La vaccination s’accélère (enfin) en Afrique

Alors que les derniers chiffres de l’OMS sont préoccupants, la plateforme de l’Union africaine s’apprête à distribuer 400 millions de doses du vaccin Johnson & Johnson, soit autant de vaccinés. Le Togo fait partie des premiers pays servis.
Par Marie-Anne Lubin
« Je veux être clair, sans le vaccin, je ne serais pas ici. » John Nkengasong, directeur du Centre africain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a ainsi cueilli les journalistes, lors de son point presse hebdomadaire. En effet, le Dr Nkengasong a contracté la Covid-19 et a présenté des symptômes sérieux, les jours précédents. Toutefois, sa vaccination, achevée en avril, lui a permis de surmonter cette épreuve, juge-t-il.
« Si je n’avais pas eu ces vaccins… je peux vous assurer que ce serait fini pour moi maintenant. La gravité de l’attaque est tellement insupportable, je veux dire les maux de tête, les fièvres… chaque partie de votre corps est fondamentalement affectée. » Il est aujourd’hui « toujours en lutte avec la maladie ».
Le directeur du CDC Afrique a révélé que la Force africaine de vaccination avait acquis 400 millions de vaccins Johnson & Johnson (J&J), qui commencent à être distribués. Moins de 2% de la population africaine a été complètement vaccinée.
De son côté, le dispositif Covax tarde à être déployé, à tel point que beaucoup de dirigeants africains se plaignent du « nationalisme vaccinal », pour reprendre les termes employés par John Nkengasong, des pays occidentaux. Le patron de l’OMS lui-même a demandé à ne pas oublier les pays en développement, alors que certains pays occidentaux réfléchissent pourtant à l’acquisition d’une « troisième dose » pour leurs populatins.
L’Union africaine (UA) privilégie le vaccin J&J car il s’agit d’un vaccin unique (une seule dose) ; il permet une longue durée de conservation et des conditions de stockage favorables, avant l’injection. En effet, le précieux produit se présente dans un flacon de cinq doses, ce qui minimise les pertes, et se conserve à une température de 2 à 8 degrés. Le choix de l’UA est également guidé par le fait que ce vaccin commence à être produit sur le continent, en Afrique du Sud.
Des chiffres inquiétants
Le CDC africain estime que le lot de 400 millions est suffisant pour vacciner un tiers de la population du continent et amener l’Afrique à mi-chemin vers l’objectif de vacciner au moins 60% de sa population à fin 2022. John Nkengasong considère que les doses acquises aideraient à sauver « 400 millions de vies… tout comme les vaccins m’ont sauvé la vie ».
Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, la situation est « très très inquiétante », confie-t-il à RFI. Il fait écho aux chiffres de l’OMS, qui a reçu le signalement de plus de 6 400 décès semaine précédant le 1er août, soit une hausse de 2 % par rapport à la semaine précédente ; l’Afrique du Sud et la Tunisie comptant pour plus de 55 % de ces pertes en vies humaines. Si le nombre de décès connaît une augmentation dans quinze pays, douze pays signalent des taux de létalité supérieurs à la moyenne de 2,5 % observée sur le continent en juillet.
La situation est particulièrement inquiétante en Afrique australe et de l’Est, ainsi que dans certains pays d’Afrique du Nord. Si grâce au leadership de certains dirigeants africains (Moussa Faki Mahamat, Cyril Ramaphosa), l’Afrique a évité le pire en 2020, le continent ne peut pas rester à l’écart d’une telle pandémie, estime le directeur du CDC.
Le Togo est bien servi
D’autant que la population commence à montrer des signes d’épuisement face aux mesures de restriction et aux gestes barrières. En revanche, malgré quelques réticences, la vaccination est plutôt bien acceptée par les Africains, 75% des doses reçues ayant été administrées. Réticent face à la vaccination, le Burundi y est désormais disposé.
De son côté, le Togo a réceptionné 118 000 doses de vaccin J&J, le 5 août. Selon le gouvernement, le pays devient le premier du continent à recevoir ce vaccin fabriqué en Afrique du Sud. Ce lot n’est qu’une première livraison sur les 4 millions de doses commandées par le Togo, et livrés par la plateforme de l’Union africaine.
Le chef de l’État, Faure Gnassingbé, appelle à une forte mobilisation : « Je me réjouis de l’arrivée rapide de ces doses, et j’invite mes concitoyens à se faire vacciner massivement pour endiguer la maladie. » Selon le gouvernement, au 3 août, 4,2% de la population togolaise avaient reçu au moins une dose et 2% présentaient un schéma vaccinal complet.
Malu