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Société

Maroc : Quand le Rif bouscule l’État

  • Publiéaoût 26, 2017

Depuis novembre 2016 les manifestations régulières des habitants d’Al Hoceïma et du Rif provoquent des débats sur cet autre Maroc, celui du mal développement. Les décideurs sont sous pression.

Rabat, Olivier Deau

La mort tragique du poisson­nier Mohsine Fikri, le soir du 28 octobre 2016, alors que les premiers signes d’un blocage politique pointaient à Rabat, a réveillé un sentiment de révolte au coeur de la petite ville de Al Hoceïma, 50 000 âmes, nichée entre un massif montagneux et la côte méditerranéenne, au coeur du Rif.

Le poissonnier, dont la marchandise avait été saisie par les douaniers du port avait tenté de s’opposer à la destruction de son stock d’espadon, dont la pêche est illégale à cette époque de l’année. Alors qu’il intervient physiquement pour enle­ver la marchandise de la benne broyeuse, le mécanisme est déclenché. Happé par la machine, il meurt écrasé. Pour les pêcheurs et les revendeurs, de plus en plus désoeuvrés face au stock de poissons en diminution, le drame est vécu comme l’humiliation de trop.

La nouvelle se répand dans la région et des protestations commencent. Ils seront des dizaines de milliers à suivre le cortège funèbre et à réclamer une enquête sur cette mort. Dans le cortège de nombreux drapeaux amazighs (berbères) et rifains sont arbo­rés. À Rabat, le malaise est palpable parmi les décideurs qui espèrent que la mort de Fikri n’ouvrira pas un épisode d’émeutes tels qu’ils ont pu se manifester par le passé dans diverses localités.

Un mouvement social pacifique : le Hirak

Au coeur d’une des premières nuits de mobilisation, un homme monte sur une estrade improvisée et harangue autour de lui. Cet homme s’appelle Nasser Zefzafi, la trentaine, originaire d’Al Hoceïma. Il s’essaie depuis plusieurs mois au rôle de meneur politique en uti­lisant moyens traditionnels, et aussi les nouveaux médias. Téléphone allumé en mode vidéo, assis à son bureau, il commentait déjà depuis des semaines la situation des Rifains et de la région en direct sur Facebook. Sa popularité et son audience en ligne vont croissant.

Des milliers de personnes regardent et rediffusent ses courtes vidéos dans lesquels il convoque les sentiments d’humiliation et de marginalité histo­riquement construits dans la région, les frustrations sociales et les insatis­factions face aux réponses politiques. Un mouvement se lève dans la région, certains l’appelleront le « Hirak » (mou­vement), autour de Zefzafi et d’autres. Des cellules organisées convoquent des actions quasi quotidiennes, pacifiques, encadrées. La mobilisation ne faiblit pas. Une liste publique de revendications est…

Sur une ligne de crête entre la posture répressive et l’obligation de faire des concessions économiques et sociales, les contradictions politiques nationales sont mises à nue.

…élaborée : implantation d’une université, un nouveau modèle de développement, une baisse des prix des denrées alimen­taires, une autoroute désenclavant la région, les Rifains égrènent l’inventaire du mal-développement du pays. Le tout sur fond de crise de l’économie touris­tique et de la pêche. Les autorités lasses ont hésité entre laisser faire et tenter des interventions pour disperser les foules.

Écrit par
Olivier

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