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Politique

Les libertés politiques menacées en Tunisie

Les libertés politiques menacées en Tunisie
  • Publiémai 17, 2023

Rached Ghannouchi, 81 ans, a été condamné à un an de prison pour des déclarations hostiles au pouvoir en place en Tunisie, suscitant l’indignation du parti islamiste Ennahdha. La présidence du président Saïed ne dévie pas de sa ligne autoritaire.

 

« Nous condamnons la peine prononcée contre Rached Ghannouchi que nous considérons comme un verdict politique injuste, et nous appelons à sa libération. » Le parti Ennahdha n’a pas tardé à réagir après le verdict qui a frappé son leader : Rached Ghannouchi est condamné à un an de prison pour « apologie du terrorisme ». Une affaire pour laquelle il avait été entendu en début d’année par la police tunisienne, avant d’être relâché. Un syndicat de policiers l’accusait d’inciter les Tunisiens à la haine, pour avoir affirmé lors des obsèques d’un de ses proches que ce dernier « ne craignait pas les dirigeants ni les tyrans ».

Une autre déclaration de Kaïs Saïd a jeté le trouble dans le pays et au-delà : le président récuse le caractère antisémite de l’attaque perpétrée le 9 mai à proximité de la synagogue de la Ghriba, à Djerba.

L’homme politique est incarcéré depuis le 17 avril pour un autre motif, celui d’avoir affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux de la mouvance islamiste comme le sien étaient écartés de la vie politique tunisienne.

Rached Ghannouchi a également été condamné à une amende de 1 000 dinars (300 euros).

L’opposant au président Kaïs Saïd avait également été entendu en novembre 2022 par un juge du pôle judiciaire antiterroriste pour une affaire d’envoi présumé de djihadistes en Syrie et en Irak. Ennahdha considère que Rached Ghannouchi, qui dirigeait le Parlement dissous par Kaïs Saïed en juillet 2021, « rejetait, dans ses déclarations et ses écrits, l’extrémisme et le terrorisme et prônait la modération ».

Rached Ghannouchi est le plus célèbre opposant arrêté depuis le coup de force du président Saïed, juge la presse tunisienne

Depuis début février, les autorités ont incarcéré une vingtaine d’opposants et des personnalités parmi lesquelles des ex-ministres, des hommes d’affaires et le patron de la radio la plus écoutée du pays, Mosaïque FM,  Noureddine Boutar.

De son côté, le président Saïed avait justifié l’arrestation et l’incarcération de son opposant, refusant par avance toute main tendue. Cet épisode ne fait que jeter le trouble sur les velléités du président en exercice de transformer son pouvoir en régime autoritaire.

 

Une ligne de crête

« Nous sommes dans une zone grise. Sur le plan institutionnel, c’est un pouvoir dictatorial, car c’est le pouvoir d’un seul. Sur le front des libertés, il y a des entorses flagrantes aux droits individuels et aux libertés des politiques », confie l’universitaire Hamadi Redissi au quotidien français Le Figaro

Qui révèle que si des partis et la presse sont mis au pas, l’État n’a pas réussi à faire interdire des livres aux titres éloquents, Le Frankenstein tunisien et Kaïs 1er, président d’un bateau ivre. « Progressivement, les libertés individuelles sont grignotées et le risque est, qu’à terme, nous atteignions un système autoritaire et complètement fermé, sur le modèle de Ben Ali. Nous sommes donc sur une ligne de crête », redoute Hamadi Redissi.

Depuis décembre 2022, le gouvernement a arrêté 17 membres ou anciens membres d’ Ennahdha, et fermé ses bureaux dans tout le pays, y compris à Tunis.

« Désormais sous la présidence de Saïed, la vie politique tunisienne est rythmée par les arrestations arbitraires, sur fond d’interférences de l’exécutif dans les affaires judiciaires », a commenté la directrice pour la Tunisie de l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch, Salsabil Chellali. Qui fait remarquer que l’incarcération de Rached Ghannouchi repose sur des déclarations de ce dernier, et non sur des actes.

Une autre déclaration de Kaïs Saïd a jeté le trouble dans le pays et au-delà : le président récuse le caractère antisémite de l’attaque perpétrée le 9 mai à proximité de la synagogue de la Brigua, à Djerba. Deux pèlerins juifs et trois policiers tunisiens ont été tués. Depuis, les autorités tunisiennes tentent de minimiser ce qui ressemble pourtant à un attentat, reconnaissant néanmoins que l’auteur de cet acte avait l’intention de tuer le maximum de gens possible.

 « Ils parlent d’antisémitisme, alors que les juifs étaient protégés ici », a insisté le président Saïed. Allusion à la période d’occupation allemande et italienne, en 1942 et 1943. Sans craindre de tomber dans l’amalgame, le Président tunisien a dénoncé devant des journalistes les réactions internationales après l’attaque de Djerba, alors que « des Palestiniens sont tués chaque jour et personne n’en parle ». Aucun journaliste n’a osé lui demandé de préciser sa pensée…

La synagogue de la Ghriba.
La synagogue de la Ghriba.

@NA

 

Écrit par
Laurent Allais

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