Afrique: L’institut Montaigne prend position
L’Institut Montaigne présente des prospectives africaines plutôt encourageantes. Ses chercheurs proposent, dans un rapport de septembre 2017, une nouvelle stratégie pour la France et une politique européenne de l’Afrique.
Par Marie-France Réveillard
Selon l’Institut Montaigne, « l’Afrique subsaharienne traverse une conjoncture globalement favorable », soutenue par la jeunesse de sa population « urbaine et connectée ». En 2010, les 0-14 ans « représentaient 44 % de la population » sur un continent qui comptera 2,2 milliards d’habitants à l’horizon 2030. Cette jeunesse devra toutefois être accompagnée en termes de « formation, d’emploi, de logement, du système de protection sociale » ; le « dividende démographique étant encore devant les Africains », explique un rapport publié en septembre 2017.
Toutefois, des fragilités structurelles hypothèquent toujours la pérennité de la croissance africaine ; aussi, l’institut insiste-t-il sur la nécessité d’engager des réformes fiscales et de développer l’accès au crédit pour pallier le déficit « d’investissements dans les infrastructures ou dans le capital humain ». Dans ce contexte, les pays émergents sont-ils des « contributeurs au développement ou à l’endettement ? », s’interroge le think tank. La dette kényane est détenue à 50 % par la Chine, tandis que l’Afrique du Sud, l’Angola ou la Zambie sont devenus en dix ans très dépendants du partenaire chinois. Autre risque : le ré-endettement rapide de certains États. Enfin, l’Institut Montaigne propose, sous l’impulsion du soft power français, de « refonder au niveau européen le cadre réglementaire qui entoure les institutions internationales en exigeant d’elles un contrôle » renforcé pour favoriser l’investissement en Afrique.
Mieux financer pour investir davantage
Malgré des avancées en matière d’outils de financement disponibles et la diversification des modes de financement privé (private equity notamment), « des faiblesses majeures persistent » : l’inadéquation entre les besoins et l’offre de financement, la sous-optimisation dans l’utilisation des dispositifs d’aide publique existants, l’accompagnement insatisfaisant des entreprises, le « rapport déséquilibré au risque africain ». L’Institut Montaigne encourage donc les acteurs à « mieux faire correspondre l’offre aux nouveaux besoins de financement » en orientant davantage les crédits vers les start-up en particulier, mais aussi vers les très petites entreprises et les entreprises intermédiaires, tout en augmentant « les montants dédiés au capital-risque et au capital amorçage ».
Les entreprises ont besoin de plus de « cohérence, de visibilité et d’outils adaptés », tandis que « l’architecture institutionnelle demeure toutefois complexe et gagnerait à être simplifiée ». Les auteurs de l’étude proposent la création d’une banque française de l’export et la création d’un guichet unique d’accès aux différents outils de financement, d’assurance et d’aide technique à l’export, à destination des entreprises françaises afin de mieux exploiter les « financements en recourant à des stratégies innovantes ou en mobilisant les dispositifs d’assistance technique ». Enfin, les auteurs revienent sur « la périlleuse question du passage à l’échelle » des start-up, limitant ainsi l’afro-optimisme ambiant relatif au mirage numérique africain…
Un défi démographique
La population africaine doublera d’ici 2050 et l’Afrique comptera plus de 300 millions de jeunes sur le marché de l’emploi. L’insertion et la valorisation des talents sont des « enjeux prioritaires. Les questions de formation, de transferts de connaissance et de compétences sont indissociables de celle du développement », précise l’Institut Montaigne. L’Hexagone doit « continuer à entretenir les ponts entre les systèmes éducatifs sur le continent et la France » face à la concurrence anglo-saxonne. Le verrouillage des visas, conséquence de « la réforme établie par le gouvernement Jospin, par laquelle la France a cessé d’octroyer des visas sélectifs » a conduit les élites à partir « à Londres, aux États- Unis ou au Canada ». La France doit innover en créant « des passerelles entre les entreprises qui investissent en Afrique et le système éducatif ».
Pour ce faire, l’Institut Montaigne propose de favoriser les partenariats public-privé dans l’éducation afin d’atteindre des compétences « plus techniques ».
Il pointe également les réalités des politiques de ressources humaines en Afrique : difficultés liées au recrutement de cadres reposant trop largement sur les rapatriés, l’identification des talents et leur manque de fidélisation, la trop faible expatriation interafricaine et le manque de centres de formation techniques. Enfin, l’Institut Montaigne propose aux pouvoirs publics français, une simplification des procédures en matière d’éducation et de recrutement pour faciliter « la délivrance de visas économiques et de visas étudiant. »
Franc CFA et politique européenne
Face aux débats nourris sur le franc CFA accusé de « reproduire l’asymétrie des relations coloniales, pour le bénéfice principal de la France et au détriment du développement des pays africains », le club de réflexion oppose la « stabilité » tout en précisant qu’un euro trop fort pourrait « pénaliser les exportations des pays africains ». Toutefois, selon l’Institut Montaigne, « le franc CFA apparaît bénéfique pour les activités des opérateurs économiques ».