L’opposition sénégalaise solidaire d’Ousmane Sonko

Candidat à la présidentielle de février 2024, Ousmane Sonko risque d’être écarté pour motif judiciaire, comme d’autres l’ont été avant lui. Sa condamnation confirmée en appel ressoude l’opposition, qui appelle à manifester les 12 et 19 mai.
Le Sénégal peut-il mettre Ousmane Sonko sur la touche ? Plusieurs épées de Damoclès planent sur l’homme politique, populaire parmi les jeunes. Sa condamnation à six mois de prison avec sursis, après une plainte pour diffamation et injures, a été confirmée en appel. Elle pourrait – conditionnel de rigueur, car rien n’est clairement défini –, entraîner la radiation de l’élu des listes électorales, rendant du même coup impossible sa candidature à l’élection présidentielle de février 2024. Les avocats ont quelques jours pour se pourvoir en Cassation ; ils estiment notamment que la composition de la cour d’appel ne correspond pas aux règles judiciaires classiques.
Le gouvernement a interdit, jusqu’à présent, les manifestations des partisans d’Ousmane Sonko. Ce qui a entraîné divers affrontements entre ces derniers et les forces de l’ordre. Cela étant, les manifestations, ces derniers jours, étaient rares, tant à Dakar qu’en province.
« Ce qui s’est passé est une pièce de théâtre dans laquelle les rôles ont été attribués », a déclaré Ousmane Sonko, au lendemain de son procès en appel, dans d’une allocution vidéo. « Cela ne remet nullement en cause nos projets ; seul Dieu peut empêcher ma candidature, aucun être humain ne peut l’empêcher », a-t-il ajouté.
Déjà, la coalition des partis d’opposition, Yewwi Askn Wi, appelle à la mobilisation pour préserver l’éligibilité d’Ousmane Sonko. Sur qui plane la perspective d’un autre procès, pour viol présumé, celui-là… L’audience doit se tenir le 16 mai et l’accusé, invoquant des craintes pour sa sécurité, a averti qu’il ne s’y rendrait pas, tout comme il ne s’est pas rendu au procès du 8 mai.
Son retrait de l’élection ne donnerait plus beaucoup de choix aux électeurs, du moins du côté de l’opposition crédible. Et opposition de plus en plus divisée, surtout après les « appels au dialogue » de Macky Sall.
L’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall – également candidat à la présidentielle –, ainsi que les autres dirigeants de Yewwi Askan Wi appellent pourtant les Sénégalais à une marche le 12 mai et à se mobiliser également le 19 mai. Il s’agit à la fois de soutenir Ousmane Sonko et de s’opposer à l’éventuelle candidature de Macky Sall à un troisième mandat. « Il ne faut pas qu’il y ait une troisième victime de Macky Sall, on en a connu deux. Il faut que le peuple se mobilise pour soutenir Ousmane Sonko dans ce combat-là », a déclaré Khalifa Sall aux journalistes. Les « deux victimes » étant Karim Wade et lui-même, écartés de la présidentielle de 2019 après des condamnations.
L’hypothèque du troisième mandat
Les péripéties judiciaires d’Ousmane Sonko dominent la vie politique du Sénégal depuis plusieurs mois deux ans, avec le flou entretenu par le Président quant à sa candidature à un troisième mandat controversé. La presse sénégalaise fait observer que le camp Macky Sall n’est pas exempt de plaintes judiciaires, la plus grave étant celle relative à l’utilisation des fonds perçus en 2020 à l’occasion de la pandémie de Covid-19. Étrangement, la Justice est beaucoup plus lente à instruire les dossiers.
Déthié Fall (photo), une autre figure de Yewwi Askan Wi, a appelé à marcher le 19 mai contre une « campagne de liquidation d’Ousmane Sonko ». Ne pas agir, « ce serait laisser la démocratie transformée en monarchie et en dictature par le président Macky Sall qui n’a qu’une seule idée en tête, le troisième mandat », a-t-il précisé à l’AFP.
« Macky Sall a fait ses sondages et il sait qu’il ne peut plus diriger ce pays. Il ne veut briguer un troisième quinquennat que pour continuer à faire souffrir le peuple sénégalais. Et pour ce faire, il veut écarter tous les leaders qui pourraient le gêner dans sa tentative de prise de pouvoir. Aujourd’hui, il s’en prend à Ousmane Sonko, mais nous devons savoir qu’il nous a tous dans le collimateur », juge Déthié Fall.
Le gouvernement a interdit, jusqu’à présent, les manifestations des partisans d’Ousmane Sonko. Ce qui a entraîné divers affrontements entre ces derniers et les forces de l’ordre. Cela étant, les manifestations, ces derniers jours, étaient rares, tant à Dakar qu’en province.
Le porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, a pourtant déclaré à la presse ne pas voir pourquoi les prochaines marches seraient interdites « s’il n’y a pas de risque de troubles à l’ordre public », tout en insistant sur la « responsabilité » des autorités de maintenir l’ordre. Il a réfuté toute instrumentalisation de la justice contre Ousmane Sonko : « Un justiciable, c’est un justiciable, qu’il soit opposant, qu’il soit du pouvoir, qu’il soit ministre. »
@NA