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Enseignement Société

Aix-Marseille, un tremplin pour les talents d’Afrique

Aix-Marseille, un tremplin pour les talents d’Afrique
  • Publiénovembre 24, 2021

La métropole du sud de la France accueille de nombreux étudiants africains et du monde. Les futurs entrepreneurs trouvent à Aix-Marseille un univers bouillonnant, leur permettant d’élargir leur horizon. En même temps que des formations diplômantes offrant des débouchés.

Par Laurent Soucaille

Le Club Afrique de la presse parisienne a organisé un webinaire sur le rôle de la région Aix-Marseille dans la formation des talents africains. L’occasion de découvrir quelles sont les spécificités de la métropole du sud de la France, au regard d’autres pôles d’attractivité des talents.

Plus de 3000 étudiants africains arrivent à Marseille pour leur formation, soit autant de vecteurs de transferts de compétences pour l’Afrique ; les bourses ont permis de nombreuses collaborations et  35% de ses productions scientifiques sont le fruit de collaborations Nord Sud.

L’AMU (Université d’Aix-Marseille) est la première université francophone au monde, se félicite Didier Pakarian, vice-président de la Métropole. « Nous aimons la diversité et en particulier l’Afrique et la Méditerranée. » AfricaLink, une communauté issue des chambres de commerce, comprend de nombreux entrepreneurs qui commercent avec l’Afrique.

« À Marseille, les Africaines et Africains sont à la bonne adresse ! » Ce n’est pas qu’une expression, aux yeux de Didier Pakarian, pour qui « de nombreux entrepreneurs sont venus ici pour grandir », avec le soutien d’institutions diverses.

Mouhamed Seck est le fondateur de Ownlabs et est lauréat du prix Next Startup Challenge. Il a été formé à Kedge Business School Marseille. « J’ai entamé mes études et mes activités à Dakar, où j’ai créé ma première start-up auprès des étudiants sénégalais, afin qu’ils valorisent leurs expériences dans d’autres pays africains », relate-t-il. Le jeune homme pointe trois qualités de Marseille.

En premier lieu l’accompagnement, notamment grâce aux incubateurs, comme Marseille Innovation. Ils permettent d’acquérir une méthodologie, de savoir comment se lancer sur un marché. Un incubateur « permet d’avoir une culture start- up ouverte, grâce à la diversité des intervenants, venus du monde entier ».

En deuxième lieu, le monde associatif, très riche. Celui réuni autour de Kryptosphère, « permet de créer des projets concrets, afin de rendre la pratique accessible, d’aller au-delà de la théorie sur la transformation digitale, enseignée à l’université ».

Cet écosystème permet aux écoles, en France et en Afrique, de se digitaliser ; les futurs entrepreneurs peuvent rencontrer des ingénieurs, des gestionnaires, etc.

En troisième lieu, l’entrepreneur signale que les masters délivrés sont immédiatement qualifiants, les étudiants deviennent, dès l’obtention du diplôme, soit des entrepreneurs, soit des consultants dans leur propre structure.

Cela suppose, conclut Mouhamed Seck, beaucoup de motivation et aussi beaucoup de relationnel. « Dans nos métiers du numérique, les compétences techniques ne sont pas si élevées qu’on peut le croire, mais il faut savoir s’imposer. »

Un territoire de promesses

Oussama Choubai est le fondateur de Digitancy, société fondée après son passage à Polytech Marseille. Il rejoint le sentiment que dans la métropole méditerranéenne, un entrepreneur peut s’ouvrir à différents horizons, et « ne pas rester dans sa bulle d’informaticiens », grâce à différents organismes comme Euromed.

Son école d’ingénieurs lui a permis de se projeter sur les évolutions du monde dans le numérique, « une révolution était en cours, il fallait la suivre de près ». Aujourd’hui, l’entrepreneur accompagne les entreprises dans leur transformation digitale. « C’est bien à Marseille, voici dix ans, que cette vocation m’est venue. »

L’informatique n’est pas tout, comme en témoigne le brillant parcours de Messina Guikoumé fondatrice de Messibat International, dont le parcours a débuté à Marseille en 2009. La société développe des solutions de logements à faible coût et sans déperdition d’énergie, adaptées aux climats des villes africaines. Sa société commercialise une brique spéciale qui répond aux exigences de l’Afrique et qui semble plus performante que le béton.

Camille Agon, directrice de Trace Academia, revient sur le rôle de Trace Talent, la nouvelle plateforme mondiale des jeunes talents. Le groupe Trace est arrivé en 2019 à Marseille, « un territoire de promesses ». Avec ses 27 chaines de télé, ses plateformes dédiées aux artistes, et une fondation, « nous soutenons les jeunes qui entreprennent dans le domaine culturel et l’audio-visuel ».

Trace Academia est une application en ligne qui comprend des cours aux métiers d’aujourd’hui et de demain, qui s’adresse à tous les publics. Actuellement en phase de croissance, le projet trouvera son véritable lancement en mars 2022. 

L’application est disponible en français, en anglais et en portugais ; elle sera bien sûr accessible en Afrique francophone.

