Inquiétudes pour la liberté de la presse

Reporters sans frontières s’alarme des reculs de plusieurs pays africains en matière de liberté de la presse. La situation dans les pays du Sahel est très difficile tandis que le Sénégal et la Tunisie inquiètent. Des progrès sont à saluer au Togo.
Ce 3 mai marque la journée internationale de la liberté de la presse. L’occasion de la publication du Classement mondial établi par RSF (Reporters sans frontières), qui évalue les conditions d’exercice du journalisme dans 180 pays. RSF juge que la situation est « très grave » dans 31 pays, « difficile » dans 42 et « problématique » dans 55, alors qu’elle est « bonne » ou « plutôt bonne » dans 52 pays. « Autrement dit, les conditions d’exercice du journalisme sont mauvaises dans sept pays sur dix et satisfaisantes dans seulement trois pays sur dix », résume l’organisation.
Une trentaine d’organisations et de médias africains et internationaux, lancent un appel, ce 3 mai, en faveur de la liberté de la presse au Mali et au Burkina Faso.
Dans ce contexte, les pays africains ne font guère valeur d’exemple. Au contraire, c’est en Afrique que se trouvent les principales chutes au classement mondial. L’exercice du journalisme est devenu plus difficile sur le continent où la situation est désormais jugée comme « difficile » dans près de 40% des pays, contre 33% en 2022.
« Modèle régional jusqu’à il y a peu », le Sénégal tombe de 31 places, au 104e rang. En cause, les poursuites et les arrestations contre les journalistes Pape Alé Niang et Pape Ndiaye. Sans compter la chroniqueuse Thioro Mandela, de Walf TV, poursuivie pour « diffamations » de personnalités. RSF dénonce également « la forte dégradation des conditions sécuritaires des journalistes » au Sénégal.
La Tunisie (121e) doit faire face à l’attitude du président Kaïs Saïed, « de plus en plus autoritaire et intolérant aux critiques » ; le pays tombe de 27 places au classement RSF.
L’Afrique enregistre néanmoins quelques hausses notables, comme celle du Botswana (+30 rangs, à la 65e place) ainsi que celle du Togo (+30 au 70e rang). Dans ce pays, l’offre en matière de presse est « pléthorique », se félicite RSF, mais les journalistes sont souvent contraints à l’autocensure, notamment en période électorale.
RSF s’inquiète de la situation au Burkina Faso (58e) où des chaînes internationales ont été suspendues (RFI, France24) et des journalistes expulsés. L’association redoute que l’ensemble de la région du Sahel devienne « une zone de non-information ».
La Namibie en exemple
Être dans la peau d’un journaliste au Sahel, écrit RSF dans un rapport publié récemment, « signifie devoir faire face à des bandes armées radicales de plus en plus présentes qui n’hésitent pas à assassiner des journalistes quand elles ne les enlèvent pas pour s’en servir de monnaie d’échange ». Dans ce contexte sécuritaire dégradé, « il faut aussi savoir composer avec de nouveaux pouvoirs installés à la faveur de coups d’État et qui imposent à la profession leur conception du journalisme et leurs « injonctions patriotiques ». » Et il faut apprendre à évoluer avec la milice de Wagner, qui exerce une influence de plus en plus palpable sur le marché de l’information régionale, et aussi déjouer les pièges des mercenaires de la désinformation.
RSF rappelle également que le continent a été endeuillé par plusieurs assassinats de journalistes, dont celui, récemment, de Martinez Zongo au Cameroun (138e). En Érythrée (174e), la presse reste soumise à l’arbitraire du président Issaias Afeworki.

Dans le clan des 52 premiers pays où la situation est jugée « plutôt bonne », figurent la Namibie (22e), l’Afrique du Sud (25e), le Cap-Vert (33e) et les Seychelles (34e). La Côte d’Ivoire ne figure qu’au 54e rang, le Niger au 61e.
D’autre part, au Mali et au Burkina Faso, une trentaine d’organisations et de médias africains et internationaux, lancent un appel, ce 3 mai, en faveur de la liberté de la presse. Prenant la communauté internationale à témoin, ils demandent aux gouvernements de ces pays de mettre fin aux pressions et aux menaces qui s’exercent sur les journalistes. « Les mesures prises par les autorités du Burkina Faso, surtout ces derniers mois, sont de nature à remettre en cause le droit fondamental des citoyens à être informés », explique le texte.
Ils constatent que dans ces deux pays, les attaques contre la presse sont « de plus en plus relayées sur les réseaux sociaux par des « influenceurs » favorables aux régimes militaires, qui jouent aux justiciers qui n’hésitent pas à menacer de mort les journalistes et leaders d’opinion trop indépendants à leurs yeux. »
@NA