x
Close
Politique

Un référendum sous hautes tensions en Centrafrique

Un référendum sous hautes tensions en Centrafrique
  • Publiéjuin 16, 2023

Le président Faustin-Archange Touadéra devrait faire connaître bien vite le texte de révision constitutionnel soumis à référendum le 30 juillet, qui lui permettrait de briguer un autre mandat en 2025. L’ONU et les ONG appellent à un scrutin sincère.

 

Le texte précis du référendum soumis aux Centrafricains le 30 juillet 2023 n’est pas encore connu, mais les proches du président Faustin-Archange Touadéra s’activent pour assurer une large victoire du « Oui ». Une direction de campagne sera à pied d’œuvre dans les tout prochains jours.

À l’inverse, les opposants au pouvoir s’inquiètent des velléités – pour ne pas écrire des probables intentions –, du président Touadéra d’utiliser ce scrutin afin de briguer un nouveau mandat, en 2025, en attendant de pouvoir briguer un suivant… Ils craignent également de nouvelles tensions à l’approche du scrutin et un resserrement des libertés démocratiques. Rejoints en cela par les ONG et les observateurs internationaux.

Les élections locales initialement prévues pour le 11 septembre 2022 ont été reportées à janvier 2023, puis fixées à nouveau au 16 juillet 2023. Les dernières élections locales dans le pays datent de 1988.

 

« Le référendum constitutionnel prévu pourrait restreindre davantage l’espace civique et risque de compromettre les progrès démocratiques réalisés depuis 2015 dans le pays », prévient l’ONG Human Rights Watch.

« Ce référendum intervient alors que des institutions gouvernementales, notamment la police, menacent des militants de la société civile et empêchent des manifestations de l’opposition politique », précise Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le président Touadéra devrait annoncer publiquement qu’il encourage un débat libre et équitable sur le bien-fondé de ce changement de constitution et permettre à ses détracteurs de s’exprimer librement et ouvertement. »

L’ONG accuse deux associations proches du pouvoir de pratiquer régulièrement le harcèlement d’opposants, « aussi bien en ligne que dans la rue ». L’une de ces associations aurait reçu un soutien financier du groupe Wagner, accuse l’ONG, relayant des informations de presse.

Des inquiétudes partagées par un émissaire des Nations unies, Yao Agbetse, qui s’est penché sur la question des droits de l’homme en République centrafricaine. Lesquels pourraient être compliqués par le référendum constitutionnel, redoute l’émissaire. Qui « exhorte les autorités à mettre tout en œuvre pour prévenir les discours de haine et de violences, y compris sur les réseaux sociaux, avant, pendant et après le scrutin ».

 

Consolider la gouvernance

De son côté, l’« État centrafricain doit utiliser tous les moyens possibles pour s’assurer que le référendum n’entraîne pas de nouvelles violations des droits de l’homme », a insisté Yao Agbetse dans le compte rendu de sa mission, publiée ce 16 juin.

Ses consultations avec les différentes parties prenantes ont révélé que le référendum constitutionnel soulève des préoccupations politiques, sécuritaires, logistiques, techniques et financières. Selon l’émissaire, le projet de Constitution devait servir à ériger des garanties de non-récurrence, à renforcer la justice sociale, la réconciliation et la paix, la consolidation de la gouvernance démocratique, et à satisfaire l’intérêt supérieur de la nation. « La nouvelle Constitution doit assurer la consolidation de la gouvernance démocratique en République centrafricaine et servir les intérêts supérieurs de la nation. »

Yao Agbetse, émissaire des Nations unies (archives).
Yao Agbetse, émissaire des Nations unies (archives).

 

« Compte tenu de la portée du projet référendaire, des enjeux et de son empreinte sur le présent et l’avenir de la Centrafrique, une approche participative est indispensable », a déclaré l’expert de l’ONU, regrettant qu’aucun texte ne soit encore à disposition des citoyens. « Les autorités centrafricaines doivent tout mettre en œuvre pour que les positions exprimées par les voix dissidentes soient entendues et prises en compte. »

Yao Agbetse exhorte les autorités centrafricaines à veiller à ce que le référendum se déroule dans le calme et que les libertés publiques, telles que l’association, la réunion pacifique et la liberté d’expression, soient préservées. « Avant et pendant le référendum, les personnes et entités opposées à la nouvelle Constitution et les partis d’opposition qui ne soutiennent pas les réformes doivent disposer d’un espace civique et médiatique pour exprimer leur désaccord et présenter leurs propres propositions », a déclaré l’expert. « Ces groupes ne doivent pas être harcelés ni soumis à des représailles. »

L’expert de l’ONU appelle toutes les parties opposées au référendum  à protester et à exprimer leur opinion pacifiquement.

En outre, le Togolais a ajouté que « si les objectifs des nouvelles propositions constitutionnelles ne sont pas clairement expliqués et compris, ce référendum pourrait compliquer une situation des droits de l’homme qui est déjà extrêmement complexe ».

Il a également exhorté l’État à ne pas tirer argument des efforts financiers consentis pour l’organisation du référendum constitutionnel comme excuse pour compromettre le processus des élections locales actuellement suspendu.

@NA

 

Écrit par
Laurent Allais

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *