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Société

Bénin: faiblesses et atouts

  • Publiéoctobre 15, 2015

Difficile à croire tant l’actualité a été concentrée ces derniers mois sur les tensions sociopolitiques, mais l’économie du Bénin se porte bien. Plus que jamais, le pays renforce son positionnement de plateforme du commerce sous-régional.

Avec une croissance au-dessus des 5 % depuis 2012 (5,5 % en 2014 ; 5,6 % en 2015 et 6 % en 2016, selon les pré­visions de la BAD), une inflation sous les 2 %, ainsi qu’un déficit budgétaire maîtrisé (3,1 % du PIB en 2014 contre 3,7 % en 2013 et 2,4 % en 2012), le « Quartier latin de l’Afrique de l’Ouest » reste une valeur sûre, sur le plan éco­nomique, dans la sous-région. Des performances macroéconomiques por­tées par des réformes économiques et structurelles importantes, appuyées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ainsi que par les deux piliers de son économie : le commerce et l’agriculture.

Historiquement, de par sa posi­tion géostratégique, l’ancien Dahomey s’est naturellement positionné comme la voie d’accès privilégiée des pays de l’hinterland à la mer. De quoi doper les activités du Port autonome de Coto­nou (PAC) par lequel transitent 80 % des échanges commerciaux du Bénin. Cependant, construit dans les années 1960 comme la plupart des infrastruc­tures portuaires de la sous-région, le port n’a pas connu de modernisation véritable et a perdu en compétitivité. Mais, dès fin 2011, il fait l’objet d’un important programme de réformes en vue de sa mise aux nouvelles normes internationales et de l’accroissement de son efficacité. Les résultats ne tardent pas : dès 2012, le trafic progresse de 9,3 %, franchissant la barre des 7,5 millions de tonnes.

Le défi est de doter le Bénin d’in­frastructures portuaires en mesure de rivaliser avec les autres ports de la région. À ce titre, le Bénin entend s’ap­puyer sur l’axe Cotonou-Niamey pour se positionner comme la porte mari­time sur le Sahel. C’est notamment par Cotonou qu’est évacué l’uranium extrait au Niger par Areva. « Nous avons l’objectif, dans les cinq à dix années à venir, de réaliser 20 millions de tonnes de trafic », pronostique alors le direc­teur fraîchement nommé du PAC, Kassim Traoré. « Vous pouvez prendre date, nous y arriverons. »

 Les affaires nuisent aux affaires

Kassim Traoré ne sera pas à la même place pour le voir : depuis mai 2014, un nouveau capitaine a pris les commandes du port, Samuel Batcho. Une réorganisation du PAC qui s’inscrit dans le cadre d’un jeu de chaises musicales que va mener le pré­sident Boni Yayi lui-même.

Tout commence comme un mau­vais feuilleton de série noire qui va passionner la presse internationale. L’homme d’affaires franco-béninois Patrice Talon, qui aurait financé les campagnes de Boni Yayi en 2006 et 2011, est accusé d’avoir tenté d’em­poisonner le chef de l’État. « L’affaire Talon » va secouer la vie politique et économique. La note du Bénin sera rétrogradée à BB – par Standard & Poors, pendant plusieurs mois, jusqu’au « pardon » très officiel de Boni Yayi, en mai 2014. L’histoire n’est pas terminée pour autant. Bien au contraire.

En août 2015, Patrice Talon, exilé en France depuis près de trois ans, annonce son retour au pays… pour se présenter à l’élection présidentielle de 2016, dit-on. Ce qui n’est pas pour apaiser les esprits, alors que la course à la présidentielle, dont le premier tour a été fixé au 28 février 2016, a démarré très tôt et ne cesse d’agiter le paysage d’un pays réputé stable.

Le mouvement Alternative citoyenne, qui va donner naissance à Mercredi rouge présidé par l’avocat de Patrice Talon, va mener une série de manifestations et grèves. Au coeur de la fronde, la volonté supposée du chef de l’État de modifier la Constitution en vue de briguer un troisième mandat. C’est dans ce contexte qu’interviennent les remaniements ministériels en série. Le dernier en date, en juin 2015, a vu l’entrée au gouvernement de Lionel Zinsou, l’économiste franco-béninois très remarqué ces derniers mois pour son afro-optimisme revendiqué et sa présidence de la jeune fondation Africa­France. Une arrivée qui vient sauver un mandat difficile pour Boni Yayi.

