Covid-19 : Sommet extraordinaire des chefs d’État de la Cedeao

Les chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) réunis jeudi 23 avril 2020 au cours d’une session extraordinaire par visioconférence ont pris une batterie de mesures et incitations pour lutter contre la pandémie de la Covid-19 et apporter leur aide à l’économie dans la région.
Par Serges David et Laurent Soucaille
Les chefs d’État ont discuté de l’évolution de la situation et de l’impact de la pandémie du Coronavirus (Covid-19) dans l’espace Cedeao. Préalablement à la tenue de ce sommet extraordinaire, les ministres en charge des finances et les gouverneurs des banques centrales de la Cedeao ont tenu une réunion extraordinaire en visioconférence, le 21 avril 2020, sur le même sujet.
La Cedeao invite ses partenaires à redoubler les efforts de production de vaccins et de thérapies adéquates contre le virus, ainsi qu’à soutenir la région dans le développement de ses capacités de recherche.
Jeudi 23 avril, sous la présidence de Issoufou Mahamadou, président du Niger, les chefs d’Etat ont exprimé « leur vive préoccupation » quant à la propagation de la Covid-19 dans la région. Après un exposé de la situation et les remerciements d’usage, ils ont pris une série d’engagements pour que la région avance du même pas. Ce, tant en matière de lutte contre l’épidémie que de soutien à l’économie, pour le court et le moyen terme.
La pandémie fait peser « une grave menace » sur le processus d’intégration régional, ainsi que le programme régional de paix et sécurité. « La Conférence a pris note de la réduction globale des ressources financières occasionnée par cette pandémie à l’échelle de la région. »
Le Sommet a décidé que la poursuite des efforts axés sur l’endiguement, la prévention et la lutte contre la maladie demeurait « une priorité absolue ». À cet égard, les dirigeants ont réaffirmé leur détermination et leur volonté de « tout mettre en œuvre » afin de protéger les citoyens et les résidents de la Communauté et de conjuguer leurs efforts pour trouver une solution durable à la crise sanitaire.
Concrètement, les dirigeants invitent les États membres de la Cedeao à apporter leur contribution au Fonds de solidarité de l’UA et à renforcer la coopération entre African CDC (structure santé de l’UA) et l’OOAS (Organisation ouest-africaine de la santé). Il s’agit de rendre plus efficaces les appuis aux pays membres de la Cedeao.
En ce qui concerne la stabilisation et la relance économique, les États membres vont élaborer un plan de riposte prenant en compte la lutte contre la propagation de la pandémie et un plan de relance économique post-pandémie.
Ils entendent renforcer la coopération entre les membres en matière de recherche, de formation et d’échanges d’expériences dans le domaine sanitaire de manière générale, et particulièrement pour la lutte contre la Covid-19. Ils promettent d’évaluer minutieusement la situation, en procédant au cas par cas, avant de décider de lever les mesures mises en place pour protéger la population.
Les États vont fournir quotidiennement à l’OOAS des informations épidémiologiques opportunes afin de renforcer la coordination et la collaboration régionales pendant la pandémie. Ils vont sensibiliser la population aux dangers de la Covid-19 et à la nécessité d’un changement de comportement afin de contenir la propagation de la maladie et rompre sa chaîne de transmission. Les dirigeants souhaitent accroître les tests de dépistage et assurer la prise en charge des personnes suspectées d’avoir contracté le virus.
Mutualisation des ressources
De plus, ils vont aménager des corridors de transport humanitaire pour le personnel médical et les autres agents impliqués dans la lutte contre la pandémie, afin de faciliter l’acheminement du personnel, de l’équipement et du matériel nécessaires. Les États s’engagent à allouer au moins 15% de leur budget annuel au renforcement de leurs systèmes de soins de santé, conformément à leurs engagements en 2014 face à l’épidémie d’Ebola.
La Conférence encourage les pays membres à mutualiser, dans la mesure du possible, leur achat de matériels et médicaments de lutte contre la Covid-19. Elle entend poursuivre la mise en place des mesures humanitaires et palliatives destinées à fournir une aide aux populations, notamment par la distribution de denrées alimentaires et l’octroi d’une aide financière aux plus démunis.
En ce qui concerne la stabilisation et la relance économique, les États membres vont élaborer un plan de riposte prenant en compte la lutte contre la propagation de la pandémie et un plan de relance économique post-pandémie.
L’appui des banques centrales
Les États vont émettre des bons et obligations de long terme du Trésor pour financer les besoins critiques en investissement pour soutenir le secteur privé et relancer les économies. Ils vont décider des appuis importants pour soutenir les secteurs sociaux (outils pour enseignement à distance, renforcement des systèmes et infrastructures de santé, facilitation de l’accès à internet, etc.). Ils vont renforcer les filets sociaux à l’intention des couches sociales les plus défavorisées.
