Des pays mobilisés contre les crises alimentaires

Les pays du Sahel ne restent pas inactifs face aux crises alimentaires et nutritionnelles qui menacent. Leur action a permis de contenir les menaces, aggravées par la pandémie, la violence, les catastrophes naturelles.
Par Laurent Soucaille
Au Sahel comme dans d’autres régions du monde, l’année 2020 aura exacerbé les crises alimentaires et nutritionnelles. Le Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA) et le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) dressent un tableau exhaustif et illustré des besoins de la région, des menaces pour l’avenir, ainsi que des efforts entrepris pour limiter ces fléaux.
Au Burkina Faso, les mesures relatives à la lutte contre le coronavirus ont entravé la réalisation de certaines activités. Dès lors, le gouvernement a pris une série de mesures d’atténuation, comme la création de points de vente de céréales à prix subventionné et la distribution alimentaire gratuite.
« Il est important de rappeler que chaque année, des millions de personnes sont secourues et des centaines de milliers d’enfants bénéficient de programmes de nutrition », explique Laurent Brossard, du CSAO. « Sans la mobilisation continue de l’ensemble des parties prenantes, la situation serait bien plus grave encore. »
Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë a augmenté au cours des cinq dernières années, principalement en raison de l’insécurité et des déplacements à grande échelle dans les pays touchés par les conflits. Cet accroissement est également dû aux chocs économiques et à des évènements climatiques extrêmes dans certains pays ainsi qu’aux impacts de la pandémie de la Covid-19 en 2020.
Les variations saisonnières typiques de la région sont marquées par la précarité de la saison de soudure dans les pays sahéliens (juin-août), une période de trois mois entre deux récoltes lorsque les réserves alimentaires sont faibles. La situation alimentaire s’améliore généralement avec l’arrivée de nouvelles récoltes.
La tension est de plus en plus palpable au Nigeria. Près de 8,65 millions de Nigérians étaient en situation de « crise » et au-delà en juin-août 2020. Ce qui signifie que 2,7 millions de personnes supplémentaires étaient dans le besoin d’une aide d’urgence comparée à novembre 2019.
Réouverture bienvenue des frontières
Un Nigérian sur deux en insécurité alimentaire vit dans le nord-est du pays. Et le sud urbain a été lourdement affecté par les conséquences négatives des confinements et a limité le commerce régional avec les pays voisins. La fermeture de la frontière avec le Bénin et le Niger (depuis août 2019) a contribué à l’augmentation des prix alimentaires.
Les mesures préventives pour contenir la pandémie ont fortement touché les travailleurs informels de l’économie urbaine. Les Nigérians dépendent fortement de leurs achats alimentaires sur les marchés qui affichent les prix parmi les plus élevés en Afrique de l’Ouest.
La région du Liptako-Gourma – composée des zones frontalières du Burkina Faso, du Mali et du Niger – est le deuxième foyer d’insécurité alimentaire aiguë dans la région. Les zones frontalières de ces trois pays concentrent une population en situation d’insécurité alimentaire largement plus importante que le reste de leur territoire respectif. Près de la moitié de la population en situation d’insécurité alimentaire de ces trois pays (2,7 millions sur 5,5 millions de personnes) vit dans cette région.
L’insécurité a été et continue d’être un facteur aggravant, on l’observe dans le Liptako‑Gourma et dans le bassin du lac Tchad. De nombreuses zones sont difficiles d’accès, ce qui complique l’analyse de la situation et l’acheminement de l’aide. Des obstacles logistiques supplémentaires sont venus freiner l’acheminement de l’aide humanitaire d’urgence
Les pays ont rapidement consenti d’importants efforts pour anticiper et réagir face à la crise annoncée, voici un an. Six pays (Burkina Faso, Cap-Vert, Mali, Niger, Sénégal, Tchad) ont formulé leurs plans de réponse dès le début de l’année 2020 pour un montant total de plus de 400 milliards de F.CFA (610 millions d’euros).
Les plans comportent différents volets : assistance alimentaire, protection des moyens d’existence (résilience) et lutte contre la malnutrition. Une part est également consacrée à la coordination et au système de suivi-évaluation. Le budget et sa répartition varient selon les pays. Par exemple, au Niger, le Plan de soutien national inclut des mesures visant à renforcer la résilience des ménages chroniquement vulnérables, à travers des filets sociaux pluriannuels.