Ouidah, capitale des arts

La petite ville de Ouidah a ouvert en novembre 2014 le premier Musée d’art contemporain d’Afrique. Un projet financé par la Fondation Zinsou qui célèbre son dixième anniversaire par une innovation technologique.
Petite bourgade située à une quarantaine de kilomètres de Cotonou, Ouidah tient une place importante dans les livres d’histoire de l’Afrique : depuis son port, des centaines de milliers d’esclaves furent déportés vers les Amériques. La famille Zinsou, dont la fondation est reconnue pour détenir une importante collection familiale de pièces d’art contemporain africain, expose déjà régulièrement à Cotonou, depuis huit ans. Quatre millions de personnes ont déjà visité les expositions de la capitale. Il fallait un lieu plus grand pour mettre en valeur une plus grande partie de la collection qui rassemble des oeuvres rares d’artistes du continent. L’idée est lancée : Ouidah, la ville d’origine de la famille, aura son Musée, accessible à tous gratuitement.
L’Afrique, en dehors de l’Afrique du Sud, était privée d’un espace où les artistes contemporains pouvaient exposer. Une initiative salutaire qui offre à tout un continent victime de clichés tenaces, un lieu d’expression sur les réalités contemporaines, un support sur-mesure de l’art africain et international.
Notre philosophie est de faire bénéficier les citoyens, enfants et adultes de leur patrimoine (le travail sur la mémoire), mais aussi d’éveiller les consciences sur le monde qui nous entoure.
La première exposition du musée s’intitule Chefs-d’oeuvre de la collection. Elle présente des artistes béninois et internationaux ; neuf pays africains sont représentés. Le public a pu découvrir les oeuvres de Romuald Hazoumé, Cyprien Tokoudagba, Frederic Bruly-Bouabré, Georges Lilanga, Samuel Fosso, Seni Awa Camara, Jean-Dominique Burton, Malick Sidibé, Seydou Keïta, Bruce Clarke, Chéri Samba, Michael Bethe Selassié, Aston, Kifouli Dossou et Solly Cissé.
Mais plus qu’un musée, ce nouvel espace artistique permet également de consulter les archives relatives à l’histoire de l’art en Afrique. La Fondation Zinsou avait déjà développé un programme de recherches et d’enseignements dans divers lieux au Bénin il y a huit ans, en se concentrant sur l’histoire et l’environnement des artistes, des oeuvres et des traditions. La grande sensibilité de la famille à l’histoire de l’art et au patrimoine explique notamment le choix du lieu pour abriter le Musée : la villa Ajavon. Cette bâtisse de 1922 représente l’un des plus beaux témoignages de l’héritage architectural afro-brésilien. Une bâtisse également témoin de la transformation urbaine, économique et sociale d’une ville côtière depuis l’abolition de l’esclavage. « Notre philosophie est de faire bénéficier les citoyens, enfants et adultes, de leur patrimoine (le travail sur la mémoire), mais aussi d’éveiller les consciences sur le monde qui nous entoure », insiste la direction. Tout est conçu pour offrir aux Béninois un accès à l’histoire et à l’art africain.
Un accès particulièrement réservé aux enfants. « Nous avons touché ici entre 4,5 millions et 5 millions de personnes. Le premier public visé par le musée reste les enfants », précise Marie-Cécile Zinsou, responsable du musée de Ouidah. Des voyages par bus scolaire gratuit sont organisés pour amener les écoliers des villes voisines notamment Cotonou, au musée de Ouidah. Le nouveau lieu d’exposition a lancé le programme des Petits pinceaux. Un atelier d’initiation aux pratiques artistiques, mais aussi le développement du réseau de mini-bibliothèques développé depuis 2009.
ENCADRE
La fondation Zinsou
Constituée en 2005 à Cotonou, la fondation familiale Zinsou est tournée vers l’action sociale et la culture, dédiée à l’art contemporain africain. Le projet est lancé par Marie-Cécile Zinsou, en charge du musée de Ouidah, avec le soutien de son père le franco-béninois Lionel Zinsou, économiste et homme d’affaires — et Premier ministre du Bénin depuis juin 2015 — ainsi que de son grand-oncle Émile-Derlin Zinsou, ancien président du Bénin.
En huit années, pas moins de 24 expositions ont été organisées, 17 livres d’art contemporain publiés, notamment via des collaborations avec le festival Regard Bénin 1.0 en 2010 qui est devenu la Biennale Bénin en 2012. D’autre part, une application, Wakpon (« Viens voir » en langue fon) donne accès aux oeuvres du musée de Ouidah sur un smartphone. Elle vient d’être lancée, à l’occasion du dixième anniversaire de la fondation. De quoi élargir le public du musée.