Trace s’est associé dans l’aventure avec l’université de Johannesbourg, le groupe Visa, la Sacem, l’AFD, etc. « Nous voulons créer un catalogue complet de cours permettant aux entrepreneurs de se développer, et créer aussi une communauté de jeunes talents, sachant que le digital ne peut pas tout résoudre ! », conclut Camille Agon.

Accéder à l’information

La rencontre a vu l’intervention de Wilfried Loriano Do Rego, coordonateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique. « Nous avons vu, au CPA, l’énergie qui se dégageait, à Marseille, sur la question de l’entrepreneuriat. »

Le CPA a commencé par sonder les diasporas, en matière de créations d’emploi ; 80% des intervenants ont répondu que ce qui importait était l’égalité des chances, la possibilité de défendre les projets. Entreprendre en France est déjà difficile, entreprendre à cheval sur deux continents l’est encore plus !

D’où l’idée d’un « Tour de France » de la diaspora. Première difficulté rencontrée par celle-ci : l’accès à l’information. Il existe beaucoup d’informations disponibles, mais les jeunes ne les connaissent pas. Deuxièmement, il subsiste un déficit d’accompagnement ; on ne naît pas entrepreneur, il faut être accompagné par des aînés. Troisième déficit constaté, c’est celui du financement. « Ce n’est pas la difficulté la plus importante, contrairement aux idées reçues, mais elle existe. »

Désormais, le CPA cherche à insuffler la conscience entrepreneuriale, non seulement pour les jeunes de la diaspora, mais aussi pour les Africains du continent. À leur tour, les entrepreneurs accompagnés font bénéficier de leurs expériences à ceux qui démarrent tout juste leur projet. Ce besoin de « mentorat », et l’utilité de cette méthode, a fait l’unanimité chez les intervenants.

D’ailleurs, souligne le coordonateur, « les ambassades africaines nous accompagnent dans la mobilisation de leur diaspora, l’engouement a été supérieur à nos attentes, car les pays africains sont désormais demandeurs ». Par exemple, des entrepreneurs ivoiriens, qui ne correspondent pas aux critères du CPA, sont adressés à des dispositifs propres à la Côte d’Ivoire, jugés plus adaptés à leur demande. Un accord du même type se prépare avec le Sénégal.

Un écosystème gagnant gagnant reste à peaufiner

Évoquant le devenir du lien entre la France et l’Afrique, Mohamed Seck considère qu’il faut revoir les liens entre les entrepreneurs et les chercheurs. « Les entrepreneurs vont identifier un besoin et chercher une solution. De son côté, le chercheur a une vision a plus long terme qui permet de guider l’entrepreneur et lui éviter les erreurs, lesquelles peuvent être dramatiques, notamment quand on travaille dans le secteur du développement durable. » La recherche fondamentale permet de mieux savoir vers où aller, où se trouvent les projets à impact. Le lien entre la France et l’Afrique est ici évident.

Une collaboration est aussi nécessaire dans les appels d’offres. Dans les métiers manuels, par exemple, certains métiers sont prisés en Europe, d’autres le sont en Afrique. Un échange de compétences est donc possible, et une complémentarité est à développer entre les deux continents.

D’ailleurs, s’exclame-t-il, « c’est aux Africains de chercher les compétences, de faire valoir quelles sont les collaborations possibles, pour aller au-delà de la sous-traitance ! »

Oussama Choubai confirme qu’un esprit de collaboration est à créer, dans un esprit gagnant gagnant. L’université peut engager un processus, en offrant une passerelle avec le marché. Une banque de compétences de diplômés, venus de la diaspora ou non, pourrait favoriser cette collaboration.

Enfin, il faut davantage mobiliser le pouvoir de l’intelligence collective, « l’innovation ouverte ». Des problématiques propres à la diaspora trouvent leur réponse en métropole, l’inverse est vrai aussi ! Des échanges de mentorat sont aussi faciles à établir, d’un sens comme dans l’autre.

Un mot de conclusion à Abdallah Yacoub, doctorant tchadien, qui salue la manière dont la métropole Aix-Marseille attire les jeunes Africains en quête de savoir, « et aussi en quête de convivialité et de bien vivre ». L’Afrique a besoin de talents, « et la métropole peut servir de cheville ouvrière dans ce domaine ».

Plus de 3000 étudiants africains arrivent à Marseille pour leur formation, soit autant de vecteurs de transferts de compétences pour l’Afrique ; les bourses ont permis de nombreuses collaborations, rappelle le doctorant :   35% de ses productions scientifiques sont le fruit de collaborations Nord Sud.

Une demande toutefois : « Nous savons les problèmes de logements des étudiants, sur les campus, la France doit faire davantage pour eux, en particulier pour les Africains. »

@LS

Écrit par
Par Laurent Soucaille

1 Commentaire

  • Les pays africains peuvent compter sur la mobilisation de leurs diaspora. Je ne pensais pas que le multiculturalisme Marseillais était si mobilisé et ouvert à l’Afrique.

    Article très intéressant !

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