Alerte aux effets de la pollution plastique

Les organismes internationaux et les dirigeants africains alertent sur les dangers des plastiques pour la santé et l’environnement. Les pays africains sont très sensibilisés mais les infrastructures de traitement sont encore rares et l’urbanisation du continent impose la vigilance.
Chaque année, 430 millions de tonnes de plastique sont produites dans le monde et on estime que 19 à 23 millions de tonnes finissent dans les lacs, les rivières et les mers. Cependant, moins de 10 % de la production annuelle mondiale de plastique est recyclée. En Afrique, qui ne produit que 5 % du plastique mondial et en consomme 4 %, la croissance démographique et l’urbanisation entraînent une augmentation du plastique à usage unique, ce qui aggrave la pollution de l’environnement et les menaces pour la santé.
« De nombreux pays africains ont fait preuve d’un engagement fort dans la lutte contre la pollution plastique, notamment en progressant dans la réduction de leurs déchets plastiques. »
Certes, les pays africains ne restent pas insensibles, ainsi que l’a montrée la récente Journée mondiale de l’Environnement, dont l’épicentre se situait à Abidjan, le 5 juin 2023.
En finir avec les pollutions plastiques
« Nous ne pouvons pas sortir de cette crise par le recyclage », insiste Inger Andersen, directrice du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Qui appelle « à revoir complètement notre façon d’utiliser, de recycler et d’éliminer les plastiques, en commençant par éliminer le plus possible le plastique et les substances chimiques qui lui sont associées dans les produits et les emballages ».
À Nairobi, en novembre 2023, se déroulera une nouvelle étape des négociations mondiales devant aboutir à un accord contraignant sur ces questions. « Le Kenya et le reste du continent africain auront un rôle crucial à jouer dans cet accord, notamment parce qu’il est né au Kenya », commente la chef du PNUE. Elle fait allusion au fait que cette initiative, qui espérons-le s’achèvera en 2024 par un accord mondial contraignant, est née à Nairobi en 2022. Et au fait que « c’est dans les pays africains, ainsi que dans d’autres régions en développement, que les problèmes d’injustices liés à la pollution plastique se posent ». Tel est particulièrement le cas des décharges municipales ou les travailleurs des déchets, souvent informels, « risquent leur santé pour gagner leur vie ».
Protéger les océans
Il existe des solutions : « Repenser les produits pour utiliser moins de plastique – en particulier les plastiques inutiles et problématiques – ; repenser l’emballage des produits pour utiliser moins de plastique ; et repenser les systèmes et les produits pour les réutiliser, les recharger et les recycler, de sorte que, par exemple, le polymère recyclé devienne un produit de plus grande valeur que le polymère brut. »
Cela signifie qu’« il faut s’attaquer à l’héritage de la pollution plastique dans nos océans, qui continue d’échouer sur les côtes des pays africains », juge Inger Andersen.
Une préoccupation exprimée le 8 juin 2023 lors de la Célébration mondiale des Océans, dont l’épicentre était aussi en Afrique, à Lomé. « Malgré les immenses services qu’il rend à l’humanité, l’océan ne reçoit que très peu d’attention de cette dernière ; pire, il est mutilé, surexploité, empoisonné par les différents déchets, notamment plastiques, que nous y jetons », déplore le ministre togolais de l’Économie maritime, Kokou Tengué.
« Les solutions existent déjà », confirmait le 5 juin Al Hamndou Dorsouma, responsable du climat et de la croissance verte à la Banque africaine de développement. Selon qui, « nous n’avons pas d’excuses ! L’Afrique doit passer à l’économie circulaire. L’avenir est circulaire ! »
De leur côté, les organisations internationales comme l’OMS et le PNUE ne restent pas inactives. Elles veulent « galvaniser » les efforts nationaux visant à réduire les menaces environnementales. Par exemple, le programme Clim-HEALTH Africa vise à aider à prévoir, prévenir et gérer les effets aigus du changement climatique sur la santé publique en Afrique ; et le projet CHEMOBS, qui conçoit un prototype d’observatoire national intégré de la santé et de l’environnement sur les risques chimiques.

