Adjata Kamara et Delphine Djiraibe distinguées

L’une est une chercheuse ivoirienne, spécialiste de la culture de l’igname. L’autre est une avocate, militante des droits de l’homme au Tchad. Elles viennent toutes deux de recevoir une importante distinction internationale qui met leur action en valeur.
Le géant des cosmétiques L’Oréal et l’Unesco ont honoré des femmes de science dans cinq régions du monde pour leurs contributions exceptionnelles à la recherche. Depuis sa création en 1998, le prix a permis de rendre hommage et de soutenir 3 900 femmes scientifiques dans le monde.
Voici treize ans, un prix a été créé pour récompenser les jeunes talents d’Afrique subsaharienne. Chaque année, vingt chercheuses africaines sont reconnues et récompensées pour leurs travaux scientifiques destinés à avoir un impact sur l’avenir de notre planète.
L’une de ces jeunes femmes, Adjata Kamara, est fascinée par la production alimentaire depuis qu’elle sait lire. Essayer de comprendre pourquoi la plantation de mangues de son père produisait moins que les années précédentes est devenu une énigme qu’elle était déterminée à résoudre.
Aujourd’hui âgée de 25 ans, Adjata Kamara, originaire de Côte d’Ivoire, doctorante en agriculture durable, biodiversité et changement climatique. Elle a été reconnue par L’Oréal-Unesco pour ses recherches innovantes sur l’igname, un aliment de base important pour son pays, la Côte d’Ivoire étant le troisième producteur du continent après le Nigeria et le Bénin.
« Nous avons remarqué que le temps de stockage de l’igname a fortement diminué : il y a dix ans, nous voyions la pourriture apparaître deux à trois mois après la récolte, aujourd’hui, c’est après une ou deux semaines », explique Adjata Kamara.
Ses recherches ont montré que les pesticides chimiques sont une solution à court terme qui prive le sol d’éléments nutritifs importants pour les futures plantations et que, de plus, certaines méthodes agricoles endommagent les racines des cultures.
Son objectif est de développer des biopesticides utilisant des matériaux naturels provenant de plantes, de champignons et de bactéries bénéfiques qui créent une relation symbiotique avec les racines des plantes. Ses recherches actuelles ont donné des résultats « satisfaisants » en laboratoire et sur de petites parcelles de terre où elles sont testées.
Elle commence triomphalement l’année 2023 avec un prix de 10 000 euros à son actif, qu’elle utilisera pour faire avancer ses recherches.
Son histoire est un modèle pour d’autres jeunes femmes qui travaillent déjà dans le domaine des sciences ou qui envisagent de le faire en Afrique subsaharienne, une région actuellement sous-représentée sur la scène mondiale et qui a pourtant tant à gagner des ressources scientifiques.
Delphine Kemneloum Djiraibe, militante des droits de l’homme
Martin Ennals était un avocat britannique et un militant des droits de l’homme très réputé pour son travail avec Amnesty International de 1968 à 1980. Il est décédé en 1991 et, en hommage à son travail remarquable, le prix Outstanding Human Rights Defender Award a été créé et est décerné chaque année.
Les lauréats ont fait preuve d’un engagement extraordinaire en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme, souvent contre vents et marées et au péril de leur vie.
Cette année, trois personnes ont reçu ce prix, dont la Tchadienne Delphine Kemneloum Djiraibe, qui a non seulement été l’une des premières avocates, mais qui est également devenue une pionnière des droits de l’homme dans son pays.
Ce n’est pas sa première récompense. En 2005, elle a reçu le prix Robert F. J. Kennedy des droits de l’homme pour ses efforts incessants. Pendant plus de trente ans, elle a défié les pouvoirs en place et défendu les victimes. Elle a joué un rôle clé dans la condamnation de l’ancien dictateur Hissene Habre, qui s’est enfui au Sénégal après avoir été chassé du pouvoir en 1990. Elle a participé à la bataille résolue menée pendant des années pour qu’il soit jugé et a finalement obtenu gain de cause en 2016 lorsqu’il a été reconnu coupable par un tribunal international au Sénégal.
Aujourd’hui, elle dirige l’organisation non gouvernementale Public Interest Law Centre (PILC), qui forme des bénévoles et apporte son soutien à ceux qui cherchent à obtenir justice pour les violations de leurs droits. Elle s’est également montrée particulièrement active dans la lutte contre la violence fondée sur le genre et projette de créer le tout premier centre de conseil pour les femmes au Tchad. Elle a reçu cette distinction bien méritée à Genève le 16 février 2023.
@NA