L’économie bleue, un nouveau filon
Exploiter fleuves, mers et océans. Une source de richesses et d’emploi, à condition que tous les partenaires économiques s’engagent pleinement. Tel est le constat du premier Forum sur l’économie bleue en Afrique.
Londres, Christine Holzbauer, envoyée spéciale
Une première dans l’histoire du développement sur le continent. Jamais encore l’« économie bleue », cette discipline qui couvre des domaines aussi divers que la pêche, l’aquaculture, la navigation, les transports, le tourisme ou les industries extractives, n’avait fait l’objet d’un forum dédié à l’Afrique.
Certes, les ODD (Objectifs du développement) y consacrent un chapitre entier : l’ODD 14 sur la préservation et la valorisation des océans et des mers. L’Agenda 2063 de l’Union africaine a également inscrit comme son aspiration numéro 1, « une Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le développement durable grâce au développement de l’économie océanique, trois fois plus grande que sa masse terrestre ».
Alors que 70 % des pays africains sont côtiers et plus de 90 % des importations et des exportations du continent sont effectuées par voie maritime, la contribution économique des océans a été, jusqu’à présent, largement sous-évaluée. En Afrique comme dans le reste du monde d’ailleurs.
Ce n’est très récemment que l’économie bleue a commencé à être intégrée dans les stratégies de développement nationales et internationales. « L’économie bleue est une nouvelle réflexion audacieuse qui accélérera la transformation structurelle de l’Afrique et créera des emplois. Pendant le Forum, nous partagerons des histoires bleues, des solutions bleues et écouterons des experts et des leaders océaniques pour souligner les nombreuses opportunités que l’économie bleue peut offrir aux entreprises africaines et internationales », a déclaré Leïla Ben Hassen, fondatrice de Blue Jay Communication, qui a pris l’initiative d’organiser à Londres, du 7 au 8 juin, le premier Forum sur l’économie bleue en Afrique (ABEF).
Un intérêt partagé par tous
Pour cette Tunisienne, le choix du 8 juin, la Journée mondiale des océans, consacrée cette année à la prévention de la pollution des plastiques et les solutions innovantes pour lutter contre ce fléau, était hautement symbolique. « L’économie bleue ne relève pas simplement de la responsabilité des 38 pays côtiers africains, elle s’applique de façon très pertinente à leurs voisins enclavés. Nous devons tous contribuer à mettre l’économie bleue en action, à aider à réduire la pauvreté, à améliorer les moyens de subsistance et à garantir un développement socio-économique durable », a-t-elle précisé à l’ouverture de cette première édition d’ABEF 2018.
Une centaine de conférenciers et de délégués venus des quatre coins de la planète ont tenu à faire le déplacement, notamment d’Australie : l’université Murdoch de Perth, qui est spécialisée dans l’économie bleue, a organisé sa troisième commission internationale à Londres pour soutenir le lancement d’ABEF.
L’Afrique n’était pas en reste avec une forte délégation du ministère des Pêches du Zimbabwe, le ministre conseiller togolais à la présidence, Stanislas Baba, et la ministre ghanéenne de la Pêche et l’aquaculture, Elizabeth Afoley Quaye. Les ambassadeurs à Londres des États africains les plus « avancés » (Kenya, Seychelles, Île Maurice) sont également venus témoigner des avancées réalisées dans leur pays depuis la création d’un ministère entièrement dédié à l’économie bleue.
Si on ajoute aux 38 pays côtiers les îles comme le Cap-Vert, Sao Tomé et Principe, l’Île Maurice, les Seychelles et les Comores, l’Afrique dispose d’un « territoire océanique » estimé à 13 millions de kilomètres carrés. L’industrie maritime, rapporte, à elle seule, 1 milliard de dollars par an, auxquels s’ajoutent les retombées financières de l’exploitation en eaux profondes du gaz et des hydrocarbures, de la pêche, de la construction navale, des voyages, du tourisme, etc.
« Le champ des opportunités pour investir est infini », selon l’expert nigérian Mark Eddo. Y compris pour les pays africains enclavés dont l’exploitation des eaux fluviales et souterraines nécessite d’importants investissements à l’instar de ceux effectués en haute mer ou sur les littoraux ; et posent, avec encore plus…
Leïla Ben Hassen, fondatrice de Blue Jay Communication, a pris l’initiative d’organiser à Londres le premier Forum sur l’économie bleue en Afrique (ABEF).
…d’acuité, la question de savoir comment exploiter au mieux ces nouveaux filons « sans pour autant les gaspiller, les épuiser ou les polluer », a-t-il résumé.