Placer l’équité au cœur des politiques d’éducation

Un documenté rapport de l’Unesco et de l’Union africaine insiste sur la nécessité de mieux tenir compte de l’équité, en matière d’éducation. Les auteurs encouragent les programmes de soutien aux plus démunis, ainsi qu’aux élèves sortis des systèmes scolaires.
« Il existe des raisons d’être optimiste tout comme de s’inquiéter de la progression des pays africains vers un accès universel à une éducation de qualité et à un apprentissage équitable », conclut un volumineux rapport de l’Unesco et l’Union africaine.
Pourtant, s’il n’existe pas de remède miracle à l’ensemble des inégalités sociales, fournir un accès équitable à une éducation de qualité est un moyen reconnu comme particulièrement efficace de rompre le cercle intergénérationnel de la pauvreté. Ces vingt dernières années, certains pays sont parvenus à faire progresser leur économie en même temps que l’égalité. Cependant, la croissance économique d’autres pays a confronté leur population à une hausse des inégalités de revenus.
La croissance d’une économie ne bénéficie pas nécessairement à chacun de ses acteurs. L’équité doit occuper la place centrale de la planification politique et des décisions d’investissement à tous les niveaux d’enseignement afin qu’aucun enfant ne soit laissé de côté.
« Les mesures qui visent à élargir l’accès à l’éducation et à en améliorer la qualité doivent accorder la priorité à l’équité dans l’apprentissage de sorte que les décisions politiques et les investissements soient centrés sur les enfants les plus vulnérables. La plupart des systèmes éducatifs pratiquent une ségrégation entre les enfants qui font preuve d’aisance et ceux qui ont besoin d’un soutien complémentaire », regrettent les auteurs du rapport.
Tous les pays africains ont convenu de donner la priorité à l’éducation de la petite enfance. Ils ont recours à des approches variées (universalisation des savoirs progressive et non pas dès la prime enfance, par exemple) et des méthodes pédagogiques différentes (demi-journées, programmes étalés d’un à cinq jours, cours en classe ou à la maison, etc.). « Si cette diversité révèle qu’il est possible d’adapter l’éducation de la petite enfance aux besoins et aux circonstances, elle soulève également des questions sur la qualité de l’éducation fournie compte tenu du risque que la mise en œuvre des différents modèles de prestation ne soit pas uniforme et produise des résultats différents selon les contextes », commente le rapport. Qui constate qu’en Afrique, l’éducation des tout-petits « enregistre des inégalités d’accès bien plus importantes que les autres niveaux d’enseignement ».
Qui conseille de mieux évaluer les programmes, d’améliorer les capacités des enseignants et d’élaborer des outils d’apprentissage complémentaires et peu coûteux, comme des émissions de radio ou de télévision.
Priorité aux moins avancés
En matière d’éducation primaire et secondaire universellement accessible, les pays africains ne présentent pas les mêmes stades d’avancement.
Certains, tels que l’Égypte, la Tunisie et l’Afrique du Sud, semblent être en mesure de parvenir à une scolarisation universelle dans le primaire d’ici 2030 et ont consacré des efforts couronnés d’un remarquable succès au premier cycle du secondaire. Cependant, les enfants d’autres pays, tels le Tchad et la Guinée-Bissau, sont plus de deux tiers à ne pas terminer le cycle du primaire, ce qui indique un besoin urgent de mener une réflexion politique intense sur l’accès, même à ce niveau d’enseignement.
De même, les disparités entre les sexes dans les taux d’achèvement varient selon les pays et les régions, ce qui souligne la pluralité des facteurs qui empêchent les garçons et les filles de fréquenter l’école ainsi que leur répartition inégale d’un pays et d’un groupe d’âge à l’autre.

Comment parvenir à l’équité ? « Améliorer les résultats de l’apprentissage nécessite de donner la priorité aux enfants les moins avancés de leur classe en coordonnant les diverses composantes d’une éducation de qualité, notamment le programme scolaire, la pédagogie, la formation des enseignants, les supports d’apprentissage et d’enseignement, l’évaluation des élèves », expliquent les pédagogues, cités par l’Unesco et l’Union africaine.
Qui constatent que les pays africains ont beaucoup investi dans les compétences de base mais « traiter les causes de leur acquisition inégale a attiré moins l’attention ». Il se dégage quelques constats généraux, comme le fait que les enfants des familles pauvres accusent un plus grand retard en lecture qu’en mathématiques, ce retard s’accumulant à mesure que les élèves progressent, d’une année sur l’autre. À noter que le rapport souligne que 80% des enfants d’Afrique subsaharienne ne reçoivent pas de cours dans leur langue maternelle.
Et le rapport de suggérer une « refonte » des programmes fondés sur les compétences, qui permette d’adapter le rythme d’enseignement aux besoins des élèves. Cela est mené en Tanzanie, par exemple.
À cette question de l’équité, plusieurs réponses : certains pays encouragent le retour des élèves – notamment des filles – à l’école, d’autres s’engagent sur des voies moins formelles, comme le modèle de la seconde chance, ou le soutien aux dispositifs communautaires. Cette option est par exemple choisie par le Mali, qui met à disposition des centres d’apprentissage communautaires ou temporaires, en plus de l’école. Bien sûr, les nouvelles technologies sont un outil à utiliser, comme ce peut être le cas au Kenya, par exemple, mais ils ne sauraient constituer une solution unique.
Les données, clefs d’une bonne gouvernance
Enfin, le rapport encourage les pays africains à permettre aux jeunes d’acquérir les compétences nécessaires pour entrer sereinement sur le marché de l’emploi : les compétences numériques devant désormais s’ajouter aux savoirs en matière de lecture, d’écriture et de calculs de base. Sans compter l’acquisition d’un savoir-être utile dans le monde du travail. Il ne néglige pas les questions financières, notamment la nécessité de mieux rémunérer et former les enseignants, et de construire des établissements scolaires dignes de ce nom.
Le rapport fournit un ensemble pratique d’indicateurs et de données comparables à l’échelle mondiale. Il répertorie également les plus importantes politiques et initiatives élaborées par les pays d’Afrique pour relever le défi de l’éducation universelle et équitable au cours des dernières années. L’analyse menée révèle des tendances majeures.
C’est pourquoi disposer de données est essentiel pour définir les priorités, allouer les ressources de manière ciblée, renforcer la responsabilisation et garantir une prestation efficace des services au sein des systèmes éducatifs. Le défi à relever est double, jugent les auteurs du rapport : en plus d’aider les pays à améliorer la disponibilité et la qualité des données, il est nécessaire de promouvoir des stratégies prévoyant leur utilisation continue dans le cadre des prises de décisions et de la mise en œuvre.
Étant donné la mesure dans laquelle la collecte, le taux de couverture et la qualité des données servent de base fondamentale à la conduite d’analyses rigoureuses et d’une planification solide des politiques éducatives, « il est à espérer que les études et les rapports à venir pourront être fondés sur davantage d’éléments probants de qualité », espèrent les auteurs.
Qui expriment un autre souhait : « Au-delà de l’aperçu que ce rapport donne des défis actuels du secteur éducatif, il serait utile de continuer à clarifier les liens entre une éducation de qualité et le développement économique afin d’en faire valoir l’importance à l’égard de la réalisation des aspirations de l’Afrique à offrir un meilleur avenir à l’ensemble de ses citoyens. »
@NA