Philippe Hategekimana veut être rejugé

L’ancien gendarme rwandais fait appel de sa condamnation à perpétuité pour son implication dans le génocide des Tutsis en 1994. Il a pourtant été reconnu coupable de la quasi-totalité des chefs d’inculpation.
Condamné le 26 juin 2023 à la réclusion criminelle à perpétuité pour génocide et crime contre l’humanité, Philippe Hategekimana a annoncé son intention de faire appel, ce 4 juillet. Ses avocats considèrent que leur client, qui se fait appeler du nom français Philippe Manier, « est persuadé que le procès permettra, à l’issue d’un processus équitable, d’établir son innocence ».
« Ce verdict est un nouveau signal fort à tous ceux qui commettent des atrocités, incitent à les commettre ou qui en glorifient les auteurs, que la justice prévaudra ; peu importent leurs tentatives de se cacher, peu importe le temps qui s’est écoulé. »
Un avis guère partagé par Alain Gauthier, qui se bat depuis des années pour faire condamner les responsables du génocide de 1994 au Rwanda au sein du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). « C’est franchement insupportable, c’est désespérant », a-t-il réagi auprès de l’AFP. Deux autres procès du même ordre sont actuellement en appel, auprès d’une juridiction française.
Philippe Hategekimana, dit « Biguma » à l’époque des faits, a été condamné, en première instance, par la cour d’assises de Paris, pour une série de crimes commis au Rwanda entre avril et juillet 1994. Son procès a duré sept semaines.
« La cour a considéré que vous avez commis les faits les plus graves, ceux de crimes de masse, que vous avez été un agent zélé dans le plan d’extermination des Tutsis », avait énoncé le président de la cour d’assises. Il a été reconnu coupable d’avoir participé ou encouragé à des dizaines de meurtres en avril 1994 à Butare, dans le sud du Rwanda, dont le meurtre du maire de la commune.
L’accusation lui reprochait également d’avoir participé, en donnant des ordres, voire en étant directement impliqué sur le terrain, à trois massacres : celui de la colline de Nyabubare où 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994, celui, quatre jours plus tard, de la colline de Nyamure où s’étaient réfugiés des milliers de Tutsis, et celui de l’Institut des sciences agronomes du Rwanda, où des dizaines de milliers de victimes ont été recensées. Pour ce dernier crime, la cour n’a reconnu que la complicité de Philippe Hategekimana mais pas sa culpabilité en tant qu’auteur de ce massacre.
D’autres inculpés courent toujours
Au cours de la procédure judiciaire, l’accusé, qui avait reçu la nationalité française en 2005, a nié avoir participé au génocide des Tutsis, tout en reconnaissant la réalité de celui-ci. Ses avocats ont tenté de décrédibiliser les témoins les plus accusateurs, pour la plupart eux-mêmes des prisonniers détenus au Rwanda pour leur participation au génocide.
De son côté, la conseillère spéciale des Nations unies pour la prévention du génocide, Alice Wairimu Nderitu, s’est félicitée du verdict rendu à Paris. Qui intervient après le cinquième procès de ce type d’auteurs présumés du génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda par des tribunaux français.
Le procès de Philippe Hategekimana « a détaillé son rôle non seulement dans la perpétration des meurtres, mais aussi dans l’incitation d’autres personnes à les commettre », précise l’ONU. Après avoir passé plus de deux décennies en France, Biguma a finalement été arrêté au Cameroun, en 2018.
« Il est de notoriété publique que de nombreuses personnes inculpées sont toujours en liberté, et certaines auraient une vie normale – sans crainte d’être traduites en justice – dans des États membres des Nations unies », reconnaît la conseillère spéciale. Qui réitère son appel à se rendre aux derniers fugitifs du génocide de 1994, au cours duquel des Hutus modérés et d’autres personnes ont également été tués, pour que justice soit rendue.
« Ce verdict est un nouveau signal fort à tous ceux qui commettent des atrocités, incitent à les commettre ou qui en glorifient les auteurs, que la justice prévaudra ; peu importent leurs tentatives de se cacher, peu importe le temps qui s’est écoulé. »
Selon Alice Wairimu Nderitu, les affaires judiciaires et les verdicts tels que celui-ci, ainsi qu’un récent verdict rendu en Allemagne contre un ancien membre de l’Etat islamique, « ne sont pas seulement un excellent exemple de justice rendue, mais sont essentiels pour garantir la dignité des victimes des crimes et de leurs familles ».
@NA