Lutte traditionnelle et préservation des lieux de vie

Remontant au XVe siècle, la lutte sénégalaise a débuté et est entretenue par le peuple sérère. Les jeunes, femmes et hommes, mobilisent dans le même esprit leurs communautés à la préservation de leurs territoires menacés et des techniques médicinales anciennes.
Charles Gorgui Diagne habite Djilor Djidiack, au Sénégal, où se trouve la forêt de Kollou Ndigue. Il organise la jeunesse de son village en menant des campagnes de plantation d’arbres, en défendant la médecine traditionnelle et en surveillant activement leur forêt. En tant que leader, il apprécie la valeur des liens intergénérationnels.
« Dans la culture africaine en général et dans la culture sérère en particulier, les pratiques ancestrales sont transmises et perpétuées de génération en génération », rappelle-t-il.
L’une de ces pratiques est la lutte traditionnelle sénégalaise. Les anciens du village transmettent oralement les instructions sur l’art de la lutte. De père en fils, et maintenant que les jeunes femmes ont commencé à rejoindre leurs homologues masculins, de père en fille, la lutte traditionnelle est enseignée aux jeunes dans des écoles spéciales au cours de leur initiation à l’âge adulte. Les écoles de formation rassemblent également des personnes de différentes communautés, et la lutte traditionnelle permet ainsi des rencontres amicales entre villages voisins.
« En appui aux leaders actuels et futurs de leurs communautés, il est essentiel de soutenir le leadership et l’autodétermination afin de protéger les connaissances indigènes, l’identité culturelle, et de créer un système plus durable et interdépendant pour les générations à venir. »
La lutte traditionnelle est un élément important du patrimoine culturel sénégalais ; elle est une manifestation des appartenances tribales et des groupes sociaux et sert de signe de la vitalité d’une communauté particulière. C’est aussi l’un des sports nationaux du pays mais cette pratique tombe quelque peu dans l’oubli, car les gens se tournent vers des variantes plus modernes et plus professionnelles.

Pour Charles Diagne, « ce sont des pratiques dont nous avons le devoir d’assurer la pérennité en les transmettant aux autres générations, car comme le disait le poète président Léopold Sédar Senghor, la culture est au début et à la fin de tout processus de développement ».
À l’origine, les combats de lutte faisaient partie des célébrations de la fête des récoltes et permettaient de déterminer qui était l’homme le plus fort de la communauté. Aujourd’hui, les femmes s’y mettent aussi, comme Isabelle Sambou.
Valoriser la diversité culturelle…
Nommée lutteuse africaine de la décennie, elle a remporté de nombreux tournois africains et a représenté le Sénégal aux Jeux olympiques de Londres et de Rio de Janeiro.

« Pour nous, les Jola, la lutte fait partie de notre patrimoine. Nous l’avons héritée de nos arrière-grands-parents… Pour le peuple Jola, c’est donc un héritage. Nous l’avons hérité de nos ancêtres. Voir des femmes lutter nous rend fiers ».
Dès leur plus jeune âge, de nombreux jeunes autochtones apprennent de leurs parents et de leurs communautés à participer à des activités qui maintiennent un équilibre subtil entre la nature et les besoins de l’homme. En effet, la valorisation de la diversité culturelle et de la biodiversité, et la pleine expression du potentiel évolutif de la vie, vont de pair.
Les Sérères ont une longue histoire dans la région de Fatick, au sud-ouest du Sénégal. Depuis des siècles, ils gèrent la forêt communautaire de Kollou Ndigue où vit Charles.
Face à l’augmentation de la sécheresse et à la déforestation généralisée, exacerbée et intensifiée par le changement climatique, les habitants se sont associés au Programme de microfinancements du Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Vingt hectares de forêt sont officiellement des Territoires et aires conservés par les peuples autochtones et les communautés (ICCA).
Aujourd’hui, la biodiversité de cette zone, à Kollou Ndigue, est bien préservée par rapport à son environnement. Les méthodes de conservation sont renforcées par la richesse culturelle de la zone et sont préservées à travers des cérémonies initiatiques, des manifestations traditionnelles et d’autres festivités renforcées par l’implication des jeunes, sur la base des liens tissés par leurs ancêtres.
En plus d’honorer l’héritage de leurs ancêtres à travers la lutte, les jeunes lutteurs travaillent avec des médecins traditionnels sur l’utilisation des plantes médicinales afin de les préparer à la compétition, et ce faisant, ils reçoivent une éducation sur la valeur de leurs forêts.
Charles Diagne explique : « La médecine traditionnelle est un facteur de développement économique, social et culturel. Tout d’abord, le jeune qui pratique la lutte traditionnelle doit avoir une bonne base spirituelle. Et cette base, nous ne la trouvons que dans la nature à travers l’ICCA, qui est notre principale source d’approvisionnement en arbres médicinaux. Nous protégeons jalousement cette forêt car nous sommes conscients des opportunités qu’elle nous offre et de son importance dans notre environnement immédiat. »
Les plantes médicinales se font de plus en plus rares en raison de l’utilisation intensive par l’homme et des sécheresses de ces dernières décennies. « C’est pourquoi les jeunes du village se mobilisent chaque hiver pour restaurer la flore. Des journées de reboisement sont ainsi organisées afin de reboiser des espèces rares ou menacées. Grâce à l’ICCA, ces plantes revivent et sont protégées ».
… et biologique
D’ailleurs, ajoute-t-il, « même avec le développement de la science, les Sérères conservent leurs racines dans le traitement des maladies par les plantes médicinales, pour conjurer le mauvais sort et attirer la chance ».
Ces liens étroits qui existent entre les ressources de la zone protégée et le développement social, économique et culturel encouragent les jeunes à soutenir ces espaces en participant aux activités de reboisement et de surveillance.
« En ce qui concerne la biodiversité, nous avons plusieurs espèces essentielles d’arbres et d’arbustes… et dans plus de mangrove de la périphérie. Ces plantes sont essentielles dans la biodiversité de l’ICCA car elles sont utilisées pour traiter presque toutes les maladies, aussi bien pour les humains que pour les animaux, sans oublier leur importance pour notre atmosphère (puits de carbone) et notre environnement en général. »
Les jeunes autochtones sont des agents de changement en première ligne de certaines des crises les plus pressantes auxquelles l’humanité est confrontée aujourd’hui.
Au Sénégal, ces jeunes sont également les principaux mobilisateurs de la communauté pour de nombreuses activités de l’ICCA, telles que le reboisement de sites sacrés à l’aide d’arbres locaux en voie de disparition et les réunions de sensibilisation traditionnelles.
Les jeunes Sénégalais jouent un rôle crucial dans la préservation de la sagesse et de l’histoire ancestrales. « En appui aux leaders actuels et futurs de leurs communautés, il est essentiel de soutenir le leadership et l’autodétermination afin de protéger les connaissances indigènes, l’identité culturelle, et de créer un système plus durable et interdépendant pour les générations à venir », commente une note du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement.
PF, d’après un récit du PNUD.
@NA