La prévention des épidémies passe par l’égalité de genre

Les femmes sont les plus touchées par les crises sanitaires. Un partenariat entre l’African Risk Capacity Group et la Fondation Bill et Melinda Gates s’intéresse aux besoins et aux vulnérabilités spécifiques des femmes en matière de prévention et de réponse aux épidémies.
La réponse mondiale à la pandémie de Covid-19 a mis en évidence une leçon cruciale : une préparation adéquate est essentielle à une réponse solide pour des résultats sanitaires efficaces.
La pandémie a aussi mis en évidence les conséquences désastreuses d’un investissement inadéquat dans la préparation, la réponse et la résilience aux épidémies. Ce signal d’alarme mondial a eu une résonance particulière en Afrique, un continent aux prises avec des pandémies endémiques fréquentes et graves telles que le sida et le paludisme, ainsi qu’avec d’autres épidémies émergentes et réémergentes.
Souvent, les femmes subissent le poids de ces crises en raison des inégalités préexistantes entre les sexes, qui aggravent la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles. Par exemple, lors de la pandémie, 60 % des filles africaines manquaient de matériel scolaire à la fermeture des écoles, contre 44 % des garçons. De même, au Mali, au Sénégal, en Guinée, en Côte d’Ivoire, en Éthiopie, au Kenya, au Malawi, au Mozambique, en Eswatini et en Afrique du Sud, les femmes ont été plus nombreuses que les hommes à déclarer avoir perdu leur emploi au cours de la même période.
Il est également établi qu’en cas d’urgence sanitaire, les filles et les femmes sont plus exposées aux violences basées sur le genre. Selon les données d’une enquête évaluant l’impact initial de la crise du virus Covid-19 sur les filles et les femmes en Afrique, 68 % des personnes interrogées en Éthiopie, 70 % en Afrique du Sud et 81 % en Ouganda estimaient que la violence fondée sur le sexe avait augmenté.
Le Sénégal en pionnier
L’African Risk Capacity Group (ARC) s’est associé à la Bill & Melinda Gates Foundation pour développer le programme Outbreaks and Epidemics (O&E) de l’ARC. Ce partenariat reconnaît l’importance cruciale d’une meilleure préparation et d’interventions opportunes en cas de crises sanitaires, avec une approche axée sur le genre.
Le programme O&E de l’ARC aide les États membres de l’Union africaine à atténuer les effets des épidémies d’Ebola, de Marburg et de méningite. Pour ce faire, il s’appuie sur l’analyse des risques et la modélisation des maladies afin d’améliorer la préparation et le transfert des risques par le biais de l’assurance souveraine pour soutenir une réponse rapide à ces défis sanitaires en Afrique. Le produit O&E, auquel le Sénégal a souscrit en tant que premier pays fin 2022, complète les produits de renforcement des capacités et de gestion des risques existants de l’ARC, qui comprennent la sécheresse, les inondations et les cyclones tropicaux, pour aider à réduire les vulnérabilités des gouvernements participants face à ces menaces et la dépendance excessive à l’égard du soutien des donateurs externes en cas de catastrophe.
En outre, l’ARC s’est engagé à mettre en œuvre des « mécanismes sensibles au genre pour la préparation aux épidémies ». Cette initiative sera lancée sous la forme d’un programme pilote dans les pays d’Afrique de l’Ouest. En tenant compte des besoins et des vulnérabilités spécifiques des femmes, les stratégies sexospécifiques permettent d’obtenir de meilleurs résultats en matière de santé et de créer des sociétés plus résilientes, capables de mieux résister aux crises sanitaires et de favoriser des résultats positifs sur le plan sanitaire, social et économique pour l’ensemble de la population.
D’autres initiatives sont en cours aux niveaux continental, régional et national pour exploiter les synergies des principales institutions afin de contribuer conjointement aux efforts visant à améliorer la préparation et la réponse aux épidémies.
C’est le cas de l’alliance entre l’ARC, l’Institut Pasteur de Dakar (IPD) et l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS), qui vise à optimiser la gestion des épidémies dans la région de l’Afrique de l’Ouest, conformément à leurs mandats respectifs. Ces institutions ont pour objectif de rassembler leurs ressources collectives afin d’améliorer la préparation et la réponse grâce à un protocole d’accord tripartite signé en juillet 2022.
En étroite collaboration avec le CDC Afrique, l’alliance met en œuvre des activités visant à améliorer la numérisation des systèmes de surveillance épidémiologique, à soutenir l’opérationnalisation des équipes nationales d’intervention rapide, à améliorer la détection des fièvres hémorragiques virales et à renforcer la surveillance génomique dans de nombreux pays.
L’engagement du monde à préserver la santé mondiale exige que nous utilisions les connaissances et les partenariats forgés pendant la conférence Covid-19 pour créer un monde plus sain et plus équitable pour tous. En investissant dans la recherche, en adoptant l’innovation et en se concentrant sur les plus vulnérables, en particulier les femmes, nous pouvons prévenir de futures pandémies et améliorer les résultats en matière de santé pour ceux qui en ont le plus besoin.
Ibrahima Cheikh Diong est secrétaire général adjoint des Nations unies et directeur général du groupe African Risk Capacity (ARC).
Natasha Kofoworola Quist est directrice adjointe et représentante régionale pour l’Afrique occidentale et centrale à la Fondation Bill & Melinda Gates.
@NA