En finir avec les pollutions plastiques

Les pays africains donnent l’exemple, par leur volonté de devenir un continent sans plastiques à usages unique. D’Abidjan à Nairobi, ce thème sera dominant ces prochains mois, dans cet enjeu mondial.
La Côte d’Ivoire est, cette année, l’épicentre de la Journée mondiale de l’Environnement, décrétée par les Nations unies depuis cinquante ans le 5 juin. La capitale économique Abidjan a célébré de toutes parts l’événement, de sa lagune emblématique à son Musée d’art moderne. Le thème choisi, « Combattre la pollution plastique », fait l’objet d’âpres négociations – ces derniers jours à Paris –, en vue de la signature d’un texte final contraignant, prévue fin 2024.
Selon l’OCDE, la production de plastiques pourrait tripler, de 460 millions à 1,2 milliard de tonnes à horizon 2060, si rien n’est fait. Aujourd’hui, moins de 10% du plastique est recyclé.
À Abidjan donc, la lagune Ébrié, surnommée « la perle des lagunes » (photo ci-dessus), est elle-même souillée par les déchets plastiques. L’approche de cette journée du 5 juin a permis aux différentes autorités compétentes de discuter des efforts déployés par la Côte d’Ivoire pour réduire les niveaux de pollution de la lagune. Ce qui passe par l’amélioration du traitement et de la gestion des déchets plastiques.
La prise de conscience est également visible au Musée des cultures contemporaines d’Abobo, où une exposition, « Polymères Arts Plastiques », présente des peintures, des sculptures, des articles de mode et d’autres œuvres réalisées par des artistes à partir de déchets plastiques, illustrant ainsi les diverses formes et l’ampleur de la pollution plastique.

« Il est encourageant de voir qu’en cette journée spéciale, les pays sont rassemblés pour prendre des mesures urgentes en vue d’un avenir sans plastique », se félicite Prudence Wanko Djiodio, coordinatrice de Greenpeace pour l’Afrique de l’Ouest. « Cette démarche montre que nos gouvernements commencent lentement à reconnaître la menace que représente la pollution plastique pour la vie sur cette planète, pour nos écosystèmes et pour le climat ; nous espérons que cette prise de conscience les incitera à renforcer leur opposition à la production de plastique, qui devrait augmenter considérablement au cours de la prochaine décennie. »
Des opposants puissants
Dans ce domaine, l’Afrique a quelques atouts à faire valoir, elle dont la quête est de devenir un continent sans plastiques à usage unique. Sur les 54 États africains, 34 d’entre eux ont déjà adopté une loi interdisant les plastiques et ont commencé à la mettre en œuvre, ou ont adopté une loi avec l’intention de la mettre en œuvre. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour assurer la pleine mise en œuvre de ces réglementations.
« Nous devons changer notre comportement face à l’utilisation et surtout au rejet du plastique. Ensemble, engageons-nous, dans un élan de solidarité, pour préserver notre planète et notre vie. Je vous invite donc à une prise de conscience collective et individuelle pour ne pas mettre en péril la survie de notre propre espèce, l’espèce humaine », a insisté le ministre ivoirien de l’Environnement et du Développement durable, Jean-Luc Assi, le 5 juin.

Des pays tels que le Rwanda ont pris les devants pour qu’un instrument mondial contraignant soit adopté pour faire face à la crise plastique. Au Maroc, la consommation de matière première utilisée dans la fabrication de sacs plastiques a diminué de 50 % depuis l’entrée en vigueur de son interdiction en 2015. « Nous exhortons les autres pays africains à se joindre à eux pour assurer la mise en œuvre effective des réglementations existantes », martèle Prudence Wanko
C’est que les défenseurs des plastiques à usage unique, – ils existent, notamment du côté des pays producteurs de pétrole –, poussent de leur côté pour une augmentation de la production et de leur exportation vers l’Afrique. Une situation qui pourrait compromettre les progrès réalisés par les pays pour interdire les produits à usage unique et lutter contre la pollution. « Le leadership de l’Afrique a le pouvoir de relever ces défis et de mettre fin une fois pour toutes à cette approche illégale et néocolonialiste de gestion des déchets », commente l’organisation de défense de l’Environnement.
Qui considère que la pollution plastique est une crise mondiale, et que les gouvernements doivent collaborer de manière plus coordonnée pour y mettre fin, grâce à un accord juridiquement contraignant qui traitera de l’ensemble du cycle de vie de la pollution plastique, de la production à l’élimination.
Un traité mondial solide est nécessaire
Il est loin de la coupe aux lèvres, comme en témoignent les difficiles négociations pour faire avancer ce dossier. Du 29 mai aux 2 juin, d’âpres négociations se sont tenues à Paris. Il en ressort qu’un groupe de 58 pays, dont désormais le Brésil et les États-Unis, sont favorables à une législation mondiale contraignante prévoyant la réduction de la production. Un texte provisoire sera présenté lors du prochain rendez-vous, du 13 au 17 novembre à Nairobi (Kenya).
Le souhaitable, si ce n’est nécessaire, consensus dans ce dossier se heurte à l’opposition des pays du Golfe ainsi que de la Chine et l’Inde. Qui poussent davantage sur des solutions préconisant le réemploi ou le recyclage.

Eirik Lindebjerg, du Fonds mondial pour la nature (WWF) pointe néanmoins des « progrès tangibles », car « une grande majorité de pays, 145 selon notre décompte, ont exprimé la nécessité que le traité prévoit des obligations contraignantes ». Après Nairobi, d’où est partie l’initiative en 2022, les négociateurs doivent se retrouver en avril 2024 au Canada puis en Corée du Sud quelques mois plus tard.
« Un avenir sans plastique est possible en Afrique si les gouvernements résistent à l’emprise des défenseurs des plastiques et prennent des mesures audacieuses pour résoudre cette crise. La coopération entre les gouvernements africains et du monde entier est essentielle pour forger un traité mondial solide contre les plastiques afin de fermer définitivement le robinet du plastique, dans l’intérêt de nos communautés, de nos enfants, de notre climat et de notre continent », conclut Prudence Wanko.
@AB