L’impact des coups d’État

Les pays d’Afrique de l’Ouest ont connu de nombreuses tentatives de coup d’État, depuis l’an 2000. Certaines avortées, d’autres réussies. Après ces événements, vient le temps de la résilience, variable d’un pays à l’autre.
Quel est l’impact des coups d’État pour les économies et les populations des pays sahéliens et l’Afrique de l’Ouest ?, s’interrogent les analystes de Bloomfield Investissement. Qui se basent sur la – hélas – riche expérience de ces pays pour mesurer le degré de résilience de chaque pays concerné.
Les trois pays sahéliens de l’UMOA (Union monétaire ouest-africaine), Mali, Niger, Burkina Faso, présentent des caractéristiques climatiques et environnementales communes. Notamment des précipitations limitées, des températures élevées et des conditions de sécheresse récurrentes. Ces pays sont confrontés à l’insécurité alimentaire, à la pauvreté et à des difficultés sociales et économiques, notamment en raison des contraintes environnementales (pression démographique, déforestation, dégradation des terres, etc.)
Les analystes de Bloomfield Intelligence suggèrent la création d’une force régionale antiterroriste pour l’Afrique de l’Ouest, au financement autonome.
Pourtant, ces économies affichent des taux de croissance économique qui témoignent de leur résilience. Les pays enclavés présentent, du moins en apparence, des performances plus solides que les pays côtiers, sachant qu’on ne peut bien sûr pas arrêter l’analyse aux simples indicateurs économiques comme le PIB.
Ces pays, on le sait, sont la proie des coups d’État. Depuis vingt ans, « la prévalence de l’instabilité politique et de la mauvaise gouvernance a pu créer un climat propice aux persistantes tentatives de renversement des gouvernements en place ». Mal gouvernance, concentration du pouvoir, difficultés sociales et économiques, « tradition » militaire et politique, faible consolidation économique, interférences externes… Les facteurs ne manquent pas.
Les coups d’État entraînent souvent des perturbations économiques, notamment la baisse des investissements étrangers, la stagnation des projets de développement et l’effondrement des activités commerciales. Ces vingt dernières années, la Côte d’Ivoire a été le théâtre de plusieurs tentatives de coup d’État, plus ou moins marquées. En moyenne, le pays met deux ans pour retrouver une certaine stabilité politique.
Rupture préjudiciable de la démocratie
En revanche, « au regard des effets néfastes des coups d‘État sur l’économie Burkina Faso, les deux derniers survenus en 2022 suscitent de vives inquiétudes quant à la stabilité politique et à l’impact potentiel sur l’économie du pays », préviennent les experts. De son côté, le Mali avait prouvé sa résilience en se remettant du coup d’État de 2012, le pays reprenant le chemin de la croissance et attirant les investissements étrangers.
Le coup d’État de 2020 s’est produit dans un contexte marqué par des préoccupations sécuritaires et des politiques préexistantes. Toutefois, les indicateurs économiques mettent en évidence « une tendance prometteuse », caractérisée par une progression soutenue du PIB nominal et des investissements étrangers. Selon les estimations, il faut deux à trois ans au Mali pour retrouver une stabilité politique.
Le Niger n’a pas été épargné par les coups d’État dans le passé (2002, 2010) qui ont entraîné des perturbations économiques. Les experts jugent qu’il faut environ deux ans et demi au pays pour se remettre d’un tel événement, le pays ne devant plus afficher d’ici là un taux de croissance supérieur à 7%.
Sur le plan politique, cette « rupture de la démocratie » n’est pas sans conséquences. Les coups d’État sapent les processus démocratiques, en affaiblissent la culture et les institutions. L’exemple du Burkina Faso met en évidence la fragilité des pouvoirs non civils.
De plus, ces coups d’État provoquent des mouvements massifs de populations, notamment des réfugiés fuyant l’instabilité politique et l’insécurité. Les conflits associés peuvent également entraîner des déplacements internes forcés. Le phénomène est moins important au Burkina Faso, plus prégnant au Mali.
Dans ce contexte, la prévention des coups d’État dans l’UEMOA nécessite une approche globale et concertée impliquant les gouvernements nationaux, les organisations régionales, la société civile et la communauté internationale.
Une armée supranationale en PPP ?
Si les pays africains veulent éviter les coups d’État, « il est essentiel d’encourager le dialogue politique inclusif entre tous les acteurs, y compris l’opposition », jugent les analystes de Bloomfield, au chapitre des « recommandations ». Il en faut. « Ce dialogue peut servir de pont entre les différentes visions politiques, favorisant ainsi une meilleure compréhension mutuelle et la recherche de solutions consensuelles aux problèmes nationaux. » Dans ce cadre, les États peuvent jouer un rôle actif dans la création de plateformes nationales de négociation et de médiation.
D’autre part, les forces de sécurité et de défenses doivent être « professionnelles, apolitiques et respectueuses des droits de l’homme ». La formation et le renforcement de ces forces peuvent réduire le risque de tentatives de prises de pouvoir par la force. Un Conseil de sécurité national composé de l’armée, des partis politiques, des chefs coutumiers et des civils, permettrait de discuter des questions sociales.
D’autre part, il semble évident aux yeux des analystes que les pays africains doivent lutter contre la corruption et la pauvreté. « Il est impératif de promouvoir la transparence, la responsabilité et le développement économique inclusif. » Autant d’éléments gages de stabilité politique et de paix sociale.
Les analystes évoquent également la participation et le rôle des médias, l’importance des « médiations », voire des « sanctions ciblées » que peuvent prendre des organismes comme la CEDEAO, l’éducation civique. Ils suggèrent la création d’une force régionale antiterroriste pour l’Afrique de l’Ouest. Et d’avancer : « Une des caractéristiques de cette force serait son financement autonome. Plutôt que de dépendre uniquement des contributions des pays membres, un mécanisme de financement autonome serait créé. » Cela pourrait inclure « des ressources générées localement, des contributions internationales, des partenariats public-privé, et d’autres sources de financement stables », concluent-ils.
@NA