De leur côté, les banques centrales vont déployer des outils, moyens et liquidité permettant de soutenir le secteur financier. Charge à ce dernier d’aider les entreprises, notamment les PME. Les institutions de microfinance seront aidées dans leur appui au secteur informel.
Les banques centrales vont lancer un appel à la communauté internationale pour la mobilisation de ressources additionnelles au profit de l’Afrique de l’Ouest pour faire face à ses défis économiques et sociaux. Les banques centrales soutiennent l’initiative de l’Union africaine de négociation avec les partenaires pour une annulation de la dette publique et une restructuration de la dette privée des pays africains.
Enfin, les pays vont mettre en œuvre des actions urgentes pour soutenir la production locale des produits de consommation, notamment les produits agricoles, et réduire ainsi la facture d’importation de ces biens. De même, ils enclenchent un Programme de soutien au secteur de la fabrication des produits pharmaceutiques et des équipements de protection sanitaire dont la production locale couvre à peine 20% des besoins de consommation actuels de la région. Les pays s’entendent pour éviter d’imposer des restrictions aux importations en provenance des autres pays de la Cedeao, notamment en ce qui concerne les biens de première nécessité.
Muhammadu Buhari, désigné « Champion » de la riposte
La Conférence va convoquer une réunion du Conseil de convergence afin d’examiner l’impact de la pandémie et ses implications sur les performances en matière de convergence macroéconomique en 2020 et pour les années à venir. Elle a également invité les partenaires concernés à redoubler les efforts de production de vaccins et de thérapies adéquates contre le virus, ainsi qu’à soutenir la région dans le développement de ses capacités de recherche. En outre, la Conférence les a appelés à assurer la fourniture de vaccins à des prix subventionnés aux pays touchés.
Afin d’assurer une coordination de haut niveau de tous les efforts régionaux visant à contenir la pandémie, le Sommet a nommé Muhammadu Buhari, président du Nigeria, comme « Champion » en vue de coordonner la riposte contre la maladie à Covid-19 et le processus d’éradication.
En outre, les États installent des comités ministériels de coordination de la santé, des finances et des transports afin de coordonner les efforts régionaux de lutte contre la pandémie, sous la supervision du Champion.
Plus généralement, le Sommet a félicité les États membres pour leurs efforts individuels visant à contenir la propagation de la pandémie sur leurs territoires, et pour les mesures palliatives qu’ils ont décidées pour atténuer les effets négatifs sur la population.
Les dirigeants ont salué les initiatives prises par l’OOAS, ainsi que les actions « fort louables » qu’elle a engagées, en coordination avec la Commission de la Cedeao pour lutter contre la pandémie.
Les économistes prévoient une croissance 2% cette année, dans l’hypothèse où la pandémie prend fin en juin. Ils estiment possible une récession de 2,1% si les pays ne font rien contre une pandémie qui se prolongerait au de-là du second semestre de 2020.
Dans ce contexte, la Conférence adresse ses remerciements à ses partenaires, en particulier l’Union Africaine, la BAD, les Nations unies, le FMI, la Banque mondiale, l’Union Européenne, le G20, etc. La Conférence a salué « l’unité et la solidarité aux niveaux régional et continental », en particulier les efforts coordonnés de l’Union africaine.
Le Sommet a adressé ses félicitations et remerciements à l’ensemble des populations de la Région pour les efforts consentis et pour le respect des mesures et des gestes barrières visant à freiner la propagation du virus. Elle a salué l’importante contribution des citoyens, en particulier le secteur privé, à la lutte contre la maladie.
Au 20 avril 2020, selon les données de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS), les 15 États membres ont enregistré 5 474 cas confirmés, dont 1 567 guéris, 140 décès et 3 767 cas actifs.
Dans le but de faire face à la Covid-19 dans la région, la Cedeao a immédiatement mis à disposition un soutien financier, venant compléter l’aide des partenaires internationaux pour l’achat de fournitures et d’équipements médicaux essentiels à la lutte contre la pandémie.
Au 20 avril 2020, selon les données de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS), les 15 États membres ont enregistré 5 474 cas confirmés, dont 1 567 guéris, 140 décès et 3 767 cas actifs.
ENCADRE : Pour plus d’informations, site web de la Cedeao dédié à la Covid-19 : https://www.ecowas.int/covid-19/
La Cedeao réaffirme sa solidarité envers les États membres et se félicite de l’ensemble des mesures déjà adoptées pour contenir la propagation de la pandémie et prendre en charge les malades.