En finir avec la fistule obstétricale

C’est un fléau qui touche des centaines de milliers de femmes, en Afrique subsaharienne. Pourtant, par la prévention, le traitement, la réintégration et le plaidoyer, il est possible d’éradiquer la fistule obstétricale et son lot de dommages physiques et moraux.
« Le soleil ne doit pas se lever ou se coucher deux fois sur une femme qui travaille », stipule un proverbe africain. Malheureusement, pour de nombreuses femmes et de jeunes filles d’Afrique subsaharienne – et du reste du monde –, l’accouchement a duré bien plus longtemps que ce que ce proverbe préconise. Et les conséquences sont souvent « désastreuses », rappelle une note de l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population).
Un accouchement prolongé et obstrué peut entraîner la mort maternelle, la mort du nouveau-né, ainsi qu’une lésion grave appelée fistule obstétricale. Cette affection provoque l’incontinence et expose les femmes à des troubles physiques tels que l’infection et la stérilité, ainsi qu’à des problèmes de santé mentale dus à la stigmatisation sociale et à l’ostracisme.
« Avec ce revenu, je parviens à subvenir aux besoins de mes enfants et à aider les membres de ma nouvelle famille. »
Depuis vingt ans, l’UNFPA mène la Campagne mondiale pour l’élimination de la fistule. D’ici 2030, ce fléau peut être éradiqué par la prévention, le traitement, la réinsertion sociale des femmes et des programmes de sensibilisation.
Éviter les blessures graves pendant l’accouchement peut dépendre en grande partie de la personne qui se trouve dans la salle d’accouchement. Les Nations unies saluent les sages-femmes pour leur rôle crucial dans « la sauvegarde de la vie des mères et des nouveau-nés et la prévention de la morbidité, y compris la fistule obstétricale ».
Heureusement, les efforts de prévention sont souvent déployés bien avant les premières douleurs de l’accouchement. En Côte d’Ivoire, le pasteur Kouakou Adou Kouamé, membre du comité de soutien à la fistule de l’Association ivoirienne pour le bien-être familial, s’efforce de diffuser des informations sur la maladie parmi ses fidèles et au-delà, à l’église baptiste de Bondoukou. « Nous sensibilisons les communautés, les villages, nous ne touchons pas seulement nos fidèles », explique-t-il.
Financer la chirurgie reconstructrice
Le pasteur Adou utilise sa position au pupitre pour aider les gens à comprendre et à éviter les dangers de la fistule. Lors des mariages en particulier, il met en garde les jeunes mariés contre les accouchements à domicile, qui peuvent accroître les risques de blessures pendant l’accouchement. « Un enfant va bientôt naître, leur enseigne-t-il, lorsqu’une femme est en train d’accoucher, elle doit se trouver à proximité du centre de santé. »
L’Afrique doit prendre en mains sa propre action humanitaire
La chirurgie reconstructrice est la principale méthode de réparation des fistules obstétricales. Depuis 2003, l’UNFPA a soutenu directement plus de 138 000 opérations de la fistule.
Marie Jaqueline Raharimanana, d’Antananarivo, à Madagascar, a subi une opération de la fistule en 2020. Elle avait subi cette blessure lors de l’accouchement après deux jours complets de travail sous la surveillance d’une sage-femme à la retraite, qui avait refusé que qu’elle se rende à l’hôpital.
Durant six mois, la jeune femme a été clouée au lit. Elle a dû lutter contre la perte de son bébé et la honte de son état, qu’elle ne comprenait pas entièrement. Dans le monde entier, la fistule n’est pas toujours bien connue, ce qui fait que les femmes et les jeunes filles concernées n’ont pas la possibilité de se faire soigner.
Le coût et l’accès peuvent également constituer des obstacles au traitement dans certains pays. En Zambie, par exemple, seuls huit médecins pratiquent des opérations de la fistule.
Ce n’est que tardivement que Jaqueline Raharimanana s’est rendue dans une maternité d’Antananarivo où des médecins pratiquaient des opérations de la fistule. La première intervention a eu lieu six mois après l’accouchement.

Si elle a constaté depuis une amélioration de son état, elle continue de recevoir des soins de suivi. Aujourd’hui, elle attend l’aval de ses médecins pour réaliser son rêve de mariage et d’enfants. « Les médecins m’ont assuré que je n’étais pas en retard et je leur fais entièrement confiance. Tant que je ne serai pas rétablie, je ne prendrai pas ce chemin ! »
Au Burkina Faso, Noelie Nikiema, 48 ans, mère de cinq enfants, a également vécu l’ostracisme de ses proches. Elle a été victime d’une fistule obstétricale lors de la naissance de son dernier enfant il y a dix ans ; son mari l’a ensuite quittée et s’est remarié.
Mettre fin à l’ostracisme
Deux interventions soutenues par l’UNFPA l’ont aidée à sortir de l’isolement et à réintégrer la société : une opération gratuite de la fistule à l’hôpital de Schiphra, qu’elle a obtenue en novembre 2022, et un cours de formation au tissage et à la teinture du tissu.

Désormais, elle gère une entreprise de tissage dans la cour de son oncle : « Avec ce revenu, je parviens à subvenir aux besoins de mes enfants et à aider les membres de ma nouvelle famille. »
Odile Siekoua, mère ivoirienne de deux enfants, a vécu avec une fistule obstétricale pendant 23 ans avant de pouvoir obtenir un traitement en 2012. Elle connaît bien les dommages que la fistule peut causer au corps et à l’esprit. Son partenaire l’a ostracisée à cause de son état, tout comme sa famille. En 2010, elle a été contrainte de fuir son village en raison de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire ; ses sœurs de Grand-Bassam ne l’ont autorisée à rester chez elles que temporairement, car elles étaient « contrariées » par son incontinence.
Après avoir obtenu un traitement pour sa maladie à Man, à l’ouest de la Côte d’Ivoire, Odile Siekoua est devenue agent de santé communautaire, en 2016. Son objectif est de sensibiliser sa communauté à la fistule obstétricale dans l’espoir que d’autres femmes n’auront pas à endurer ce qu’elle a vécu.
@NA