L’Union africaine avance dans le dossier libyen

L’annonce d’une conférence de réconciliation en Libye est le principal point à retenir de la réunion des dirigeants africains à Addis-Abeba, le week-end dernier. Mali, Burkina Faso, Guinée et Soudan restent provisoirement à la porte de l’Union africaine.
Durant 48 heures, le week-end du 18 février 2023, les chefs d’État et de gouvernement ont débattu des grandes questions qui agitent le continent, à l’appel de l’UA (Union africaine). Les sourires et congratulations d’usage ont masqué les dissensions qui sont apparues dans certains dossiers. Elles ne sont d’ailleurs pas malaisées à connaître, elles concernent les points sur lesquels aucune décision n’a été prise.
Le chef d’État des Commores, Azali Assoumani, devient le nouveau président de l’Union africaine, succédant ainsi à Macky Sall, du Sénégal. C’est la première fois que le dirigeant d’un aussi petit pays occupe une telle fonction.
Quelques avancées sont néanmoins à noter. La plus importante est relative à l’organisation prochaine d’une conférence de réconciliation consacrée à la Libye. « Nous avons réuni les différentes parties et nous sommes en train de travailler avec elles sur la date et le lieu », a confirmé le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat. Le président du Congo, Denis Sassou-NGuesso, médiateur de l’UA dans la question libyenne depuis six ans, présiderait cette conférence. Une avancée vers la paix en Libye, sous l’égide de l’UA, ferait briller cette institution. L’objectif est d’engager les parties libyennes – toutes les parties, insiste l’UA – sur le chemin d’« élections libres et équitables », a commenté Bankole Adeoye, commissaire pour la paix et la sécurité de l’Union africaine.
Les membres de l’UA ont approuvé un rapport présenté par Denis Sassou-Nguesso sur la Libye. On ne sait quand cette conférence pourra se tenir, mais une réunion préparatoire se serait déjà déroulée à Tripoli en début d’année. Une commission préparatoire à la conférence, désignée par l’UA, fixera un calendrier plus précis.

En attendant, l’UA invite au retrait de tous les combattants étrangers, forces étrangères et mercenaires de Libye. En 2021, les Nations unies évaluaient à 20 000 ces combattants étrangers, dont l’action entrave depuis des mois toute tentative de paix. Il semble toutefois que toutes les parties, en Libye, aient l’intention de coopérer pour mieux informer sur ces forces étrangères au pays.
Parallèlement à la question libyenne, les membres de l’Union africaine ont débattu des questions de terrorisme, plaidant pour un engagement plus important des Nations unies en Afrique. Ils ont décidé de soutenir davantage, sur le plan financier, les efforts en faveur de la paix et de la lutte contre les groupes armés à l’est de la RD Congo, ainsi qu’en Somalie.
Tolérance zéro
« Pour faire face aux menaces, les États africains font des efforts, mettent en place des structures ad hoc comme le G5. Nous avons également réactivé le fond de la paix de l’Afrique. Avec les efforts de nos États, nous avons déjà un peu plus de 300 millions de dollars. Ce chiffre peut paraître important, mais pour le maintien de la paix, c’est dérisoire. Celles les missions de paix coûtent très cher », s’est désolé Moussa Faki Mahamat. Qui a fait remarquer l’importance des engagements occidentaux contre l’État islamique en Syrie et en Irak.
Plus généralement, l’UA a fait part de sa « tolérance zéro » face aux changements de régime inconstitutionnels de gouvernement. Et en conséquence, a maintenu les suspensions du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée et du Soudan. « La démocratie doit être protégée et s’enraciner, l’UA demeure intransigeante contre toute accession non démocratique au pouvoir », a déclaré Bankole Adeoye.
D’autre part, l’Union africaine n’a pas pris de décision ferme quant au statut d’observateur obtenu par Israël, voici à peine deux ans. Une question qui divise et irrite en Afrique. La réunion a été marquée par l’expulsion de la directrice générale du ministère des Affaires étrangères, venue honorer une invitation adressée à l’ambassadeur d’Israël auprès de l’UA. L’État hébreu s’est ouvertement plaint de cette expulsion d’une diplomate « accréditée », y voyant les pressions de l’Iran, relayées par l’Algérie et l’Afrique du Sud. « En ce qui concerne Israël, la conférence a décidé de mettre en place un comité ad hoc de chef d’État », a rappelé Moussa Faki Mahamat. Qui a confirmé que le statut auprès de l’UA « était suspendu jusqu’à ce que ce comité puisse délibérer ».
Enfin, en matière économique, les dirigeants africains ont décidé d’accélérer la mise en œuvre de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine). « La tâche à venir est ambitieuse mais elle atteignable », a déclaré sur ce point Azali Assoumani. Le président des Comores devient le nouveau président de l’Union africaine, succédant ainsi à Macky Sall, le président du Sénégal. C’est la première fois que le dirigeant d’un aussi petit pays occupe une telle fonction. L’archipel de l’océan Indien ne compte que 850 000 habitants.
Gravir une pente raide
De son côté, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, a dénoncé « un système financier international dysfonctionnel et injuste », s’insurgeant notamment contre les taux d’intérêt « exorbitants » demandés aux pays africains.

Un avis partagé par le président de la BAD (Banque africaine de développement) : « L’Afrique ne peut pas gravir la pente raide en portant un sac de dettes sur son dos ; la canalisation des 100 milliards $ supplémentaires de droits de tirage spéciaux fera une énorme différence. Nous devons unir nos forces pour exploiter les énormes possibilités qu’offre l’Afrique. Il ne fait aucun doute que nous ferons de grands progrès. Cependant, nous devons travailler vite, être inclusifs et compétitifs. »
Les regards étaient aussi tournés vers le Nigeria, qui vote le 25 février pour se choisir un nouveau président.
« Nous avons conduit le Nigeria sur la voie de l’ère pré-Covid-19, mais nous sommes toujours confrontés à certains défis », a déclaré la ministre des Finances, du Budget et du Plan, Zainab Ahmed. « Nous avons demandé une facilité de trésorerie dans le cadre des droits de tirage spéciaux pour servir d’amortisseur. Nous avons également souhaité que les banques multilatérales de développement nous accordent des financements à plus long terme. Le Nigeria a fait preuve d’une grande résilience. Nous avons juste besoin de ce soutien pour nous permettre d’exploiter pleinement notre potentiel. »
Enfin, le directeur du Centre pour le développement durable de l’université de Columbia, l’économiste Jeffrey Sachs, a déclaré que l’Afrique avait la capacité d’atteindre une croissance annuelle de 7 % à 10 %. Il considère que l’Afrique pouvait tirer parti de sa population pour développer un marché unique robuste, citant des exemples comme la Chine et l’Inde.
« La création d’un marché unique permettra à l’Afrique de se positionner parmi les trois plus grands marchés mondiaux. C’est le continent qui a le plus grand potentiel de croissance », a-t-il déclaré, appelant les dirigeants africains à construire des infrastructures régionales vitales et de combler les lacunes en matière d’infrastructures au cours des prochaines décennies.
Jeffrey Sachs a exhorté les gouvernements africains à mener une révolution pour assurer un accès aux soins de santé et à l’éducation à un prix abordable. il a, en outre, appelé à un financement accru du continent afin de le placer sur la voie de la croissance durable. « L’Union africaine doit devenir un membre permanent du G-21. »

@NA