La pollution plastique a plusieurs effets négatifs sur la santé en Afrique, affectant à la fois les populations humaines et les écosystèmes. Les déchets plastiques, en particulier les plastiques à usage unique et les microplastiques, peuvent contaminer les sources d’eau douce telles que les rivières, les lacs et les nappes phréatiques. Cette pollution peut conduire à la consommation de microplastiques par le biais d’une eau de boisson contaminée, ce qui peut présenter des risques pour la santé humaine. De même, le plastique peut se retrouver dans la chaîne alimentaire. Par exemple, le plastique présent dans nos océans se décompose en fragments plus petits, appelés microplastiques, qui sont ingérés par les organismes marins. Lorsque l’homme consomme des fruits de mer contaminés par des microplastiques, il y a un risque de transfert des microplastiques vers le haut de la chaîne alimentaire, avec des conséquences potentiellement graves pour la santé. Les plastiques peuvent également contenir des substances chimiques toxiques, qui peuvent s’infiltrer dans l’environnement et potentiellement entrer dans la chaîne alimentaire.
Des risques méconnus
Une exposition prolongée à ces produits chimiques, notamment par la consommation d’eau ou d’aliments contaminés, peut avoir des effets néfastes sur la santé, notamment des perturbations endocriniennes, des problèmes de développement et des risques accrus de cancer.
Dans de nombreux villages et villes d’Afrique, l’élimination inappropriée des déchets plastiques peut créer des zones de reproduction pour les moustiques porteurs de maladies. En outre, l’incinération des déchets plastiques, une pratique courante dans certaines régions d’Afrique, libère des polluants nocifs dans l’air, notamment des gaz toxiques et des particules. L’inhalation de ces polluants peut provoquer des problèmes respiratoires, exacerber des conditions respiratoires existantes et contribuer aux maladies liées à la pollution de l’air. Sur l’ensemble du continent, il n’existe pratiquement aucune infrastructure de traitement des plastiques. L’élimination sans discernement du plastique réduira probablement la porosité du sol au point de rompre le cycle de régénération des ressources en eau et de réduire la qualité des sols pour la pratique de l’agriculture.
Par conséquent, la pollution plastique a également d’énormes conséquences environnementales et socio-économiques, notamment la dégradation des écosystèmes. Cela peut avoir des répercussions indirectes sur la santé, car elle perturbe l’équilibre des écosystèmes qui fournissent des services essentiels, tels que la purification de l’eau, le piégeage du carbone et la régulation des maladies, et peut compromettre les économies locales et les moyens de subsistance en raison de l’insécurité alimentaire.
Mettre fin aux plastiques à usage unique
La lutte contre les effets de la pollution plastique sur la santé en Afrique nécessite des mesures globales, notamment l’amélioration des pratiques de gestion des déchets (conçues autour d’initiatives de réduction, de réutilisation et de recyclage), des campagnes de sensibilisation du public et des interventions politiques. En atténuant la pollution plastique et en promouvant des alternatives durables, il est possible de protéger la santé humaine, de préserver les écosystèmes et de favoriser le développement durable dans la région.
« De nombreux pays africains ont fait preuve d’un engagement fort dans la lutte contre la pollution plastique, notamment en progressant dans la réduction de leurs déchets plastiques », reconnaît Alexander Mangwiro, coordinateur régional du PNUE. Aujourd’hui, une trentaine de pays africains ont interdit les sacs en plastique à usage unique. Toutefois, l’efficacité des politiques relatives à la production, à l’utilisation et à la gestion des déchets plastiques doit être améliorée, car les capacités et les mécanismes de suivi et d’évaluation de ces solutions sont encore balbutiants ou inexistants. « Nous espérons que le traité des Nations unies sur la pollution plastique contribuera à accélérer l’élaboration et la mise en œuvre de politiques nationales et régionales. »
@NA