L’insaisissable Dr Yayi…

Sur le plan intérieur, du moins, car sur la scène régionale et internatio­nale, le Président a incontestablement marqué des points. Sur la scène pana­fricaine et internationale notamment, il aura néanmoins réussi sa présidence de l’Union africaine avant de renouve­ler l’expérience à la tête de l’Uemoa. Il avait pris son bâton de pèlerin et fait preuve de tact diplomatique dans des crises à répétition comme celles de la Centrafrique et de la RD Congo. Pro­fitant au passage de sa position pour affirmer le nouveau leadership du Bénin sur la scène internationale. En juillet 2011, il mobilise ses pairs du golfe de Guinée en faveur du lance­ment de « patrouilles mixtes, pour lutter efficacement contre la piraterie maritime dans cette partie de l’Afrique ». Au-delà de la sphère africaine, le Bénin, qui vise l’émergence en 2025, s’est aussi fait remarquer ces dernières années en abritant d’importantes réunions inter­nationales.

Diversifier l’économie

D’autre part, le chef de l’État mettra à profit ses talents avérés en conduisant une « diplomatie économique » pour recueillir de nouveaux fonds pour les grands chantiers de l’émergence. Boni Yayi récolte notamment une enveloppe record de 10,4 milliards $ (pour un besoin de 6,7 milliards) lors de la réu­nion du Groupe consultatif, organisée en juin 2014 à Paris par les autorités.

De quoi confirmer la dimension régionale du Bénin. Lequel affiche d’autres atouts : la filière coton entiè­rement réformée, l’activité minière qui connaît un regain d’intérêt à travers la découverte de nouveaux gisements, le dynamisme des secteurs de la construc­tion et des télécommunications… De quoi rompre la dépendance de l’écono­mie nationale au coton et au PAC.

Les réformes dans ce sens ont été engagées dans trois secteurs qui doivent devenir porteurs très rapidement : la petite industrie, l’agro-industrie et l’énergie. Encore faut-il poursuivre les mesures portant sur l’amélioration du climat des affaires. Sachant qu’à ce niveau le Bénin a gagné 16 places dans le dernier rapport Doing Business : 167e en 2014, le pays s’est hissé à la 151e place cette année. Ce qui a valu au Bénin de figurer dans la liste des dix meilleurs pays réformateurs de l’année, avec, sou­ligne la Banque mondiale, « un total de 40 réformes facilitant la pratique des affaires ».

Néanmoins, des handicaps sérieux demeurent pour faire du Bénin une destination d’affaires compétitive. En matière de bonne gouvernance notamment. Car si le pays, favori des partenaires au développement, sait trouver des fonds, il peut en perdre également. L’ancien ministre de l’Énergie et de l’eau a été impliqué dans le détournement de 4 millions d’euros d’aide publique néerlandaise au développement. L’affaire s’est sol­dée par la suspension de la coopéra­tion bilatérale. Le pouvoir a annoncé la création d’un nouvel organe pour renforcer la lutte anti-corruption. Cette nouvelle institution devra rem­placer l’Inspection générale de l’État, dissoute, et disposera d’une autono­mie financière et de l’indépendance pour renforcer la lutte contre la mau­vaise gouvernance et la corruption.

Lutte contre la pauvreté

Avec la réduction de la pauvreté qui reste importante, pour une popu­lation d’un peu plus de 10 millions d’habitants. Avec une hausse de la population de l’ordre de 3,5 % l’an, « la croissance économique n’est pas suf­fisante pour réduire significativement la pauvreté, qui touche près de 60 % des ménages de grande taille », selon une étude publiée conjointement par la BAD et le PNUD en 2015. Pour aug­menter le PIB par habitant, le Bénin devra poursuivre la diversification de son économie, en s’appuyant sur l’agri­culture, améliorer le climat des affaires afin de mettre à profit sa situation géo­graphique, qui lui permet d’offrir un accès à la mer au marché nigérien ainsi qu’à ses voisins enclavés du nord. À ce titre, un accord a été conclu avec le groupe Bolloré pour la construction de la voie ferrée Cotonou-Niamey.

Il faut également apaiser les tensions sociopolitiques et réussir le test électoral de 2016. Certes, les élections munici­pales, qui se sont tenues en juin 2015, se sont déroulées sans heurts… mais sans passionner non plus les Béninois ! Le Haut-commissariat à la gouvernance concertée envisage la signature d’une charte nationale du dialogue social entre le gouvernement et les représentants de toutes les composantes de la société. Il faudra sans doute bien plus qu’une charte pour réconcilier la nation autour d’un projet commun. Ce sera la mission de celui qui prendra la tête du pays en février prochain…

Écrit par
ade

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