Togo : À l’épreuve de la crise
Les recettes fiscales sont moindres par rapport aux prévisions, alors que l’État peine à honorer ses engagements financiers. L’année 2018 débute dans l’inquiétude d’autant que les manifestations, lourdes de conséquences pour le Trésor public, reprennent de plus belle.
Lomé, Max-Savi Carmel
Environ 1,5 milliard de F.CFA. C’est le coût d’une journée de manifestation pour les finances publiques, selon le gouvernement togolais qui, dès le début de la crise, accuse l’opposition de « nuire gravement et sciemment à l’économie nationale ». Depuis le 19 août 2017 et les premières manifestations, toutes les tentatives de résolution de la crise ont échoué, malgré les appels au dialogue émanant aussi bien des capitales européennes que du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Chacune des deux parties campe sur sa position. Une situation qui ne devrait pas évoluer. Dans son discours de voeux pour 2018, Faure Gnassingbé annonce unilatéralement des élections locales et municipales pour la nouvelle année, de même qu’une importante « consultation populaire », allusion à peine voilée à un référendum dont l’opposition ne veut pas entendre parler.
Des signaux au rouge
En février 2017, l’Institut des études économiques et démographiques (IEED) prévoyait une croissance annuelle de 6,1 %. Mais face à la crise, le ministère des Finances espère que l’année écoulée se soldera « au moins » par une croissance de 5,1 %, comme 2016, tandis que le FMI et la Banque mondiale sont plus prudents.
Depuis août 2017, le pays connaît une moyenne de six manifestations mensuelles qui altèrent considérablement le climat des affaires. Ainsi, il affiche au classement Doing Business 2018 un recul de deux places (à la 156e place mondiale), en dépit des nombreuses réformes entreprises. L’Office togolais des recettes (OTR) qui regroupe les autorités fiscales et les Douanes, a revu ses prévisions à la baisse, envisageant une chute de plus du tiers de ses recettes au cours du dernier trimestre 2017.
Un dialogue de sourds entre la majorité et l’opposition
Veille économique, principale organisation non gouvernementale en matière de finances publiques, n’a de cesse de dénoncer un taux d’endettement à la hausse, « passant de 75 % en 2016 à un peu plus de 80 % en 2017».
Thomas Koumou, son président, évoque même le chiffre précis de 81,9 %, sans être contredit par le gouvernement. Ainsi, le pays serait le plus endetté de l’Uemoa au sein de laquelle la limite autorisée est de 70 % du PIB. Une situation qui ne semble pas pour autant décourager le gouvernement qui a fait voter par le parlement un budget 2018 de 1 322 milliards de F.CFA (2 milliards d’euros) en hausse de 7,7 %.
Malgré la double médiation d’Alpha Condé, président en exercice de l’Union africaine, et de Nana Akufo-Addo du Ghana voisin, le dialogue est dans l’impasse. « Faure Gnassingbé s’obstine et ne veut faire aucune concession », commente Tikpi Atchadam, tête de file des manifestations, pour qui « le régime est atteint mais ne veut rien céder ».
Du côté du parti au pouvoir, on clame sa bonne foi : « Nous avons introduit en urgence un projet de loi au parlement et les députés de l’opposition ont préféré le boycotter », regrette Christophe Tchao, président du groupe parlementaire Unir, majorité présidentielle.
Un projet de loi que Jean-Pierre Fabre, le chef de file de l’opposition, qualifie de « provocation » parce qu’il permet à Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, de briguer encore deux mandats. « Aucune modification de la loi fondamentale ne doit être personnalisée », riposte Aklesso Atcholé, secrétaire exécutif du parti au pouvoir qui voit dans le comportement de l’opposition « un acharnement contre la personne du Président».