Vers une nouvelle ère de guerres par procuration ?

Tandis que la force française Sabre quitte le Burkina Faso, nous voyons que les conflits internes en Afrique ouvrent la porte à l’ingérence extérieure et à la crainte de voir le continent redevenir le théâtre de guerres entre grandes puissances. Nous avons besoin d’une sécurité collective plus forte pour éviter cela.
La guerre en Ukraine a soulevé de profondes questions sur la sécurité collective, avec des implications pour nos propres cadres de sécurité collective en Afrique.
Les Russes donnent ostensiblement deux raisons, l’une spécifique, l’autre générale, à leur invasion – la spécifique étant la protection des Russes ethniques locaux dans la région du Donbass en Ukraine ; et la générale étant le manque de garanties de sécurité collective fournies par l’OTAN, un argument qu’ils ont présenté au cours des trente dernières années d’expansion de cette dernière.
Au mieux, les Français sont accusés de gérer de manière incompétente les menaces sécuritaires posées par les militants islamistes. Au pire, ils sont accusés de soutenir ces militants afin de maintenir l’instabilité dans ces pays.
Selon eux, la sécurité collective devrait, comme son titre l’indique, être mutuelle et offrir une protection aux deux parties.
L’une des façons les plus claires d’assurer cette protection mutuelle est de concevoir une architecture qui offre des avantages indéniables aux participants. Le système de blocs de l’OTAN est une indication d’une telle architecture, tout comme le type de mise en commun de la souveraineté politique et économique (et de plus en plus de ressources militaires) que représente l’UE (Union européenne).
À l’extérieur, les deux structures ont été perçues comme une menace par ceux qui se trouvent à leur périphérie, comme les Russes. Sur le plan intérieur, elles ont toutes deux réussi à garantir la stabilité, l’UE ayant réussi à réduire des conflits de longue date, comme l’accord du Vendredi Saint de 1998 entre le Royaume-Uni, l’Irlande et les factions religieuses nord-irlandaises en guerre.
Sur le plan interne, l’OTAN a connu moins de succès, à en juger par les tensions persistantes entre la Grèce et la Turquie, qui ont parfois dégénéré en conflit avec l’occupation turque de Chypre et qui pourraient encore exploser.
Dans le contexte africain, un énorme paradoxe existe dans notre recherche de cadres de sécurité collective durables qui élimineraient les conflits. Le rêve de Kwame Nkrumah d’une Afrique unie et d’un haut commandement africain était une tentative de combiner à la fois un projet d’intégration politique et économique de type européen et une alliance militaire de type OTAN. Le rêve de Kwame Nkrumah pour l’Afrique unie se concrétise lentement par l’Union africaine, les communautés régionales telles que la CEDEAO et la SADC, et maintenant l’accord de libre-échange continental qui nous permettra de commercer plutôt que de nous battre.
L’ECOMOG (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group), autrefois influent mais aujourd’hui moribond, était une tentative limitée de la CEDEAO de créer un système de bloc militaire en Afrique de l’Ouest. Ses succès et ses échecs témoignent des paradoxes qui caractérisent la sécurité africaine.
Alors que Nkrumah envisageait un tel système de bloc comme une protection défensive de la souveraineté africaine contre un impérialisme extérieur renouvelé, les véritables menaces, comme l’ont démontré les activités de l’ECOMOG, ont largement résulté de l’implosion interne de factions ethniques, régionales et religieuses mécontentes.
Point d’entrée pour l’ingérence étrangère
Parfois, de telles convulsions dépassent les frontières nationales, en particulier lorsque les frontières créées par l’époque coloniale restent contestées ; elles risquent de devenir plus importantes lorsque des questions de ressources sont en jeu, comme c’est le cas de la tension croissante entre l’Éthiopie et l’Égypte pour le contrôle du Nil.
Ces conflits intra-africains et l’absence de consensus qu’ils génèrent ont toujours été dangereux pour le continent, car ils constituent le point d’entrée de l’ingérence de puissances extérieures.
Alors que par le passé, un consensus existait dans la région pour que l’ECOMOG intervienne en Sierra Leone et au Liberia dans le cadre d’une initiative de sécurité collective nationale, la région semble aujourd’hui inviter une fois de plus différents acteurs extérieurs à résoudre ses problèmes.
Le rôle de la France en tant que garant de la sécurité en Afrique de l’Ouest francophone est désormais ouvertement remis en question dans un certain nombre de pays. Au Mali, au Burkina Faso, on a demandé aux Français de partir, pour être remplacés par le groupe para-militaire russe Wagner.
Au mieux, les Français sont accusés de gérer de manière incompétente les menaces sécuritaires posées par les militants islamistes. Au pire, ils sont accusés de soutenir ces militants afin de maintenir l’instabilité dans ces pays, ce qui permet une présence militaire accrue et donc une exploitation continue des ressources.
Toutefois, le remplacement d’un garant extérieur de la sécurité par un autre – dans ce cas, les Russes – est-il la réponse à nos problèmes de sécurité collective ? Par exemple, la présence des Russes au nord du Ghana a conduit le gouvernement à demander une présence militaire américaine accrue dans la région.
Compte tenu de la multipolarité croissante, il faut s’attendre à ce que l’Afrique soit à nouveau au centre d’une nouvelle course aux ressources. Nous ne devons pas permettre à nos différences d’inviter les différents acteurs et de permettre le type de guerre par procuration qui se déroule ouvertement en Ukraine par différentes puissances.
@NA