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Politique

Pires, ex-président du Cap-Vert

  • Publiéjuillet 22, 2015

S’il ne constitue pas une exception, le Cap-Vert fait figure d’exemple, en matière de transition démocratique apaisée. Son ancien président, Pedro Pires, encourage une meilleure conscience civique en Afrique.

Après avoir dirigé votre pays pendant dix ans, jusqu’en septembre 2011, n’avez-vous jamais été tenté de briguer un troisième mandat?

Non, pour la bonne raison que la Constitution cap-verdienne limite à deux les mandats présidentiels ; ce qui est une très bonne chose ! Même si ce souhait avait été exprimé – à un moment donné – par des militants de mon parti, je m’y suis toujours opposé car je suis convaincu que seul un strict respect des impératifs constitutionnels permet d’avancer. Dans un petit pays comme le Cap-Vert, où tout le monde se connaît, il est très important que les élus, et tout particulièrement le premier parmi eux, montrent l’exemple. Les Cap-verdiens sont très attachés au respect de la légalité et j’en ai fait mon credo dès le début de ma carrière politique : d’abord en tant que militant dans le mouvement de libération nationale, puis dans le cadre des négociations avec les autorités portugaises pour l’indépendance du Cap-Vert et, enfi n, dans l’édifi cation d’un État souverain. Alors, ce n’est pas une fois élu à la magistrature suprême que j’allais faire le contraire de ce pour quoi je me suis battu toute ma vie !

Dans d’autres pays africains, y compris dans la sphère linguistique lusophone, ces principes ne sont guère respectés. Pourquoi ?

Parce que les expériences historiques ne sont pas les mêmes selon que l’on parle de l’Angola, de la Guinée-Bissau, du Mozambique ou de São Tomé et Principe. Il ne faut pas se focaliser seulement sur la personnalité des leaders, mais essayer de comprendre le contexte politique de chaque pays. L’Angola, par exemple, a été victime d’agressions au moment des indépendances et une longue guerre civile s’est ensuivie. Le Mozambique n’a pas connu le même type d’invasions et la guerre de libération s’est réglée différemment. En Guinée-Bissau, la lutte armée de libération nationale a été longue et traumatique avec les conséquences que l’on sait sur le comportement des leaders politiques et militaires, amenant la militarisation des esprits et du pays. Chaque cas est différent et il faut l’analyser attentivement avant de juger, car parfois il y a des pesanteurs sociologiques difficiles à lever.

Certes, mais des Présidents africains veulent changer la Constitution pour se maintenir au pouvoir. Pourquoi le Cap-Vert fait-il exception ?

Non, le Cap-Vert n’est pas une exception. Au Sénégal, le président Senghor s’est retiré sans chercher à changer la Constitution. Les présidents Diouf et Wade ont dû se résoudre au respect du verdict des urnes après que les Sénégalais ont exprimé leur volonté de changement. Au Ghana, au Mozambique, en Tanzanie et même en Afrique du Sud, au Botswana ou en Namibie, partout il, y a des alternances pacifiques à la tête de l’État. Le Cap-Vert n’est pas un cas isolé ! Regardez les dernières élections au Nigeria : malgré la menace de Boko Haram, elles se sont déroulées sans encombre. Il ne faut pas se décourager : le processus de transition démocratique est en bonne voie en Afrique. Les changements sociétaux et institutionnels sont généralement très longs. Certes, il y a l’exemple récent du Burkina Faso. Mais n’oubliez jamais les circonstances dans lesquelles Blaise Compaoré qui a, pendant longtemps, su se ménager des soutiens, est arrivé au pouvoir. Le Burundi, au-delà de la tentative d’une « interprétation déviée » de la Constitution, doit faire face à une société profondément divisée avec des clivages qu’il faut gérer avec perspicacité et lucidité. Changer la Loi fondamentale brouille la visibilité sur le plan politique ; surtout si la gouvernance se caractérise par une mauvaise gestion et un mauvais encadrement du personnel politique. Immanquablement, des luttes internes pour mettre la main sur les ressources de l’État s’ensuivent… Il serait souhaitable de prévenir de la pratique perverse du pouvoir pour le pouvoir.

Au Cap-Vert, nous avons réussi à construire des alliances politiques pour lutter ensemble contre l’adversité. Le fait que nous soyons en train de gagner le pari du développement est une référence pour toute l’Afrique.

Pourquoi un tel scénario ne s’est-il jamais produit au Cap-Vert ?

Le mérite en revient à tous les Cap-verdiens ! Nous sommes un petit pays dans un archipel de dix îles, sans vraiment de ressources naturelles, ni de marché domestique puisque notre population est très éparpillée. Or, tous ces handicaps ont été surmontés parce que ces faiblesses nous ont obligés à travailler dur et avancer prudemment. Peut-être que notre plus grande chance, c’est de n’avoir jamais eu de royalties à nous répartir ! En revanche, nous avons une importante diaspora à l’extérieur. Ce qui est une immense richesse, d’autant qu’elle fait preuve de beaucoup de solidarité avec les Cap-verdiens restés à l’intérieur. La corruption existe partout… Voyez la FIFA ! Nous, nous avons tout fait pour réduire les risques en nous efforçant de donner l’exemple aux plus hauts sommets de l’État. À chaque fois que nous avons eu à connaître un cas de corruption, les coupables ont été transférés ou punis. Nous avons une vieille tradition administrative, au Cap-Vert et nous avons su choisir les bonnes personnes, les convaincre de faire des sacrifices et les pousser à l’entraide. C’est peut-être ce sens civique, ce sens du devoir et la confiance qu’on triomphera dans le futur qui a fait la différence. Tout cela, évidement, doit s’accompagner d’une conduite exemplaire et d’une bonne politique sociale.

Vous qui avez réussi la difficile transition d’une autocratie basée sur un parti unique à une démocratie pluraliste au Cap-Vert, quel est le conseil que vous donneriez aux dirigeants africains actuels ?

De toujours rester attentifs, car rien n’est jamais acquis. Et de bien choisir les priorités nationales en fonction des besoins réels du pays… Il faut aussi apprendre à bien gérer les ressources afin de gagner la confiance des investisseurs, de la communauté internationale et devenir crédible auprès des populations. Pour notre part, nous venons d’un mouvement de libération nationale, ce qui nous a donné la force et l’inspiration sur le plan des idées pour gagner la bataille du développement. Au Cap-Vert, nous avons réussi à construire des alliances politiques pour lutter ensemble contre l’adversité. Le fait que nous soyons en train de gagner le pari du développement est une référence pour toute l’Afrique. Car si le petit Cap-Vert peut y arriver, pourquoi pas les autres, beaucoup mieux dotés ? 

Écrit par
ade

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