L’enjeu de l’eau potable, l’exemple de la Tunisie

L’Agence française de développement rappelle l’importance de l’accès à l’eau potable dans un livret intitulé L’eau, promesse d’émancipation.
Par Paule Fax
Souvent chargées de la corvée d’eau, les femmes sont les premières victimes du manque d’infrastructures. Les progrès réalisés par la Tunisie sont édifiants.
« L’eau reste à ce jour un enjeu majeur pour les femmes et les filles, notamment en milieu rural », souligne Yazid Safir, directeur de l’AFD (Agence française de développement) en Tunisie.
Dans les campagnes, en effet, les charges domestiques, en particulier la collecte de l’eau (cuisine, nettoyage et soins) incombent le plus souvent aux femmes.
De plus, l’accès à l’eau et l’assainissement est un enjeu essentiel pour la santé des femmes qui ont des besoins spécifiques, notamment en matière d’hygiène menstruelle et d’hygiène maternelle.
« Dans le cadre des efforts pour l’autonomisation des femmes rurales, la valorisation culturelle des produits artisanaux, et ceux du terroir en général, ainsi que leur intégration dans des circuits touristiques ont eu des répercussions visibles non seulement sur l’émancipation des femmes rurales mais sur toutes les régions rurales concernées », explique un responsable associatif tunisien.
On voit qu’en Tunisie, en cette période si difficile pour le pays, les coupures d’eau prennent des proportions dramatiques, exacerbant la colère de la population.
L’AFD publie un livret présentant son action et les besoins du pays, dont les préoccupations rejoignent celles de l’ensemble de l’Afrique. En Tunisie, l’AFD a mobilisé depuis 1998 environ 260 millions d’euros en faveur de l’eau potable.
Au total, 465 000 habitants ont bénéficié des quatre programmes successifs d’alimentation en eau potable rurale financés par l’AFD, premier bailleur du pays dans ce domaine. Résultat, le taux d’accès à l’eau potable approche des 95%.
L’accès à domicile à une eau potable de meilleure qualité permet de supprimer la corvée d’eau, mais aussi de réduire les risques de maladies hydriques et d’améliorer la santé et l’hygiène de la famille, souligne Mosbah Helali, PDG de la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede).
Les femmes peuvent alors consacrer le temps gagné à d’autres activités plus productives et socialement plus bénéfiques, améliorant ainsi leur bien-être.
L’enjeu est également économique et nécessite une organisation appropriée : la progressivité des tarifs appliqués par la Sonede permet aux ménages modestes d’accéder à l’eau potable à bon marché.
En effet, les tarifs au m3 varient fortement d’un groupement agricole à l’autre, au sein même d’un même gouvernorat. Et lorsque l’eau est distribuée par des sources informelles, le prix au litre varie énormément. Certes, l’eau des pompes manuelles (ou des majel) est « gratuite », mais les ménages auront eu à effectuer leur acquisition initiale.
Les choses avancent donc, en Tunisie : les dépenses en eau des ménages représentent une part infime de leurs dépenses totales, à savoir 0,54% en moyenne.
Cette part monte à 1,5% des dépenses dans le cas des ménages les plus pauvres, ce qui est de loin inférieur aux 3% considérés habituellement comme repère du caractère abordable du service. Ce constat a été effectué en 2019 par la Banque mondiale, dans un rapport au titre explicite : « Eau et assainissement pour tous en Tunisie, un objectif réaliste. »
« L’accès à l’eau potable a été un facteur déterminant et a été à la source du développement » dans les zones rurales, confirme Rafik Barakizou, de l’association Face Tunisie, Agir contre l’exclusion. Qui cite l’exemple des femmes de Sejnane, qui depuis le raccordement de leurs maisons à l’eau potable, ne subissent plus la corvée de l’eau.
Ainsi, elles consacrent davantage de temps à leurs activités artisanales, ce qui leur permet de produire encore plus de poterie et de promouvoir leur savoir-faire. Et voilà comment la poterie de Sejnane est entrée au patrimoine mondial de l’Unesco !
La fin de corvées de l’eau a également, soulignent les représentants associatifs, réduit les harcèlements, les agressions et viols, que subissaient les femmes et les filles parties chercher de l’eau. Tandis que trop souvent, ces corvées – encore aujourd’hui dans certaines zones reculées –, provoquent des conflits dans les familles et des divorces.
Elles entraînent également l’abandon scolaire. « Les maladies d’origine hydrique auxquelles nos élèves sont exposés accroissent leur absentéisme, ce qui leur engendre des difficultés d’apprentissage », témoigne Houssem Mnasri, professeur dans le gouvernorat de Kasserine.
En effet, les impayés de certains groupements agricoles entraînent des coupures d’eau, dans les zones rurales. Au-delà de l’amélioration de la santé, l’accès à l’eau potable améliore la place des femmes dans la vie sociale, culturelle et politique du pays. Sur ce point, la Tunisie a encore beaucoup de chemin à parcourir, conclut la note de l’AFD.
Par Paule Fax
En savoir plus sur : www.afd.fr/fr/ressources/eau-promesse-emancipation-tunisie
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En Tunisie, l’AFD a mobilisé depuis 1998 environ 260 millions d’euros en faveur du secteur de l’eau potable. Au total, 465 000 Tunisiennes et Tunisiens ont bénéficié des quatre programmes successifs d’alimentation en eau potable rurale financés par l’AFD. L’AFD est ainsi le premier bailleur de l’alimentation en eau potable en milieu rural en Tunisie.