Ganvié : Village lacustre, ex-refuge d’esclaves

Milliers de cases sur pilotis entourés de jacinthes à perte de vue, pirogues pleines de fruits et légumes, soleil d’aplomb, ce décor exotique se trouve dans un village atypique du Bénin et accueille de plus en plus de touristes désireux d’aller à la découverte du mode de vie de ses habitants.
Reportage de Cindy Ahodehou
La plus grande cité lacustre de l’Afrique de l’Ouest, Ganvié, se pare de ses atours par le traditionnel quai d’embarquement, à deux pas de la berge. Ce village est une cité traditionnelle. Ici il n’y a ni immeubles, ni usines, il n’y a ni Zems (taxi moto locale), ni voitures : le mode de déplacement est la pirogue.
Installés à l’arrière d’une barque motorisée flottant sur une eau verdoyante, nous sommes dans la cité où la vie est quasi-aquatique. Au fur et à mesure, le paysage défile au fil de l’eau…
La légende et la tradition orale racontent que les villageois fuyaient les esclavagistes et les razzias. C’est alors que le roi Agbogdobé a fait appel à ses compétences en vaudou et s’est transformé en épervier pour aller explorer la mer à la recherche d’un lieu pouvant accueillir sa communauté et lui. Une fois qu’il eut trouvé l’endroit idéal, il se transforma en crocodile pour transporter son peuple jusqu’à sa nouvelle terre d’adoption.
Le village et ses trente mille habitants sont installés sur et aux abords du Nokoué, le plus grand lac du Bénin. Immense de 309 hectares, il est situé à vingt kilomètres au nord de Cotonou, la capitale économique. Une quinzaine de minutes suffisent à atteindre le village situé à environ 8 km de l’embarcadère. L’accueil des villageois est chaleureux, l’air enjoué de recevoir et de pouvoir faire découvrir leur village à des étrangers en quête de découvertes pittoresques.
Son enfant attaché au dos avec un pagne, fredonnant une comptine pour le bercer, une femme « multitâches » remet à l’endroit les bananes qui se trouvent dans sa pirogue probablement destinées à la vente.
Au loin, un enfant vêtu uniquement d’un short beige, fait un signe de la main en guise de salutation, son visage illuminé par les rayons du soleil laisse apparaître un joli sourire.
En traversant le village avec le guide, Romaric (la quarantaine entamée), on y découvre des maisons à l’architecture atypique.
Généralement construites de tôles et recouvertes de pailles, ces habitations perchées sur des poutres de bambous sont réputées pour leur solidité, selon les explications de Romaric.
De la magie sur l’eau
A Ganvié, tout se passe sur l’eau et c’est aux aurores que les femmes du village s’affairent pour débuter leur journée. Une fois les marchandises installées dans les pirogues, elles naviguent et passent de cases en cases pour vendre fruits et légumes.
Les pirogues se croisent et se dépassent dans un ballet ininterrompu, le marchandage débute tel une symphonie, à cet instant le village est déjà réveillé et progressivement c’est un véritable marché sur l’eau qui se dessine, la magie opère.

Ici, les enfants sont initiés très vite à la nage et à la navigation selon le guide, et c’est avec une stupéfaction non feinte que les touristes aperçoivent des enfants qui semblent à peine âgés de 10 ans, se déplacer seuls en barque ; aussi à l’aise que les enfants de leur âge sur une bicyclette.
Un peu plus tard, au loin un pêcheur lance son filet. Son mouvement précis quasi-mécanique traduit toute son expérience. Les techniques sont enseignées de père en fils telle une tradition. Car la pêche est la première ressource du village, le poisson y est en abondance.
Les nombreuses pirogues empruntées par les touristes et leur guide voguent dans les coins et recoins du village.
Car au Bénin : « Où le coq chante, il y a un village ». A Ganvié les coqs chantent…
Certains curieux et autres aventuriers souhaitant pousser la visite un peu plus loin en y passant quelques jours dans la cité sont aperçus sur le quai de l’hôtel à la décoration sobre. Là-bas, ils y trouvent aussi un restaurant proposant de la nourriture locale permettant à ces bohémiens de se restaurer.
Largement inexploitée, la cité de Ganvié n’a pas fini d’extérioriser son intériorité et de dévoiler ses merveilles ainsi que ses réalités endogènes mystico-cultuelles et culturelles. En attendant que cela soit, des Béninois s’installent de plus en plus en cet endroit unique en son genre pour y savourer les délices de ce paradis et profiter des charmes doucereuses de la nature.
@CA
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Ganvié, bon samaritain, mystique et touristique
L’architecture atypique de cette cité « aquatique » est faite de logis en bambou et couverts de pailles et/ou de tôles, adossés sur pilotis au-dessus du lac Nokoué.
Quant à l’esprit métaphysique de Ganvié, il symbolise l’identité ancestrale béninoise. Ex-Royaume du Dahomey, le Bénin est un petit pays situé en Afrique de l’Ouest niché entre le Togo (Ouest), le Burkina Faso (Nord-Ouest), le Niger (Nord-Est) et le Nigeria (Est). Peuplé d’un peu plus de 11 millions d’habitants, cette contrée regorge de magnifiques paysages chargés d’histoires.
Cette cité historique
Datant du 18è siècle Ganvié signifie littéralement Sauver la collectivité. «Gan» : sauvé et «vié» : la collectivité (en langue locale fongbé), servait à l’époque de refuge pour esclaves. La cité a été bâtie par le roi Agbogdobé dont la statue surplomb le village. Il avait décidé de s’installer sur l’eau pour fuir l’esclavage qui frappait son peuple nommé «Les Toffinous», qui se traduit par, les gens sauvés par l’eau.
La légende et la tradition orale racontent que les villageois fuyaient les esclavagistes et les razzias. C’est alors que le roi Agbogdobé a fait appel à ses compétences en vaudou et s’est transformé en épervier pour aller explorer la mer à la recherche d’un lieu pouvant accueillir sa communauté et lui. Une fois qu’il eut trouvé l’endroit idéal, il se transforma en crocodile pour transporter son peuple jusqu’à sa nouvelle terre d’adoption en 1717.
La cité de Ganvié est inscrite depuis 1996 au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO).
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« Où le coq chante, il y a un village »
Dans la cité lacustre, le développement est en mouvement. Des divertissements sont proposés à la population, notamment grâce à l’organisation de la première édition du Nokoué Jazz Festival initié par le musicien Athanase Dehounon.

En 2019, il organise un rendez-vous musical. Plus d’un millier de personnes est présent sur des bateaux à moteurs. Etudiants, touristes ou encore habitants du village ont assisté à un magnifique spectacle.
Certes la Covid-19 qui, entre-temps, est passé par là, a stoppé net toute forme de divertissement, mais la cité ne s’avoue pas pour autant vaincue. Elle entend toujours être le refuge, cette fois pas des esclaves, mais des aficionados.
Côté gouvernemental, on ambitionne de préserver et de valoriser le patrimoine culturel de Ganvié et d’améliorer la qualité de vie de ses habitants.
Un programme initié par l’Agence française de développement (AFD) est déjà lancé depuis 2019. Il prévoit de construire des routes adaptées aux crus, de raccorder Ganvié au réseau national d’électricité, de fournir le village en eau potable et de réhabiliter également l’embarcadère principal situé dans le quartier d’Abomey à Calavi. Car au Bénin : « Où le coq chante, il y a un village ». A Ganvié les coqs chantent…
@CA
1 Commentaire
Et avec tout ça, toute cette intelligence et cette bravoure, les égoïstes européens pensent et affirment sans honte qu’ils sont venus civiliser l’Africain.