Comment faciliter la délivrance de visas

Le rapport 2021 de l’Indice d’ouverture des visas en Afrique conclut que l’ouverture des frontières aux voyageurs stimulera l’investissement et la reprise économique. La crise sanitaire bouscule la donne, mais ne doit pas faire dévier de l’objectif, jugent ses promoteurs.
Par Aude Darc
L’UA (Union africaine) et la BAD (Banque africaine de développement) continuent de militer pour l’ouverture des frontières. Ce, tant pour les marchandises et les capitaux, avec la ZLECAf, que pour les Africains, à la faveur d’une facilitation de la délivrance des visas et des documents de voyage.
Sans surprise, la pandémie de la Covid-19 a eu un effet considérable sur la libre circulation des personnes. « Dans cette nouvelle situation les protocoles de sécurité et d’hygiène sont devenus aussi importants que les documents de voyage et les formalités de visa », reconnaît le rapport. Publié depuis 2016, l’indice d’ouverture sur les visas en Afrique mesure l’ouverture des pays africains aux voyageurs en provenance d’autres nations du continent.
Frais de visa moyens pour les Africains voyageant sur le continent : 63 dollars. Fourchette des frais de visa, en fonction de la durée du séjour : de 12 $ à 250 $. Délai de traitement pour la délivrance d’un visa, de un ou deux jours à dix jours, pour une moyenne de trois jours.
« Il est évident que les pays qui facilitent les démarches d’entrée sur leur territoire pour les hommes d’affaires, les touristes, les étudiants et les travailleurs africains ont de grandes chances d’attirer davantage d’investissements et de talents », commente Khaled Sherif, vice-président de la BAD. Qui juge que ces pays « vont se rétablir rapidement ».
Selon la vice-présidente de la Commission de l’Union africaine, Monique Nsanzabaganwa, « la crise du Covid-19 a mis en évidence une chose essentielle : l’Afrique doit être plus autosuffisante. Pour y parvenir, nous devons stimuler le commerce intra-africain, ce qui implique une diminution des restrictions en matière de visas ».
Le rapport plaide pour une rationalisation du processus de délivrance des visas aux jeunes Africains. « Tout ce dont les jeunes ont besoin, c’est de pouvoir se déplacer librement sur le continent et recevoir le soutien nécessaire pour devenir les entrepreneurs et les chefs d’entreprise africains de demain. »
Redynamiser le tourisme
En 2021, la Namibie, le Maroc et la Tunisie sont les pays qui ont le plus progressé en matière d’ouverture de visas. Ainsi, la Tunisie a gagné cinq places en 2021, améliorant son « score » de 75% en cinq ans. Le pays fait partie des quinze qui ont le plus ouvert leur régime de visa entre 2016 et 2020. En 2021, les citoyens de quatre pays africains sur dix peuvent entrer en Tunisie sans visa ou en obtenir un à leur arrivée.
« La décision prise par la Tunisie d’ouvrir ses frontières aux voyageurs africains et mondiaux permet de concrétiser la vision du gouvernement de reconstruire et de redynamiser le secteur du tourisme pour stimuler l’emploi des jeunes », explique Mohamed Ali Toumi, ministre du Tourisme.
Même progression de cinq places pour le Maroc, bien que le taux d’ouverture se révèle inférieur à celui de son voisin tunisien (13% contre 42%). Avant la pandémie, plus de 2,5 millions de Marocains, soit près de 25% de la population active, occupait un emploi lié au tourisme. En réponse à l’effondrement de l’activité touristique, le ministère du Tourisme a introduit la certification « Welcome Safely » pour les établissements qui adhèrent aux protocoles de lutte contre la Covid-19. Le Maroc continue d’accueillir des citoyens de nombreux pays sans visa, mais peu de ces pays sont africains.
Au total, 36 pays africains ont amélioré ou maintenu leur indice d’ouverture sur les visas depuis le début de la publication du rapport en 2016. Plus de 80 % des pays qui ont fait des progrès en matière d’ouverture sont des pays à faible revenu ou à revenu moyen inférieur. Sur cinq ans, le Bénin, le Sénégal et le Nigeria sont les pays ayant réalisé le plus de progrès, souligne le rapport.
Attirer les compétences aux bons endroits
Dans l’ensemble, le nombre de pays africains qui appliquent une politique libérale en matière de visas est presque égale à ceux qui limitent partiellement les entrées des voyageurs en provenance d’Afrique. Un quart des pays africains accueillent certains ou tous les visiteurs africains sans visa ; un autre quart environ permet à certains ou à tous les visiteurs africains d’obtenir un visa à l’arrivée. Et 24 pays proposent des visas électroniques, contre quinze, en 2016.
« En soutenant la libre circulation des personnes, nous aidons les Africains à faire des affaires en Afrique », justifie Jean-Guy Afrika, de la BAD. Selon qui « la libre circulation des personnes, en particulier des travailleurs, pourrait réduire le déficit de compétences, tout en permettant aux pays de corriger les inadéquations de compétences sur leurs marchés du travail ».
Le rapport effleure quelques suggestions afin de faciliter les contrôles aux frontières, avec rapidité et facilité, par la simplification des visas et des documents de voyage. Les solutions passent par davantage de visas délivrés à l’arrivé, des visas « sous régionaux », la délivrance de visas pluriannuels, après l’évaluation du demandeur, la réciprocité entre les pays, etc. Sans oublier, dans le volet des documents administratifs, la création d’un passeport de l’Union africaine pour tous les citoyens.
Dans la perspective du rapport de 2022, le public est d’ailleurs invité à faire part de ses suggestions sur www.visaopennes.org.
@AD