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Opinion Politique

Nos dirigeants se comportent mal

Nos dirigeants se comportent mal
  • Publiémars 7, 2023

En dehors du continent, l’Afrique est très souvent jugée à travers le prisme de ses dirigeants et lorsque ceux-ci se comportent de manière inappropriée, la calomnie s’étend à l’ensemble du continent et renforce les récits négatifs.

 

Dans l’internat de mon fils, les élèves portent leur uniforme « numéro 1 » à deux occasions : lors d’événements spéciaux et lorsqu’ils quittent les locaux de l’école. Le « numéro 1 » se compose d’un blazer, d’un pantalon élégant, d’une chemise blanche et d’une cravate. Lorsque les garçons sont habillés ainsi, ils se comportent différemment et semblent avoir un meilleur comportement.

C’est une initiative intelligente de l’école et cela fonctionne : chaque enfant se souvient qu’il est un ambassadeur visible de son institution et il agit en conséquence.

Certains de nos dirigeants ont choisi de faire l’objet de contenus médiatiques sociaux qui dépeignent le continent comme une sorte de jungle peuplée de dirigeants indisciplinés qui ne pensent qu’à eux.

Je pense que c’est un système qui devrait être utilisé pour certains de nos dirigeants africains. Avoir un uniforme numéro 1 qu’ils peuvent revêtir lorsqu’ils représentent leur pays sur des tribunes publiques et mondiales devrait être obligatoire.

Au fil des ans, on relève de nombreux exemples de comportements inadéquats de dirigeants africains qui ont renforcé nombre de vieux stéréotypes sur l’Afrique. Par exemple, Mugabe s’endormant lors d’événements majeurs ou le commentaire de Buhari sur la place des femmes dans la cuisine.

Certes, ces moments ont donné aux médias et aux commentateurs exactement les munitions dont ils ont besoin pour alimenter le récit d’un mauvais leadership en Afrique.

Le problème est que nos dirigeants ont une influence démesurée sur la façon dont le monde pense de l’Afrique. Une étude menée par l’Université de Californie du Sud en 2019 sur la façon dont l’Afrique est dépeinte dans les médias américains a révélé deux choses : les Américains n’entendent vraiment parler du continent que dans les programmes d’information et non dans les contenus de divertissement ; et leur couverture de l’actualité africaine est dominée par la politique – essentiellement des nouvelles sur nos dirigeants, et qui représentent près de la moitié (43%) de toutes les mentions de l’Afrique dans les médias américains.

En d’autres termes, pour ceux qui sont à l’extérieur du continent, nos dirigeants sont la principale lentille à travers laquelle beaucoup nous voient et finalement nous jugent. C’est pourquoi, au cours des premiers mois de cette année, trois reportages sur des dirigeants africains se comportant « mal » ont attiré mon attention.

 

Des incidents embarrassants

En janvier de cette année, une vidéo a fait surface montrant le président camerounais Paul Biya, âgé de 89 ans, extrêmement désorienté quelques instants avant qu’il ne prononce un discours au sommet des dirigeants américains et africains à Washington. Dans la vidéo, le président Biya ne savait manifestement pas pourquoi il se trouvait sur l’estrade ni ce qu’il était censé dire.

Le président du Cameroun Paul Biya, ici à Washington en décembre 2022, vient de célébrer ses 90 ans.
Le président du Cameroun Paul Biya, ici à Washington en décembre 2022, vient de célébrer ses 90 ans.

 

Le président sud-soudanais Salva Kiir, âgé de 71 ans, a été filmé en train d’uriner sur lui-même lors de l’inauguration officielle d’une nouvelle route – il ne semblait pas conscient de ce qui se passait. L’événement a été filmé et diffusé sur la télévision nationale et, peu après l’incident, six journalistes ont été arrêtés et placés en détention pour avoir couvert l’événement.

L’un des fils du président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, agé de 80 ans, a été arrêté par son frère (qui est également le vice-président) pour avoir vendu un avion appartenant à la compagnie aérienne nationale du pays. Ironie du sort, le vice-président lui-même avait déjà été sanctionné par le gouvernement britannique pour avoir détourné des millions de dollars dans « des manoirs de luxe, des jets privés et un gant de 275 000 dollars porté par Michael Jackson ».

Outre le paradoxe de trois présidents dont l’âge cumulé est de 240 ans dans un continent où l’âge moyen est de 18 ans, les trois incidents ci-dessus renforcent plusieurs récits persistants sur le continent : des dirigeants ayant largement dépassé leur date de péremption, des dirigeants ayant des problèmes de santé non divulgués qui menacent potentiellement leur capacité à gouverner, l’absence de liberté de la presse et l’abondance de la corruption.

Mais ce genre de comportement n’est pas l’apanage des septuagénaires et des octogénaires. En comparaison, le roi Mswati III d’Eswatini (photo en haut de l’article), âgé de 54 ans, dernier monarque d’Afrique subsaharienne, avec son penchant pour la vie de luxe et ses multiples épouses et enfants, est régulièrement dans les médias pour avoir utilisé le trésor du petit royaume pour financer son goût pour les voitures de luxe et les voyages en première classe à travers le monde.

Malheureusement, certains de nos dirigeants ont choisi de faire l’objet de contenus médiatiques sociaux qui dépeignent le continent comme une sorte de jungle peuplée de dirigeants indisciplinés qui ne pensent qu’à eux. Et leurs actions ont un certain impact – demandez aux Camerounais, aux Guinéens équatoriaux, aux Sud-Soudanais et aux Emaswatis. Il est temps de rendre l’uniforme « numéro 1 » obligatoire pour certains de nos dirigeants.

@NA

 

Écrit par
Moky Makura

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