Les Juifs, ces ambassadeurs du Maroc

Les Juifs marocains vont se doter de trois instances représentatives qui permettront de faire le lien entre les différentes communautés du pays, ainsi qu’avec les Juifs de la diaspora. Celle-ci pourra mieux plaider la cause du Maroc, où elle est la bienvenue.
Par Laurent Allais
Après deux années de réflexions et de concertations, le roi du Maroc a décidé de réorganiser les instances représentatives de la communauté juive. Celles-ci, vieilles de plus d’un siècle, vont donc vivre leur troisième toilettage. Le dernier datait… de 1945 !
Ces mesures, qui consistent en la création de trois instances destinées à resserrer les liens entre les Juifs du Maroc, ceux de la diaspora, et le royaume, étaient réclamées de longue date par la communauté juive, qui les accueille avec soulagement. Le royaume tient compte des nouvelles réalités de la communauté juive à l’intérieur du royaume, à l’extérieur du Maroc, dans le sillage d’une normalisation des relations avec Israël. Les mesures sont portées par le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit.
« C’est avec une profonde reconnaissance et une immense fierté que l’ensemble des communautés juives marocaines, au Maroc et dans le monde, ont pris connaissance du communiqué du cabinet royal qui rend compte du Conseil des ministres », a réagi Serge Berdugo, secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc.
Ces mesures, explique le communiqué du Conseil des ministres, « tirent leur fondement de la charge suprême qui incombe au roi (…) garant du libre exercice des cultes pour l’ensemble des Marocains, toutes confessions religieuses confondues, et viennent consacrer l’affluent hébraïque en tant que composante de la culture marocaine riche de ses multiples affluents ». Ce terme ne doit pas étonner : le préambule de la Constitution de 2011 reconnaît l’apport de cet « affluent hébraïque », fait unique dans le monde arabo musulman. Pourtant, les instances représentatives, dans les grandes villes marocaines, n’avaient guère d’autorité ou de légitimité démocratique, étant renouvelées par cooptation ou filiation.
Le gouvernement a arrêté un dispositif élaboré au terme de « larges consultations avec les représentants de la communauté juive et des personnalités y appartenant ».
Premièrement, il prévoit la création d’un Conseil national de la communauté juive marocaine. Lequel veille à la gestion des affaires de la communauté et la sauvegarde du patrimoine et du rayonnement cultuel et culturel du judaïsme et de ses valeurs marocaines authentiques. Des comités régionaux, issus du Conseil, seront chargés de gérer les questions et les affaires quotidiennes des membres de la communauté.
Une communauté réduite
Deuxièmement, le gouvernement instaurera une Commission des Juifs marocains de l’étranger. Elle œuvre à consolider les liens des juifs marocains établis à l’étranger avec leur pays d’origine, à renforcer leur rayonnement cultuel et culturel et à défendre les intérêts suprêmes du royaume.
Troisièmement, le Royaume se dotera d’une Fondation du judaïsme marocain. Elle aura pour mission de promouvoir et de veiller au patrimoine immatériel judéo-marocain, de sauvegarder ses traditions et de préserver ses spécificités.
Il ne resterait que 3 000 Juifs, au Maroc, contre 250 000 environ à la fin des années 1940. On estime toutefois que rien qu’en Israël, 700 000 habitants seraient d’origine marocaine. De plus, certaines communautés restent actives, comme à Casablanca, Marrakech et Agadir. Dans cette cité côtière, la synagogue attire de nombreux touristes venus d’Israël ou de France. Ainsi que des Juifs originaires d’Algérie, parfois de Tunisie, qui préfèrent le Maroc comme destination de vacances. Mariages et bar-mitzva sont l’occasion de fêtes dans les hôtels marocains, avec les entrées de devises qu’elles entraînent.
« Le pays séduit cette catégorie de touristes non seulement par son identité juive, mais également par ses merveilles naturelles, ses villes impériales, son climat, l’accueil et la générosité de ses habitants… Autant d’atouts pour que le Maroc devienne l’une des destinations méditerranéennes prisées par les touristes juifs », faisait d’ailleurs observer récemment René Trabelsi. L’ancien ministre du Tourisme de la Tunisie saluait une initiative en vue de la préservation de l’héritage judéo-africain, conduite par l’association Mimouna en partenariat avec OCP Group et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAid),
« Lorsqu’un Juif s’expatrie, le Maroc perd un citoyen mais gagne un ambassadeur ! » Cette formule, attribuée au roi Hassan II, résume la philosophie du Maroc sur ces questions. Les dissensions avec Israël ayant longtemps empêché de mettre cette politique sur le devant de la scène.
Selon le Jerusalem Post, une troupe théâtrale israélienne se produira au Maroc en septembre, en offrant au public marocain des représentations à Rabat, Marrakech et Casablanca. On doit cette initiative à Yassin Othman, un homme d’affaires marocain résidant à Genève, fondateur et président d’AKAL, une entreprise engagée dans le marketing international, la solidarité sociale et le développement durable en Afrique.
Quoi qu’il en soit, « c’est avec une profonde reconnaissance et une immense fierté que l’ensemble des communautés juives marocaines, au Maroc et dans le monde, ont pris connaissance du communiqué du cabinet royal qui rend compte du Conseil des ministres », a réagi Serge Berdugo, secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc.
Selon qui le dispositif « offre également aux membres de notre diaspora un cadre qui leur permettra de renforcer encore les liens avec le Royaume et de s’impliquer avec ferveur pour la défense des causes nationales »
« Toutes ces mesures, a conclu Serge Berdugo, prises après consultations des représentants qualifiés de la communauté juive, répondent aux souhaits des Juifs du Maroc, d’ici et d’ailleurs, de retrouver leur place dans le concert de la nation afin d’apporter leur pierre à l’édification d’un Maroc uni et pacifique, dynamique et prospère, dans ses légitimes frontières ancestrales. »
@NA