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Société

Pour Mo Ibrahim, « Il faut agir rapidement »

Pour Mo Ibrahim, « Il faut agir rapidement »
  • Publiéjanvier 26, 2023

À l’actif, les progrès dans le développement humain et le climat économique. Au passif, un recul de la démocratie et une situation sécuritaire difficile. L’indice Mo Ibrahim sur la gouvernance en Afrique stagne depuis 2019.

 

Certes, le niveau moyen atteint par la gouvernance globale sur le continent est meilleur en 2021 qu’en 2012, mais celui-ci stagne depuis 2019. Tel est la principale conclusion du volumineux rapport annuel de la gouvernance en Afrique (IIAG) publié par la Fondation Mo Ibrahim. Qui déplore qu’en effet, la majeure partie du continent soit « moins sûre » et « moins démocratique » qu’en 2012, la pandémie de Covid-19 n’ayant fait qu’« accentuer des tendances préoccupantes ». 

« Des données de qualité sont essentielles pour tout ce que les gouvernements veulent faire, et les retours sur investissement dans les systèmes qui les fournissent sont phénoménaux. »

Résultat : près de 70% de la population africaine vit dans un pays où les conditions en matière de sécurité et État de droit se sont dégradées en dix ans, déplore l’étude qui pointe, entre autres éléments, un fort recul de la liberté d’association et de réunion.

En matière de développement humain, toutefois, les choses progressent. Neuf Africains sur dix vivent dans un pays qui a enregistré des progrès dans la santé, l’éducation, la protection sociale, sans oublier le développement durable. De même, la tendance est à l’amélioration en ce qui concerne les opportunités économiques.

« Si nous ne réagissons pas rapidement à cette tendance, les années de progrès dont nous avons été témoins pourraient être perdues, et l’Afrique ne pourra pas atteindre en temps voulu les objectifs de développement durable des Nations unies ou l’Agenda 2063 de l’Union africaine », commente Mo Ibrahim.

L’homme d’affaires et philanthrope considère que les gouvernements doivent s’« attaquer au manque de perspectives pour notre jeunesse croissante, à l’aggravation de l’insécurité alimentaire, au manque d’accès à l’énergie pour près de la moitié de la population du continent, à l’alourdissement du fardeau de la dette et à l’augmentation des troubles intérieurs. Les coups d’État sont de retour et le recul de la démocratie s’étend ».

Tous critères confondus, les cinq pays les plus performants en matière de gouvernance, sont l’Ile Maurice, les Seychelles, la Tunisie, le CapVert et le Botswana. La Gambie est le pays qui progresse le plus. Sans surprise, on retrouve le Soudan du Sud en queue de peloton, derrière la Somalie et l’Érythrée. La Libye est le pays qui a le plus reculé en dix ans.

Concernant l’Afrique francophone, à noter les progrès du Gabon, qui gagne cinq places en dix ans pour figurer à la 27e place du classement. Le Sénégal (9e) devance le Maroc (10e), le Bénin (14e) et l’Algérie (15e), Burkina Faso (18e) et la Côte d’Ivoire (20e).

 

L’indispensable collecte de données

La Fondation Mo Ibrahim déplore l’« inquiétante décennie de coups d’État récurrents au Sahel » : sur 29 coups d’État dans le monde entre 2012 et 2021, 23 ont eu lieu en Afrique. On ne sera pas surpris d’apprendre que le Mali et le Burkina Faso enregistrent une dégradation des indicateurs liés à la sécurité.

Sans sécurité et État de droit, pas de bonne gouvernance, relève le rapport, qui pointe les corrélations entre les différents critères. Huit des dix pays ayant obtenu les meilleurs résultats en matière de sécurité et d’État de droit en 2021 figurent également parmi les dix pays ayant obtenu les meilleurs résultats en matière de gouvernance globale.

La Fondation Mo Ibrahim définit la gouvernance comme la fourniture de biens et services publics politiques, sociaux, économiques et environnementaux que chaque citoyen est en droit d’attendre de son gouvernement et qu’un gouvernement a la responsabilité de fournir à ses citoyens.

Claire Melamed
Claire Melamed

Claire Melamed, directrice exécutive du Partenariat mondial pour les données du développement durable, voit « des bonnes nouvelles et des mauvaises nouvelles » dans le rapport. Elle pointe quelques raisons d’être optimiste, notamment les avancées en matière d’infrastructure numérique, « qui est un élément clé de la modernisation des systèmes de données ».

Toutefois, des lacunes subsistent dans les données elles-mêmes. Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité africaine, observe-t-elle : à mi-parcours de l’Agenda 2030, moins de la moitié des pays sont en mesure de produire des données sur ne serait-ce que 80 des 231 indicateurs des ODD (Objectifs de développement durable). Or, « des données de qualité sont essentielles pour tout ce que les gouvernements veulent faire, et les retours sur investissement dans les systèmes qui les fournissent sont phénoménaux ». En moyenne, l’investissement d’un dollar dans les systèmes de données rapporte 32 dollars sous forme de bénéfices économiques pour le pays.

Claire Melamed cite un exemple précis : à la lumière d’une enquête statistique fine, la police du Kenya a constaté que la plupart des accidents de la circulation se produisaient sur 150 km seulement d’un réseau routier de 6200 km ! Les décisions des pouvoirs publics ont été facilitées par cette information. À l’inverse, au Nigeria, on a recensé pas moins de sept études simultanées pour étudier le système de santé, pour aboutir aux mêmes résultats ; une perte de temps et d’argent.

@NA

 

Écrit par
Aude Darc

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