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Politique

Sénégal : l’appel au dialogue, apaisement ou manœuvre politique ?

Sénégal : l’appel au dialogue, apaisement ou manœuvre politique ?
  • Publiémai 3, 2023

Le président Macky Sall demande aux partis politiques de dialoguer avec lui, dix mois avant la prochaine élection présidentielle. Les partis d’opposition, toujours hostile au troisième mandat, se montrent divisés devant cette main tendue. Le but de la manœuvre ?

 

Les personnalités politiques se montrent divisées, après l’appel au « dialogue » demandé par Maky Sall. Le chef de l’État, quelques semaines après son discours à la Nation et à l’occasion de la fête de l’Aïd, a réitéré son appel aux forces politiques à venir dialoguer avec lui. Appel entendu, on s’en doute, dans son propre camp. Mais aussi chez certains plus critiques : « Le dialogue politique est une vieille tradition sénégalaise », a réagi le PDS (Parti démocratique sénégalais). Cette formation, chère à l’ancien président Abdoulaye Wade, réitère ses vœux d’élection présidentielle (en 2024) « libre, ouverte, inclusive et transparente ». À ce propos, le PDS réclame « un audit contradictoire du fichier électoral, sous la supervision des États-Unis, de l’Union européenne et de l’Union africaine ».

« Celui qui appelle au dialogue a dit lui-même qu’on n’a pas besoin de dialoguer, parce qu’il n’y a aucun problème dans le pays. »

D’autres personnalités se disent également ouvertes au dialogue. Khalifa Sall est dans une position délicate. L’ancien maire de Dakar s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle, sans dire ce qu’il ferait en cas de candidature de Macky Sall, qu’il est supposé soutenir. Surtout, le politicien est sous le coup d’une condamnation et est donc inéligible, sauf à obtenir une amnistie. Alors, on hésite : ce « dialogue » espéré par le Président suppose, selon ce candidat, que Macky Sall renonce à un troisième mandat. Toutefois, « le dialogue doit avoir lieu. Ce ne sont pas nos petites personnes qui intéressent la population mais le pays. À un moment donné, il est important d’aller sur une table pour discuter », a-t-il déclaré. Et donc, si Khalifa Sall souhaite ne pas pratiquer « la politique de la chaise vide », il s’en remet aux décisions des partis et de la coalition Yewwi Askan Wi ainsi que de la plateforme de lutte contre le troisième mandat, le F-24, constituée récemment.

De dialogue, l’ancienne Première ministre et désormais rivale Aminata Touré n’en veut pas. Elle y voit « une manœuvre pour diviser l’opposition, une manœuvre qu’il a entamée depuis longtemps, avec la collaboration du PDS ». Lequel, dénonce Aminata Touré, n’« est pas un participant au dialogue, mais co-organisateur avec le président Macky Sall ».

 

L’agenda judiciaire d’un opposant

De son côté, Ousmane Sonko refuse cette main tendue ; il est vrai que les arrestations récentes de militants du Pastef, son parti, ne relèvent pas d’une incitation au dialogue. « Pour le peu qu’on en sait, sous ce format actuel, c’est un appel au dialogue pour liquider et isoler Ousmane Sonko et le Pastef pour casser l’opposition en donnant un bonbon à chacun », a réagi Ousmane Sonko. Pour qui ce dialogue a pour but de « valider une troisième candidature inconstitutionnelle ». Il dénonce d’ailleurs un paradoxe : « Celui qui appelle au dialogue a dit lui-même qu’on n’a pas besoin de dialoguer, parce qu’il n’y a aucun problème dans le pays. »

Ce leader de l’opposition a un agenda chargé : le 8 mai intervient son procès en appel pour diffamation contre la ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Le 30 mars, il a été condamné à deux mois de prison, préservant son éligibilité, mais le Parquet a fait appel.

Et huit jours plus tard, il devra répondre d’accusations de viols et menaces de morts présumés, après la plainte d’une employée d’un salon de beauté. Après divers rebondissements judiciaires, cette affaire devrait trouver une solution avant que tous les candidats à la présidentielle de février 2024 ne se déclarent officiellement.

Sénégal : une actualité politique chargée

De plus, Ousmane Sonko a lui-même porté plainte pour « tentative d’assassinat ». Mi-mars, à l’occasion de son premier procès, l’homme a été victime d’un jet de gaz lacrymogène, entrainant, selon ses dires, un repos forcé en clinique durant cinq jours. Il se dit convaincu que le gaz qui l’a touché était potentiellement mortel et a confié des analyses à la justice.

Donnant écho à l’intuition d’Aminata Touré, le journal Le Quotidien constate que l’initiative de Macky Sall « casse la dynamique de l’opposition ». Ousmane Sonko se placerait « sur la voie de la solitude », juge L’Observateur, selon lequel, d’un autre côté, l’opposant trouve une occasion de conforter « son rôle d’opposant radical ».

D’autre part, Sud Quotidien regrette un Sénégal « entre liberté et illusion » en matière de liberté de la presse, célébrée internationalement ce 3 mai. Pour la première fois, avec deux journalistes sénégalais en prison, Pape Ndiaye et Thioro Mandela. En raison de leur incarcération, le Sénégal chute d’ailleurs de 31 places au classement de RSF (Reporter sans frontière) à la 104e place mondiale.

@NA

Écrit par
Laurent Allais

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