, les équipements et le personnel de santé essentiels requis pour prendre en charge les patients gravement malades sont largement insuffisants pour répondre aux besoins.
Sur les 23 pays qui ont participé à l’enquête, la plupart ont moins d’un lit en unité de soins intensifs pour 100 000 habitants, là où il en faudrait au moins 25. Dans les pays qui ont fourni des informations sur les ventilateurs, seul un tiers des lits en unités de soins intensifs est équipé de ventilateurs mécaniques.
« De nombreux hôpitaux et de cliniques en Afrique sont loin d’être prêts à affronter une augmentation drastique du nombre de patients gravement malades. Nous devons mieux équiper notre personnel hospitalier et médical afin d’éviter les pires effets d’une augmentation incontrôlée du nombre de cas », explique le Dr Moeti. « Le traitement constitue la dernière ligne de défense contre ce virus et nous ne pouvons pas nous permettre qu’elle tombe. »
Afin de renforcer davantage les services de soins intensifs, l’OMS recommande que chaque hôpital de district dispose d’une unité de soins pour malades hautement dépendants. De plus, juge l’Organisation, les hôpitaux au niveau régional ou provincial devraient disposer d’une unité de soins intensifs, tandis que les structures sanitaires de haut niveau devraient installer entre deux et trois unités de soins intensifs.
Un outil de mesure des besoins
Le défi est aussi économique : la Banque mondiale estime que chaque mois de retard dans la fourniture de vaccins pourrait coûter à l’Afrique 14 milliards de dollars de PIB.
La plupart des pays africains disposent de plans financiers pour vacciner 3 % de leur population, mais beaucoup de plans n’incluent pas les phases de suivi géographiquement plus étalées. Pour chaque dollar dépensé dans l’achat de vaccins, environ 60 cents est nécessaire pour soutenir les opérations d’embauche des vaccinateurs, de stockage et de logistique de la chaîne du froid et de transport.
Pourtant beaucoup des plans financiers négligent ces coûts cruciaux, déplore l’OMS, qui en appelle à l’utilisation d’un outil spécifique d’estimation des besoins, le CVIC. Lequel « fournit la première étape d’un budget bien structuré ». Le CVIC vise à aider les gouvernements et les partenaires à évaluer le coût différentiel d’introduction, du déploiement et de l’administration des vaccins contre la Covid-19.
PF