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Politique

Tunis veut « améliorer la situation des étrangers »

Tunis veut « améliorer la situation des étrangers »
  • Publiémars 6, 2023

Quelques semaines après la charge anti-migrants du président Saïed, et tandis que la Tunisie, montrée du doigt, est sujette aux violences, l’État annonce une série de mesures destinées à faciliter le séjour, ainsi que le retour, des migrants venus d’Afrique subsaharienne.

 

Machine arrière, tentative d’apaiser les tensions, pressions des pays amis ? Toujours est-il que le gouvernement tunisien vient de rendre publiques une série de mesures en faveur des migrants et des étudiants subsahariens. Elles interviennent après plusieurs semaines de manifestations d’hostilités, voire de haine, à l’encontre des migrants et des Noirs, fussent-ils Tunisiens. Regain de violence exacerbé par le discours virulent du président Kaïs Saïed contre les subsahariens clandestins et ceux qui « complotent » pour leur venir en aide.

Si les propos de Kaïs Saïed ont trouvé quelques échos, notamment sur les réseaux sociaux, la population tunisienne semble lasse de cette stigmatisation du pays, le sentiment de honte l’emportant.

Le 5 mars au soir, la présidence de la République, le gouvernement et le ministère des Affaires étrangères ont promis des « mesures pour améliorer la situation des étrangers en Tunisie et faciliter les procédures » de régularisation.

Ainsi, le gouvernement a décidé de délivrer des cartes de séjour d’un an aux étudiants ressortissants « de pays frères africains » pour « faciliter leur séjour et leur permettre de renouveler périodiquement leurs documents ». En outre, il a décidé de prolonger les attestations de résidence de trois à six mois pour les ressortissants de certains pays comme la Côte d’Ivoire. Ces ressortissants bénéficient d’une exemption de visa de trois mois à l’entrée en Tunisie.

L’État veut aussi « faciliter les opérations de retour volontaire dans un cadre organisé et en coordination avec leurs missions diplomatiques ». Ce, alors que de nombreux Ivoiriens et Ghanéens préparent leur retour. Déjà, une cinquantaine de Guinéens auraient quitté le territoire tunisien pour la seule journée du 1er mars ; tandis que 300 Ivoiriens et Maliens ont été rapatriés le 4 mars.

Kaïs Saïed prend le risque de l’isolement

 

Ces candidats au retour volontaire seront exemptés des pénalités infligées aux clandestins. Elles s’élevaient à 80 dinars par mois (25 euros) minimum, pouvant dépasser parfois 1 000 euros, calcule l’AFP.

Le gouvernement promet également de renforcer l’accompagnement et l’assistance sanitaire et sociale aux migrants – via le Croissant-Rouge –, tout en cherchant à « lutter contre toutes les formes de traite humaine et l’exploitation des migrants irréguliers ». Ce qui sous-entend une augmentation des contrôles.

Un « numéro vert » pour les « résidents des pays frères africains » est ouvert afin de « signaler toute violation à leur encontre ».

Le discours du président Saïed, le 21 février, a provoqué l’indignation dans le pays, ainsi que des actes hostiles. Les Subsahariens se plaignent, depuis, d’une recrudescence des agressions contre eux. Des dizaines de migrants ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention. D’autres témoignent auprès d’ONG des patrouilles de « milices » qui les pourchassent et les détroussent. Des centaines de migrants, pour la plupart travaillant dans l’informel, demandent à leur ambassade d’être rapatriés.

 

La sagesse d’un jeune réalisateur

Les manifestations de soutien peinent à rassembler. Toutefois, le 5 mars, soit quelques heures avant le communiqué des autorités tunisiennes annonçant de nouvelles mesures, quelques centaines de manifestants s’étaient réunis dans le centre-ville de Tunis (photo). Ils réclamaient la libération des personnalités détenues depuis plusieurs semaines. « À bas le coup d’État ; liberté pour les détenus », ont scandé les sympathisants du Front de salut national, principale coalition de partis d’opposition.

Le 4 mars, une manifestation plus imposante du syndicat UGTT a mobilisé quelque 3 000 personnes. Le secrétaire général Noureddine Taboub a demandé la libération des opposants – parmi lesquels figure un membre de l’UGTT – ; il a appelé au dialogue et aux « changements démocratiques et pacifiques » dans le pays.

Si les propos de Kaïs Saïed ont trouvé quelques échos, notamment sur les réseaux sociaux, la population tunisienne semble lasse de cette stigmatisation du pays, le sentiment de honte l’emportant. La presse tunisienne rapporte de nombreux gestes de soutien aux migrants subsahariens, tandis que la condamnation est unanime du côté de la société civile.

Dernière personnalité en date à s’exprimer, l’inattendu « Étalon d’or » du Festival du film de Ouagadougou (Fespaco), Youssef Chebbi. Le jeune réalisateur a été primé pour Ashkal, film qui raconte l’enquête de deux policiers après la découverte d’un corps dans les jardins de Carthage, un quartier récent mais inachevé de Tunis. « Je sens la rage et la colère contre ce discours ; c’est infernal de savoir que cela se passe en Tunisie », a-t-il confié à RFI. « Beaucoup d’associations, des jeunes, des amis œuvrent pour soutenir les immigrés et leur faire comprendre que le discours du pouvoir n’est pas celui de toute la société tunisienne. »

Youssef Chebbi, récompensé au Fespaco 2023.
Youssef Chebbi, récompensé au Fespaco 2023.

 

 

(à suivre)

@NA

 

Écrit par
Laurent Allais

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