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Politique

Sénégal, une nouvelle page à écrire

Sénégal, une nouvelle page à écrire
  • Publiéjuillet 4, 2023

Déjouant les pronostics, le président Macky Sall a annoncé son intention de ne pas briguer un nouveau mandat, une décision qui fait l’unanimité. Son camp doit lui trouver un candidat rassembleur, tandis que la menace plane toujours sur l’opposant Ousmane Sonko.

 

Une nouvelle page s’ouvre pour le Sénégal, après la décision du président Macky Sall de ne pas se présenter à un nouveau mandat. La plupart des politiciens sénégalais et africains approuvent ce renoncement qui devrait, du moins à court terme, apaiser les tensions sociales.

L’opposant Ousmane Sonko, sous le coup d’une condamnation, menacé d’incarcération, et qui ne semble pas en mesure de se présenter à l’élection présidentielle de 2024, n’a pas officiellement réagi. Le président Sall lui a en quelque sorte « coupé l’herbe sous le pied », commentent les Sénégalais sur les réseaux sociaux ; Ousmane Sonko, qui avait prévu de s’exprimer après le discours présidentiel, avait préalablement demandé aux citoyens sénégalais de se tenir prêt à sortir dans les rues en cas d’annonce de candidature.

L’hypothèque Macky Sall levée, il faut désormais que chaque prétendant annonce ou confirme sa candidature. Et demeure l’incertitude autour d’Ousmane Sonko, pour l’heure bloqué chez lui.

Le Président a donc, dans une allocution solennelle le 3 juillet au soir, révélé : « Ma décision, longuement et mûrement réfléchie, est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024. » Précisant néanmoins, au risque d’être contredit : « Même si la Constitution m’en donne le droit. » Un débat dépassé, donc. « J’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit et écrit », a déclaré le chef de l’État, faisant allusion à de précédentes déclarations sur le fait que son second mandat était le dernier. Ici, le Président feint d’oublier que ces derniers mois, ses partisans ont entretenu le suspense, déclarant par avance légitime, voire souhaitable, une troisième candidature.

Macky Sall a reçu les félicitations des autres dirigeants africains.

Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine, salue « une décision sage et salutaire ». « J’exprime mon admiration au grand homme d’État qu’il est d’avoir privilégié l’intérêt supérieur du Sénégal et de préserver ainsi le modèle démocratique sénégalais qui fait la fierté de l’Afrique, a-t-il déclaré.

« Le Président Macky Sall vient de faire preuve d’une grande intelligence politique. Ainsi, le Sénégal reste un des porte-flambeaux dont la flamme éclaire notre continent », a très tôt dans la soirée, réagi Issoufou Mahamadou, l’ancien président du Niger. Vite rejoint par son successeur, Mahamed Bazoum, qui « formule le vœux que cette décision apaise définitivement le climat politique dans ce pays frère ».

 

Une situation clarifiée

« Je salue avec fierté sa décision courageuse de grand homme d’État », a écrit sur les réseaux sociaux le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló (photo ci-contre). Qui a ajouté : « On peut succéder à Macky Sall mais il est difficile de le remplacer. » Sur ce point, « le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders capables de pousser le pays vers l’émergence », avait répondu par avance Macky Sall dans son discours.

Sobrement, la France a aussi salué sa décision en jugeant que le Sénégal démontre à nouveau la solidité de sa longue tradition démocratique, exprime un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

La décision du président sénégalais est également saluée par ceux qui espèrent qu’elle fera école : « Bravo Président. Le vent d’une démocratie vivifiée vient de souffler à nouveau sur le Sénégal. Puisse ce discours de haute portée politique et symbolique inspirer tous les leaders africains. Nous, Congolais, devons méditer cet acte historique empreint de courage, de lucidité, d’éthique, de dignité et de patriotisme », a résumé Martin Fayulu, candidat malheureux aux dernières élections présidentielles en RD Congo.

Au Sénégal même, les déclarations sont moins laudatives, climat électoral oblige. Ainsi, Aminata Touré, ancienne Première ministre de Macky Sall et en rupture de ban depuis septembre 2022, estime-t-elle que le Président « n’a pas fait une faveur au Sénégal » et qu’il a « reculé face à la clameur générale ». Elle considère qu’il aurait dû « clarifier depuis longtemps » sa position devant le troisième mandat, évitant ainsi au pays « des moments difficiles ». Déclarant au micro de RFI : « Nous restons vigilants parce que nous souhaitons que soient organisées des élections inclusives, libres, et transparentes. »

Si l’opposant Khalifa Sall, candidat déclaré aux prochaines élections, a salué « une belle décision », il a tenu à se souvenir de tous les morts dans des manifestations depuis 2021, une cinquantaine, « des sacrifices qui n’ont pas été vains » et plaidé pour « une élection inclusive ».

Saluant la décision de Macky Sall, Pape Mahawa Difou, de la coalition Benno Bokk Yaakaar (majorité présidentielle), y voit « une tradition de passation pacifique du pouvoir de l’histoire de notre pays ». Il reconnaît qu’aujourd’hui, la majorité présidentielle « n’a plus de dauphin ».

L’hypothèque Macky Sall levée, il faut désormais que chaque prétendant annonce ou confirme sa candidature. Et demeure l’incertitude autour d’Ousmane Sonko, pour l’heure bloqué chez lui. Avec une particularité judiciaire, concernant sa condamnation, laquelle n’a pas été formellement publiée. S’il se constitue prisonnier, ou si un mandat de dépôt est prononcé, son procès sera annulé et il devra être rejugé, car le tribunal l’a jugé « par contumace ». En revanche, s’il n’est pas arrêté, sa condamnation deviendra définitive et il ne pourra pas se présenter en 2024.

@NA

Écrit par
Laurent Allais

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