Tchad : Idriss Déby Itno for ever
Le président tchadien se verra accorder de plus grands pouvoirs et sera autorisé à briguer deux nouveaux mandats, selon les modifications à la Constitution proposées par un forum national organisé fin mars.
N’Djaména, Geoffroy Touroumbaye
« J’y suis, j’y reste ! » Aux affaires depuis décembre 1990, le président Idriss Déby Itno peut espérer régner encore jusqu’en… 2033. Son cinquième mandat actuel finira en 2021, il pourra se représenter à sa propre succession, puis briguer un septième et dernier mandat. En 2033, l’homme fort de N’Djaména aura 81 ans dont 43 à la tête du Tchad.
«Le socle de la Nouvelle République a été posé. Mieux, tout le dispositif institutionnel qui devrait porter l’État refondé a été étudié dans les menus détails et dans toutes ses subtilités », a déclaré le président Idriss Déby Itno.
S’il défendait l’idée d’allonger le mandat présidentiel de cinq à sept ans, le chef de l’État tchadien peut se contenter d’un septennat, limité à deux mandats maximum, à compter de la prochaine élection présidentielle en 2021. C’est la plus importante des 75 résolutions issues du forum national inclusif tenu du 19 au 27 mars à N’Djaména et ayant regroupé 1 169 participants venus des 23 régions du Tchad et des pays étrangers.
Le Forum a décidé également d’accorder au président de la République de plus grands pouvoirs. Ce sera le passage à un « régime présidentiel intégral », pilier d’une nouvelle IVe République qui ressemble fort à la première de 1962 où le président était chef de l’État, chef du gouvernement et où il devait présenter son gouvernement devant l’Assemblée nationale. La création d’un poste de vice-Président, un temps envisagé, n’a pas été approuvée par le Forum. Conséquence de ce retour au « régime présidentiel intégral » : il n’y aura plus de Premier ministre.
Dans le cadre du réaménagement des grandes institutions, le Forum a décidé de supprimer, outre la Primature, le Médiateur de la République et le Collège de contrôle et de surveillance des revenus pétroliers. La Cour des comptes, le Conseil constitutionnel et la Haute Cour de Justice deviennent de simples chambres de la Cour suprême.
Nouveau régime des parlementaires
Sur le régime des parlementaires, il a été retenu le maintien de la forme monocamérale actuelle du Parlement. Le mandat des députés est fixé à cinq ans renouvelables une seule fois (contre quatre ans renouvelable actuellement). Il est instauré la représentativité des Tchadiens de la diaspora et des nomades à l’Assemblée nationale, réinstauré également la suppléance des députés.
Mais s’il n’y a pas de Sénat, il est prévu la création d’un organe qui s’y ressemble : le Haut conseil des collectivités territoriales décentralisées (CTD) et des chefferies traditionnelles qui sera le répondant des CTD et prendra en compte le rôle important conféré aux chefferies traditionnelles. Si les contours de cette nouvelle institution n’ont pas été précisés, le chef de l’État a déjà donné une idée : « Une structure légère et souple composée de 35 membres me paraît raisonnable. »
Autre domaine touché par les nouvelles réformes : la forme de l’État. Si la Constitution, promulguée le 31 mars 1996, a opté pour la décentralisation, ce modèle s’est avéré peu opérationnel. Un échec reconnu par le président Déby qui avait bâti la campagne pour sa réélection, en avril 2016, sur le fédéralisme comme alternative.
Le Forum a décidé de maintenir un État unitaire fortement décentralisé, avec un transfert substantiel de pouvoirs, de compétences et de ressources aux collectivités locales, et basé sur un partage constitutionnel des compétences et des ressources de l’État et les collectivités décentralisées limitées à deux niveaux (provinces et communes), contre quatre actuellement.