Le Maroc veut réduire les inégalités

L’assurance maladie pour tous, voilà l’objectif ambitieux que se fixe le Maroc, qui souhaite aussi davantage d’allocations familiales et de retraites, d’ici à 2025. Une avancée majeure saluée par la société civile et les ONG, comme Oxfam Maroc.
Par Aude Darc
Le Maroc deviendrait-il un modèle social, après avoir longtemps fait figure de mauvais élève, au Maghreb ? Tandis que la crise sanitaire a démontré le besoin de solidarité entre les citoyens, le gouvernement ne renonce pas à faire couvrir quelque 22 millions d’entre eux par l’assurance maladie.
« Étendre la protection sociale à toutes et tous est considéré à juste titre comme la décision stratégique la plus importante affectant l’essence du système de protection sociale du Maroc », commente Oxfam au Maroc.
Ce, alors que le Haut-commissariat au Plan (HCP) révèle qu’un cinquième des Marocains les plus aisés s’approprient plus de la moitié des revenus produits, chaque année, dépassant « le seuil socialement tolérable ». Et révélant que, dans le même temps, 20 % des plus démunis ne détiennent que 5,6 % des flux de revenus des ménages.
Plus précisément, un cinquième des plus riches gagne, avec un revenu annuel moyen de 57 400 dirhams (5 314 euros), dix fois plus que les 20 % de la population des moins aisés (6 000 dirhams, 555 euros). Ces chiffres des inégalités publiés par le HCP datent d’avant la crise sanitaire…
Dès 2021, les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les professionnels indépendants et leurs familles intègreront le régime de l’assurance maladie obligatoire (AMO). Soit 9 millions de personnes. Dans un second temps, l’AMO sera étendue aux autres travailleurs, « dans la perspective de la généralisation effective de la protection sociale à tous les citoyens », se réjouit Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Économie.
Techniquement, le gouvernement va proposer trois conventions cadres, affectées selon les catégories professionnelles. Dans un second temps, à horizon 2023, la réforme engagée par le Roi à la mi-avril, visera la généralisation des allocations familiales, en permettant à tous les ménages de toucher des indemnités couvrant les risques liés à l’enfance, ou des indemnités forfaitaires. Et en 2025, l’assiette du régime des retraites serait élargie.
Ce train de réformes « représente un levier d’intégration du secteur informel dans le tissu économique de façon à garantir la protection de la classe ouvrière et de ses droits, ainsi qu’un tournant décisif sur la voie de la réalisation du développement équilibré et de la justice sociale et spatiale », commente le ministre Benchaâboun.
Une réponse aux demandes de la société civile
De son côté, Oxfam Maroc, plutôt avare de compliments d’ordinaire, salue les avancées sociales récentes du Royaume, l’incitant à quelques pas supplémentaires. L’ONG y voit « une étape stratégique vers la correction des distorsions qui compromettent l’essence du système marocain de la protection sociale ».
Dans un rapport publié en 2019, Maroc égalitaire, une taxation juste, l’organisation estimait la part de ceux qui ne bénéficient pas de couverture sociale à 60% des actifs, en majorité des femmes.
Oxfam au Maroc estime le renforcement du système marocain de la protection sociale « comme une victoire et une réponse aux demandes et aux mises en garde que la société civile marocaine ont toujours formulé bien avant la crise de la pandémie qui a mené à cette décision ».
Certaines mesures prises ces derniers mois avaient pour objectif de réduire les effets négatifs de la pandémie et d’offrir, même en partie, une forme de protection sociale aux personnes en situation de vulnérabilité. Toutefois, « étendre la protection sociale à toutes et tous est considéré à juste titre comme la décision stratégique la plus importante affectant l’essence du système de protection sociale du Maroc ».
Oxfam au Maroc appelle le gouvernement à accompagner ce « chantier majeur » par des mesures immédiates pour lutter contre les inégalités sociales et faire de la réduction des inégalités « un point d’entrée pour toutes les politiques publiques ».
L’organisation souhaite l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme d’action national pour faire face aux disparités sociales. Elle rappelle la nécessité d’adopter un objectif ambitieux de réduction des disparités sociales, à l’horizon 2030, dans le cadre des Objectifs de développement durable.
Elle souhaite lancer un plan pour réglementer et structurer l’activité informelle dont 99,2% des unités de production ne sont pas affiliées auprès de la Sécurité sociale, auprès de laquelle 93% de la population active n’est pas déclarée. Faisant écho aux chiffres du HCP, Oxfam appelle à davantage de publications statistiques sur les inégalités, l’une des conditions d’une meilleure gouvernance.
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