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Société

Ne pas attendre pour mettre fin aux crises alimentaires

Ne pas attendre pour mettre fin aux crises alimentaires
  • Publiémai 8, 2023

Le Rapport mondial sur les crises alimentaires redoute une extension, en Afrique et dans le monde, des populations en situation de crise aiguë. Et d’appeler à des aides spécifiques sans attendre que la situation ne dégénère.

 

Dans son état des lieux de l’année 2022, le Rapport mondial sur les crises alimentaires 2023 (GRFC en anglais), ne se montre guère optimiste pour 2023. Selon les projections, 38 des 58 pays ou territoires touchés par une crise alimentaire se trouvent ou risquent de se trouver en situation critique.

Il est probable que la situation d’insécurité alimentaire aiguë de ces pays soit encore aggravée par plusieurs chocs survenus au début de 2023. Il s’agit notamment du cyclone tropical Freddy à Madagascar, au Malawi et au Mozambique, les tremblements de terre en Syrie et en Turquie, et de l’intensification du conflit au Soudan. Environ 310 000 personnes devraient se retrouver en situation de « catastrophe », dans six pays (Burkina Faso, Haïti, Mali, Nigeria, Somalie et Soudan du Sud), dont près des trois quarts en Somalie. Sans compter la situation incertaine au Yemen. En Somalie, on entrevoit encore un risque de famine parmi les populations agropastorales du district de Burhakaba et des camps de personnes déplacées à Baidoa et Mogadiscio au cours du deuxième trimestre 2023.

En 2022, près de 258 millions de personnes dans 58 pays ou territoires étaient en insécurité alimentaire aiguë, contre 193 millions dans 53 zones en 2021. Plus de 40% de la population résidaient dans cinq zones seulement : la RD Congo, l’Éthiopie, l’Afghanistan, le Nigeria et le Yémen.

Les chocs économiques devraient constituer le moteur principal de l’insécurité alimentaire aiguë dans 22 de ces pays, car la résilience économique y a été gravement compromise par la lenteur de la reprise après la pandémie de Covid-19, et encore aggravée par la guerre en Ukraine. « La persistance du prix élevé des denrées alimentaires, associée à des niveaux d’endettement insoutenables dans un certain nombre de pays en crise alimentaire, aux prises avec des taux d’intérêt élevés et la dépréciation des monnaies, devrait éroder davantage l’accès des ménages à l’alimentation et limiter la capacité budgétaire des gouvernements à fournir de l’aide. »

 

Des conditions météo extrêmes

En mars 2023, le prix des denrées alimentaires dans divers pays, dont l’Éthiopie, le Ghana, le Malawi, la Namibie, la Somalie, le Soudan du Sud et le Zimbabwe atteignait des niveaux exceptionnellement élevés. Les conflits et l’insécurité devraient constituer le facteur principal dans de nombreux territoire.

Et l’on vient d’apprendre que le phénomène El Niño, dont le retour est prévu en juin 2023, devrait entraîner des conditions de sécheresse dans les principales zones cultivables d’Amérique centrale, d’Afrique australe et d’Extrême-Orient, mais des précipitations excessives et de possibles inondations au Proche-Orient et en Afrique de l’Est.

La situation est particulièrement préoccupante dans 22 territoires du Nigeria, dont la capitale Abuja.

La situation est particulièrement préoccupante dans 22 territoires du Nigeria, dont la capitale Abuja.

 

En Afrique centrale et australe, juge le rapport, les conflits et l’insécurité devraient rester le moteur principal de l’insécurité alimentaire aiguë en République centrafricaine, en RD Congo et au Mozambique, tandis que les chocs économiques risquent d’éroder davantage le pouvoir d’achat et la résilience des ménages. Les conditions météorologiques extrêmes, et notamment le cyclone tropical Freddy qui a frappé Madagascar, le Malawi et le Mozambique en février 2023, compromettront la sécurité alimentaire tout au long de l’année 2023.

En Afrique de l’Est, les conditions météorologiques extrêmes, dont la sécheresse qui sévit depuis trois ans dans la Corne de l’Afrique, les défis économiques, les conflits et l’insécurité affectant les moyens de subsistance, l’accès aux marchés et l’aide humanitaire, continuent d’entraîner des niveaux désastreux d’insécurité alimentaire aiguë dans de nombreux pays en 2023. Des efforts significatifs d’intensification de l’aide humanitaire multisectorielle, conjugués à des pluies légèrement plus favorables que prévu, apportent une amélioration modérée dans certaines zones, même si le rétablissement des moyens de subsistance prend du temps.

Au Soudan, le début des affrontements à la mi-avril entre les forces armées soudanaises et les forces de soutien rapide a provoqué une suspension de l’aide humanitaire et entraînera probablement une détérioration des moyens de subsistance, des déplacements internes et une insécurité alimentaire aiguë.

En Afrique de l’Ouest et au Sahel (y compris au Cameroun), les niveaux d’insécurité alimentaire aiguë pendant la saison de soudure de juin à août 2023 devraient être les plus élevés jamais enregistrés.

 

Ne pas attendre pour agir

Ce, en raison de l’aggravation des conflits et de l’insécurité, en particulier dans les régions du Sahel central et du bassin du lac Tchad, et des chocs économiques accrus, dont une inflation galopante et la dépréciation des devises en particulier au Nigeria, au Ghana, en Sierra Leone et au Liberia. La situation pourrait se détériorer au Burkina Faso, au Mali, ainsi qu’au Sénégal, au Liberia et en Gambie, et reculer dans neuf autres pays.

Les auteurs du rapport se risquent à quelques recommandations, au-delà bien sûr des appels convenus à la solidarité. Ils constatent que de plus en plus de populations se trouvent dans une phase aiguë de crise, sans pour autant que l’on puisse parler de famine.

Or justement, « enclencher l’intervention humanitaire plus tôt que tard peut, à moindre coût, réduire les écarts alimentaires et protéger les actifs et les moyens de subsistance ». Trop souvent, regrettent-ils, la communauté internationale attend une classification en « famine » avant de dégager un financement additionnel. « À ce stade, des vies et des avenirs potentiels ont déjà été perdus, des moyens de subsistance se sont effondrés et des réseaux sociaux ont été perturbés, avec des effets désastreux sur les vies de la génération à naître. »

Selon les auteurs, des populations sont déjà incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires minimaux ou obligées de protéger leur consommation alimentaire en adoptant des stratégies qui nuiront à leur capacité future de se nourrir et de maintenir leurs conditions de vie. Et se rapprochent d’une phase de malnutrition élevée. Il est donc « urgent » d’agir pour les populations avant qu’elles n’atteignent le stade de la famine, « afin de leur assurer un bien-être immédiat, de soutenir leur capacité à subvenir à leurs besoins, et d’éviter aux familles d’effectuer des choix susceptibles d’entraîner des résultats plus nuisibles encore ».

Intervention dans le nord de l’Éthiopie en 2021 ; Programme alimentaire mondial ; Sinisa Marolt
Intervention dans le nord de l’Éthiopie en 2021 ; (photo  Programme alimentaire mondial ; Sinisa Marolt).

@NA

 

Écrit par
Aude Darc

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