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Société

Le protocole de Maputo est encore trop peu appliqué

Le protocole de Maputo est encore trop peu appliqué
  • Publiéjuillet 13, 2023

Selon un rapport, les pays africains ont réalisé d’importants progrès, en matière de droits des femmes, notamment en matière de droits économiques et de protection sociale. Néanmoins, les défis restent nombreux pour réaliser les promesses du protocole de Maputo, signé en 2003.

 

Diverses organisations de la société civile publient un rapport intitulé 20 ans de Protocole de Maputo : Où en sommes-nous aujourd’hui ? L’objectif de ce bilan d’étape est d’accélérer la mise en œuvre de ce texte qui condamne explicitement les pratiques néfastes que sont, notamment, les mutilations génitales féminines, le mariage des enfants et la violence à l’égard des femmes. 

« Le moment est venu pour les pays de réaffirmer leurs engagements, d’accélérer leurs efforts et de déployer des ressources adéquates afin de s’assurer que les aspirations de toutes les femmes et les filles en Afrique sont réalisées. »

Le rapport résume les progrès accomplis en Afrique en vue de la ratification, la transposition en droit interne et la mise en œuvre du Protocole de Maputo, en mettant en exergue les principales réalisations et les défis à relever. « L’intégration des principes du protocole dans les systèmes juridiques permettrait aux États membres de favoriser le développement d’une culture d’égalité entre les hommes et les femmes », jugent ses promoteurs. À savoir la Coalition du Mouvement de Solidarité pour les droits des femmes africaines (SOAWR), Equality Now et Make Every Woman Count (MEWC).

Certes, le protocole de Maputo, adopté en juillet 2003, est devenu l’un des instruments les plus ratifiés de l’Union africaine : en juin 2023, 44 des 55 États membres l’avaient soit ratifié ou y avaient adhéré, tandis que huit pays l’avaient signé mais n’y avaient pas encore adhéré. Toutefois, nous sommes encore loin de l’objectif fixé de mettre en œuvre dans leur intégralité les dispositions du protocole ; en effet certains États avaient émis des réserves visant à modifier l’effet juridique de certaines dispositions.

Cette question fait d’ailleurs débat : doit-on se contenter de ces applications avec réserves ? Oui, suggère Rainatu Sow, directrice de Make Every Woman Count : « La ratification du protocole est une étape cruciale vers la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes. La ratification du protocole de Maputo envoie un message fort de l’engagement des États à protéger et à promouvoir les droits des femmes. »

 

Des progrès notables mais inégaux

Le rapport constate que seuls 19 pays ont présenté leurs rapports initiaux conformément au devoir de redevabilité prévu par le protocole, et que la plupart des rapports ont accusé des retards considérables. Dès lors, les membres de SOAWR soulignent la nécessité de renforcer les capacités des États membres en matière d’établissement des rapports, et d’améliorer la collecte et la compilation des données.

Le rapport souligne quelques inégalités dans les progrès accomplis. Notamment, les pays africains ont enregistré une forte amélioration dans le domaine des droits économiques et en matière de protection sociale. En effet, plus de 50 % des pays africains ont adopté des lois exigeant qu’un travail de valeur égale soit compensé par une rémunération égale, et prévoyant un congé de maternité payé de 98 jours ou plus. En outre, plusieurs pays ont interdit la discrimination fondée sur le genre et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

 

De plus, les pays africains ont promulgué des législations sur les droits liés au mariage visant à traiter des questions de l’âge légal du mariage entre autres, et à renforcer les sanctions pour les mariages précoces, les mariages d’enfants et les mariages forcés. Des réformes institutionnelles, notamment la création de comités nationaux et l’organisation de campagnes de sensibilisation, ont contribué à l’interdiction du mariage des enfants dans certains pays.

En matière de soin et de santé, le rapport constate que presque tous les pays ont maintenu les dispositions du Protocole dans leurs constitutions, et que six d’entre eux y ont consacré des droits liés aux soins de santé reproductive. Les réformes législatives intégrées aux lois sur l’égalité et la violence basée sur le genre ont appuyé les droits en matière de santé reproductive. Les efforts déployés pour lutter contre la violence faite aux femmes, dont notamment les mutilations génitales féminines, ont abouti à l’engagement de réformes constitutionnelles, à l’adoption de plans d’action nationaux et à des services de soutien.

En matière politique, seuls dix pays ont réussi à mettre en œuvre des dispositions constitutionnelles établissant des quotas pour assurer la représentation des femmes dans les assemblées législatives. Néanmoins, les campagnes pour une meilleure participation des femmes à la vie politiques se généralisent, sur le continent.

 

Un tournant décisif

Le rapport contient également une analyse de l’état de la protection des femmes et des filles contre la violence dans des situations de conflits armés ainsi que les droits des groupes de femmes spécialement protégés. Il note que les pays de l’UA ont accordé une attention particulière à cette question et ont mis en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles qui prennent en compte ces contextes.

Toutefois, de nombreux défis restent à relever. Les gouvernements africains sont appelés à inscrire parmi leurs priorités absolues l’élimination des pratiques traditionnelles néfastes, de la violence fondée sur le genre et de la discrimination à l’égard des femmes et des filles. « L’alignement des législations nationales sur les principes énoncés dans le Protocole de Maputo et la lutte contre les croyances sociétales profondément enracinées sont des étapes cruciales vers l’égalité entre les hommes et les femmes », juge Faiza Mohamed, directrice régionale pour l’Afrique d’Equality Now. «  Nous espérons que les États membres de l’UA adopteront une approche multisectorielle afin d’accélérer le respect de leurs obligations », a-t-elle ajouté.

Aisha Jumwa, ministre des Affaires publiques, du genre et de la discrimination positive au Kenya (visuel : Equality Now).
Aisha Jumwa, ministre des Affaires publiques, du genre et de la discrimination positive au Kenya (visuel : Equality Now).

 

Aisha Jumwa, est ministre des Affaires publiques, du genre et de la discrimination positive au Kenya, était l’invitée d’honneur lors de la cérémonie de lancement le 11 juillet 2023 à Nairobi (Kenya) où elle a déclaré : « Le Protocole de Maputo est aujourd’hui à un tournant décisif où, au-delà de sa reconnaissance comme l’un des cadres les plus importants et les plus progressistes en matière de promotion des droits des femmes, le moment est venu pour les pays de réaffirmer leurs engagements, d’accélérer leurs efforts et de déployer des ressources adéquates afin de s’assurer que les aspirations de toutes les femmes et les filles en Afrique sont réalisées. »

Dans le rapport, la Coalition SOAWR exhorte les onze États membres restants de l’UA à renouveler leurs engagements et à ratifier rapidement le Protocole de Maputo. À savoir : Maroc, Madagascar, Niger, République centrafricaine, Tchad, Botswana, Burundi, l’Égypte, l’Érythrée, Somalie, Soudan.

Quant aux autres pays, « ils doivent investir dans des interventions ciblées, explorer les approches s’appuyant sur les communautés et suivre leurs progrès vers l’égalité du genre », conclut le rapport.

De telles démarches ne sont pas seulement essentielles pour permettre aux nouvelles générations de femmes et de filles africaines d’exploiter leur potentiel, elles sont également cruciales pour le développement durable et, fondamentalement, pour emprunter le chemin de la paix et de la prospérité pour toutes et tous.

 

 

@NA

Écrit par
Aude Darc

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