En finir avec les déchets plastiques

Chaque année, plus de 8 millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans les océans, ravageant les espèces sauvages marines, les pêcheries et le tourisme. Les gouvernements africains s’organisent, et une action mondiale, enfin, se dessine.
Relayant les inquiétudes des populations et des militants écologistes, la presse internationale dresse un tableau bien sombre de l’Afrique au regard de la pollution aux plastiques. Par exemple, le 23 août 2022, Le Monde considérait que « La perle des lagunes » d’Abidjan était en train de mourir, asphyxiée par le plastique. Le continent produirait 7% des déchets plastiques qui polluent la planète.
Conscients de ce fléau, les gouvernements tentent d’agir. La Côte d’Ivoire dispose d’un programme spécifique depuis 2014. Les gouvernements du Rwanda et de la Norvège viennent de lancer une coalition visant à mettre fin à la pollution plastique dans le monde, et notamment en Afrique. Ils sont rejoints par de nombreux pays dans le monde, dont le Sénégal. Une initiative saluée par Greenpeace, notamment.
« Les gouvernements d’Afrique et du monde entier doivent reconnaître qu’il s’agit d’une occasion d’endiguer une crise mondiale. Les membres de la coalition doivent travailler pour s’assurer que le traité sur les plastiques tienne ses promesses et devient un instrument permettant de fermer enfin le robinet du plastique pour le bien de nos communautés, de notre climat et de notre planète », juge Greenpeace Afrique.
« C’est une catastrophe silencieuse. La pollution plastique peut faire grand mal à l’environnement et à la santé publique », reconnaît le gouvernement de Côte d’Ivoire. Qui juge que depuis 2014, « la guerre a été déclarée à la pollution plastique » dans son pays. En plus de l’interdiction de production, d’importation, de commercialisation, de détention et d’utilisation des sachets plastiques sur l’ensemble du territoire, le gouvernement facilite les initiatives de recyclage.
« Si nous maintenons le rythme effréné de production et de rejet des déchets plastiques que nous produisons, il y aura plus de plastique que de poissons à l’horizon 2050 et environ 99% des oiseaux marins auront ingéré du plastique », prévient le ministre de l’Hydraulique, de l’assainissement et de la salubrité, Bouaké Fofana.
Partout, les montagnes de déchets plastiques défigurent les villes et compromettent le tourisme et le développement économique. Ils se déversent dans les caniveaux et obstruent les ouvrages d’assainissement, provoquant des inondations avec parfois des pertes en vies humaines.
La voie du recyclage
Cette invasion dégrade les sols et sape la productivité agricole. Ils menacent les écosystèmes animal et végétal tout en nuisant à la santé humaine. « Le péril plastique est bien réel », résume un porte-parole du gouvernement ivoirien. Lequel encourage la population, les commerçants, à abandonner le plastique au bénéfice de sacs et emballages réutilisables. De nombreux professionnels, industriels, jouent le jeu.
Grâce à une initiative de l’Unicef, la Côte d’Ivoire a fait le pari de vider les décharges de leurs déchets plastiques, pour construire des salles de classe. À fin 2021, 210 salles de classe avaient déjà été livrées par l’Unicef. Dans le cadre de ce projet, une usine a été construite pour transformer les déchets plastiques collectés en Côte d’Ivoire en briques. L’usine recyclera 9 600 tonnes de déchets plastiques par an.
À côté des grands projets d’envergure, de nombreuses entreprises se spécialisent dans la collecte et le recyclage. Ecoplast Innov par exemple, transforme les déchets plastiques en pavés, plaques écologiques, briquettes et transforme les pneus usagés en granulats et poudrette en caoutchouc, pour la construction et le revêtement des sols. L’objectif de la jeune entreprise est de transformer plus de 6 000 tonnes de déchets plastiques par an et produire annuellement environ 5 000 tonnes de produits finis.
Selon le PNUD, le coût des dommages sur les écosystèmes, le tourisme et la pêche, causés par les déchets plastiques jetés en milieu marin, est évalué chaque année, à environ 7 616 milliards de F.CFA (11,6 milliards d’euros).
Le combat prend une autre envergure en cette fin août : les gouvernements du Rwanda et de la Norvège lancent la High Ambition Coalition pour mettre fin à la pollution plastique. Bien vite rejoints par divers pays dont le Sénégal.
La coalition High Ambition fait suite à une résolution historique de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement, adoptée en mars 2022, visant à lancer les négociations d’un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. La coalition publiera des déclarations et entreprendra des travaux intersessions sur les éléments et questions essentiels pour alimenter les négociations afin de rédiger un traité historique, d’ici à 2024.
Réponse mondiale à un fardeau inacceptable
Le ministre norvégien du climat et de l’environnement et coprésident de la coalition, Espen Barth Eide, résume : « Nous avons pris l’initiative de former un groupe de pays ambitieux pour œuvrer à l’élaboration d’un traité mondial réellement efficace qui établira des règles mondiales communes, fermera le robinet et mettra fin à la pollution plastique, d’ici à 2040. »
La ministre rwandaise de l’environnement et co-présidente de la coalition, Jeanne d’Arc Mujawamariya, rappelle que le Rwanda a engagé une politique pour mettre fin à la pollution plastique dès 2004. Malheureusement, reconnaît-elle, les déchets plastiques sont toujours visibles en aval. « Cela prouve la nécessité de déployer des efforts au niveau mondial pour atteindre un objectif commun : mettre fin à la pollution plastique, car il s’agit d’un fardeau inacceptable pour les générations futures. La pollution plastique constitue une crise planétaire avec des impacts sur la santé humaine, la biodiversité et le système climatique. »
Selon l’étude Global Plastic Outlook Policy Scenarios de l’OCDE, sans une action mondiale urgente, le volume de plastique dans les rivières et les lacs passera de 109 millions de tonnes en 2019 à 348 millions de tonnes en 2060, tandis que les fuites de plastique dans les océans passeront de 30 millions de tonnes en 2019 à 145 millions de tonnes en 2060.
En réponse à ces développements, Nhlanhla Sibisi, responsable de la campagne climat et énergie de Greenpeace Afrique, considère qu’il est « encourageant » de voir les pays s’unir et prendre des mesures urgentes pour un avenir sans plastique ». Cette initiative « montre que nos gouvernements reconnaissent peu à peu la menace que représente le plastique pour la vie sur cette planète, pour nos écosystèmes et pour le climat ». Greenpeace espère « un traité mondial ambitieux et juridiquement contraignant sur les plastiques, qui va plafonner et réduire la production et l’utilisation de ces derniers, pour finalement mettre fin à la pollution par les plastiques à usage unique ». Un traité solide permettra de garder le pétrole et le gaz dans le sol, de responsabiliser les grands pollueurs et de les pousser à passer à des systèmes de recharge et de réutilisation, et de garantir une transition juste et équitable pour les travailleurs concernés.
Les membres de High Ambition se réuniront à New York dans quelques semaines, durant l’assemblée générale des Nations unies.
@NA