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Société

Le trafic de cocaïne s’internationalise

Le trafic de cocaïne s’internationalise
  • Publiémars 17, 2023

Un rapport des Nations unies décrit les nouvelles voies empruntées par les trafiquants de drogue, entre l’Amérique du Sud et l’Europe. Beaucoup passent désormais par le golfe de Guinée avant de gagner le nord par voie maritime ou terrestre.   

 

La production mondiale de cocaïne a fait un bond spectaculaire au cours des deux dernières années, après un ralentissement initial causé par la crise sanitaire. Tel est le constat alarmant d’un rapport publié par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Ce rapport précise que l’Afrique prend un rôle croissant dans ces trafics. La drogue venue d’Amérique du Sud – le Brésil et la Colombie principalement –, transite par le golfe de Guinée avant de repartir vers le nord, par voie terrestre ou maritime. Ce rapport décrit les routes qu’empruntent les trafiquants et recense les saisies effectuées par de nombreux pays, comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria, etc. Comme toujours en pareil cas, davantage de saisies démontrent une extension des trafics mais aussi une meilleure efficacité des policiers, sans que l’on ne sache vraiment de quel côté penche la balance.

La plupart des saisies importantes effectuées par les forces sénégalaises ont été réalisées en mer, en transit dans le port de Dakar ou à proximité des zones touristiques du Sénégal.

Le Rapport mondial sur la cocaïne 2023 explique comment la culture de la coca a grimpé de 35 % entre 2020 et 2021, un niveau record et la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 2016. Cette hausse résulte à la fois d’une expansion de la culture du cocaïer et de l’amélioration du processus de conversion du cocaïer en chlorhydrate de cocaïne.

La forte croissance de l’offre s’est accompagnée d’une augmentation similaire de la demande, de nombreuses régions affichant une hausse constante du nombre de consommateurs de cocaïne au cours de la dernière décennie. Si le marché de la cocaïne reste très concentré sur le continent américain et certaines régions d’Europe ; le rapport met donc en garde contre un fort potentiel d’expansion en Afrique et en Asie.

Néanmoins, les interceptions de cargaisons de cocaïne par les services répressifs du monde entier ont également fortement augmenté, les saisies ayant atteint un niveau record de près de 2 000 tonnes en 2021.

L’« augmentation de l’offre mondiale de cocaïne devrait nous mettre tous en état d’alerte », commente Ghada Waly, directrice exécutive de l’ONUDC, en réaction à ces résultats. « Le potentiel d’expansion du marché de la cocaïne en Afrique et en Asie est une réalité dangereuse. J’invite les gouvernements et les autres parties prenantes à examiner attentivement les conclusions du rapport afin de déterminer comment cette menace transnationale peut être contrée par des réponses transnationales fondées sur la sensibilisation, la prévention et la coopération internationale et régionale. »

Le rapport examine l’émergence de nouvelles plaques tournantes pour le trafic de cocaïne, notant que les pays d’Europe du Sud-Est et d’Afrique – en particulier ceux d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale –, sont de plus en plus utilisés comme zones de transit clés pour la drogue. En Europe occidentale, vers laquelle « l’offre » progresse sensiblement, les ports de la mer du Nord, comme Anvers, Rotterdam et Hambourg, ont éclipsé les points d’entrée traditionnels de l’Espagne et du Portugal.

 

Des mules nigérianes

Le trafic transatlantique vers l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale s’effectue par le biais de conteneurs, de navires marchands, de bateaux de pêche et de voiliers. Venues souvent du Brésil, les cargaisons par conteneurs gagnent tranquillement les ports européens. Les bateaux autres que les porte-conteneurs prennent généralement rendez-vous avec d’autres navires à proximité de l’Afrique, dans le golfe de Guinée principalement, pour remettre la cargaison de cocaïne avant que la drogue ne poursuive son itinéraire.

Celui-ci se poursuit généralement vers le nord en direction de l’Europe, soit par voie terrestre, soit par voie maritime le long de la côte africaine, et souvent en lots plus petits. Le second segment maritime peut impliquer l’utilisation de cargaisons légales, expédiées vers une destination européenne à partir d’un pays d’Afrique occidentale et centrale, dont les trafiquants espèrent qu’il sera moins susceptible d’attirer l’attention qu’un pays de départ situé en Amérique du Sud.

Les nouvelles routes du trafic de cocaïnes. (Source : ONUDC, 2023).
Les nouvelles routes du trafic de cocaïnes. (Source : ONUDC, 2023).

 

Le rapport fait par exemple état de nombreuses « mules » en provenance du Nigeria vers l’Europe. Les douaniers ont aussi procédé à de nombreuses saisies dans d’autres ports de la région, notamment au Bénin. Les trafiquants se jouent des formalités administratives en transitant par les îles Canaries, où les documents douaniers sont modifiés. Dans les années 2000, l’épicentre africain des trafics était la Guinée Bissau, mais désormais, les réseaux sont davantage étendus, y compris pour les voies terrestres jusqu’au Mali, au Niger, au Sénégal.

On ne sait pas exactement dans quelle mesure la cocaïne qui atteint le continent africain directement via la côte sénégalaise peut contribuer aux flux sur les routes terrestres sortantes du Sénégal ; la plupart des saisies importantes effectuées par les forces sénégalaises ont été réalisées en mer, en transit dans le port de Dakar ou à proximité des zones touristiques du Sénégal.

Les modalités d’action des trafiquants de cocaïne sont également examinées dans le rapport : les résultats montrant que le paysage criminel se fragmente en une myriade de réseaux de trafiquants. La démobilisation des combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui contrôlaient auparavant de nombreuses régions de culture de la coca dans ce pays, a ouvert la voie à d’autres acteurs. Il s’agit de nouveaux acteurs locaux, d’anciens guérilleros des FARC ou même des groupes étrangers du Mexique et d’Europe. En outre, le rapport révèle que « les prestataires de services », c’est-à-dire les groupes spécialisés qui prêtent leurs services à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement contre rémunération, ont proliféré.

Néanmoins, les autorités disposent des connaissances et des tendances les plus récentes sur les itinéraires, les modalités et les réseaux utilisés par les acteurs criminels. Autant d’éléments décrits dans le rapport. Dont les auteurs espèrent qu’il encouragera « des stratégies fondées sur des données probantes qui permettront de devancer les évolutions futures de la production, du trafic et de l’utilisation de la cocaïne ».

Rapport complet (en anglais) ICI.

LS, avec compte rendu de l’ONUDC.

@NA

 

Écrit par
Laurent Soucaille

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