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Politique

Un « dialogue national » ouvert en Tunisie

Un « dialogue national » ouvert en Tunisie
  • Publiémai 2, 2022

Kaïs Saïed demande aux membres du Quartet, Prix Nobel de la Paix, de réfléchir avec son gouvernement aux contours d’une nouvelle république. Les Tunisiens seraient appelés à l’approuver durant l’été. Un dialogue politique sans les partis politiques.

 

Par Laurent Allais

Le président Kaïs Saïed a profité de la fin du mois de Ramadan pour annoncer une « nouvelle république », permise par un « dialogue national ». Lequel s’engage dès à présent, mais pas avec n’importe qui. En effet, le chef de l’État refuse – certains y verront de la lucidité, d’autres une dérive autoritaire –, de dialoguer avec les partis politiques représentatifs, qu’il accuse d’être responsables de la situation politique et sociale actuelle de la Tunisie.

Si le calendrier – resserré – est respecté, le Président appellerait les Tunisiens à se prononcer par référendum sur des amendements constitutionnels, le 25 juillet, avant de renouveler le Parlement le 17 décembre lors d’élections législatives.

C’est pourquoi, ce « dialogue national » s’adresse surtout au « Quartet » qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 2015 : la centrale syndicale UGTT, l’organisation patronale Utica, la Ligue tunisienne des droits de l’homme, et l’Ordre national des avocats. Pas question donc, de rencontrer des représentants du parti islamiste Ennahdha.

Ce dialogue national, réclamé de toutes parts depuis des mois, s’ouvre enfin, dans un contexte particulier. La Tunisie est en proie à une crise sociale et politique majeure, et mène parallèlement des négociations compliquées avec le FMI, afin d’obtenir un nouveau prêt. Négociations si compliquées que l’institution de Washington a refusé de se prononcer sur l’état de l’économie tunisienne à horizon 2023, dans ses documents de printemps de prospective économique. Le FMI pousse à des réformes structurelles qui passent notamment par des coupes sévères dans les subventions aux entreprises publiques. Ce qui induirait de nombreuses suppressions d’emplois, dans un pays au taux de chômage déjà élevé. Le FMI pousse également à des réformes de gouvernance qui cadrent mal avec l’autoritarisme actuel du président Saïed.

À l’occasion des festivités du 1er mai, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, avait lancé un appel à Kaïs Saïed pour qu’il relance le dialogue. « Nous avons probablement la dernière chance pour rassembler les forces nationales, afin d’éviter un démantèlement de l’État et un effondrement financier et économique. »

 

Un dialogue express

Quelques heures plus tard, dans une allocution prononcée à l’occasion, cette fois, de la fête de l’Aïd, Kaïs Saïed a indiqué qu’une commission serait nommée afin de « gérer le dialogue national ». Là aussi, il s’agit une mesure réclamée depuis longtemps par les partis politiques, ainsi que par les pays occidentaux et l’Union européenne depuis que Kaïs Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs, le 25 juillet 2021.

En effet, depuis cette date, le Président, certes élu démocratiquement en 2019, dirige le pays par décrets, mettant la plupart des institutions sous sa coupe. En mars 2022, il a décidé de dissoudre le Parlement, refusant d’être soumis aux coalitions de circonstances nées du bon vouloir d’Ennahdha. Progressivement, depuis, il a changé la composition du Conseil supérieur de la magistrature, et celle de la haute autorité électorale.

Le Président a donc été clair dans son discours du 1er mai au soir : pas question d’inviter « ceux qui ont saboté, affamé et maltraité le peuple ». Prenant le risque de voir les partis comme Ennahdha continuer de dénoncer « le coup d’État » du président tunisien et les politologues de dénoncer l’esprit de division du chef de l’État. Selon qui le dialogue « sera ouvert à ceux qui se sont engagés honnêtement dans le mouvement correctif qui a commencé le 25 juillet dernier ».

Voici quelques jours, des organisations et des partis d’opposition, dont Ennahdha, ont créé une coalition sous la direction d’une personnalité venue de la gauche, Ahmed Nejib Chebbi, avec l’ambition d’attirer d’autres formations et personnalités influentes.

Ce « dialogue national » ne devrait d’ailleurs pas être très long, selon Kaïs Saïed, qui semble déjà avoir son idée quant aux grandes lignes de sa conclusion. Il appellerait les Tunisiens à se prononcer par référendum sur des amendements constitutionnels, le 25 juillet, avant de renouveler le Parlement le 17 décembre lors d’élections législatives. Voilà un calendrier resserré qui oblige le comité d’experts chargé de préparer une Constitution pour « une nouvelle République » à terminer bien vite ses travaux. Pourquoi de longues palabres, alors que « les questions sont claires et les choix sont clairs », s’est justifié le président tunisien.

@NA

 

Écrit par
Laurent Allais

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