Les généraux « africains » à la manœuvre
François Hollande a su s’entourer – ou conserver à leurs postes stratégiques – des généraux ayant une grande expérience de l’Afrique, où ils ont servi à de nombreuses reprises. Ce sont ces « Africains » qui sont aujourd’hui à la manœuvre. Galerie de portraits de ces généraux.
Ils ont anticipé, préparé et mené à bien les dernières opérations extérieures de la France en Afrique – au Mali comme en Centrafrique – et conçu le redéploiement des forces françaises pour faire face aux nouvelles menaces des djihadistes. Galerie de portraits de ces généraux dont l’influence est souvent décisive dans l’entourage du chef de l’État, du ministre de la Défense et du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées et à ce titre responsable des opérations.
Nommé par Nicolas Sarkozy, en mars 2010, chef d’état-major particulier du président de la République, le général Benoît Puga fut conservé, puis prolongé jusqu’en août 2016 à ce poste stratégique par François Hollande, qu’il accompagne pratiquement dans tous ses déplacements. Officier de la Légion, ayant commandé de 1996 à 1998 le prestigieux 2e REP (Régiment étranger de parachutistes) après avoir sauté en mai 1978 sur Kolwezi alors qu’il n’était que jeune lieutenant, le général Puga est un des hommes les plus écoutés du président Hollande, auprès duquel il a acquis une véritable influence, nourrie de son expérience africaine irremplaçable.
L’ultime conseil pour emporter la décision du chef de l’État et déclencher l’opération Serval au Mali, le 11 janvier 2013, c’est lui. François Hollande, qui confiera dès le 2 février suivant à Tombouctou avoir vécu « la journée la plus importante de sa vie politique », lui en sera reconnaissant. Cette opération n’aura été un succès que grâce à une poignée de généraux connaissant, eux aussi, particulièrement bien les différents théâtres africains : à Paris, le général Didier Castres, sous-chef d’état-major « Opérations » à l’EMA (État-major des armées) depuis 2011. Ancien chef de corps du 21e RIMa (Régiment d’infanterie de marine) de Fréjus, ce marsouin commandait, de 2009 à 2011, le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) et préparait déjà plusieurs scénarios d’intervention en Afrique au cas où… En lien direct sur le terrain avec le général Grégoire de Saint-Quentin, à son QG de Bamako, c’est lui qui concevra cette offensive éclair dans les sables du Mali avec dès le départ deux impératifs qui s’avéreront payants : une prise de risque maximum et la volonté de sur- prendre et de prendre de vitesse l’adversaire islamiste, en avançant par bonds successifs pour se jouer des élongations extraordinaires du terrain.
Quand est conçue l’opération Serval, le général Saint-Quentin est en poste à Dakar, où il commande depuis juillet 2011 les Éléments français du Sénégal. Mais il a déjà servi au Rwanda et commandé le 1er RPIMa (Régiment parachutiste d’infanterie de Marine) de Bayonne, fer de lance des forces spéciales qui seront très actives dans les premières semaines de l’offensive, et dont il est devenu en septembre 2013 le grand patron à la tête du Commandement des opérations spéciales. Le général Bernard Barrera, qui sera le premier patron des forces terrestres de la brigade Serval, forme, quant à lui, depuis un an, ses hommes de la 3e brigade légère blindée de Clermont-Ferrand pour un pays comme le Mali sans savoir que – sa brigade étant alors d’alerte « Guépard » – il serait projeté… au Mali !
Tirant les leçons des 12 ans d’engagement militaire français en Afghanistan, un autre «Africain» a préparé nos troupes à s’engager en Afrique. C’est le général Hervé Charpentier qui conduisit habilement cette manœuvre, fruit là encore de sa riche expérience sur le continent. Ce marsouin parachutiste s’y emploiera en qualité de commandant des forces terrestres de 2010 à 2012 à Lille. Avant de finir sa carrière comme gouverneur militaire de Paris, le général Charpentier – qui a servi à Dakar, en Centrafrique et au Zaïre – fut notamment chef de corps du 6e BIMa (Bataillon d’infanterie de marine) à Libreville, chef de la cellule Afrique & Moyen- Orient au cabinet du ministre de la Défense, puis – jeune général – adjoint « Opérations » de Licorne en 2005 et 2006 en Côte d’Ivoire. Nouveau chef d’état-major de l’Armée de Terre depuis un an, le général Jean-Pierre Bosser présente, lui aussi, un beau parcours africain (il a servi plusieurs fois au Tchad, au Gabon, en Mauritanie et en Centrafrique, où il a même ouvert l’opération Boali en 2003 avec le 8e Régiment parachutiste d’infanterie de marine) et son mot à dire plus que jamais dans le choix des missions confiées à ses hommes. La nécessité de s’engager davantage en Afrique est aussi le fruit d’un long travail de renseignement, où un homme comme le général Christophe Gomart occupe depuis longtemps une place de choix. Après avoir commandé le 13e Régiment de dragons parachutistes, spécialiste du « rens » dans la profondeur, c’est-à-dire en milieu hostile derrière les lignes ennemies, il a été adjoint au coordinateur du renseignement de 2008 à 2011 à l’Élysée, patron du COS (Forces spéciales) de 2011 à 2013, et se retrouve aujourd’hui à la tête de la Direction du renseignement militaire que Puga a également commandé en son temps.
Côté diplomatie, l’amiral Marin Gillier joue lui aussi un rôle important. Après avoir effectué presque toute sa carrière dans les commandos, il dirige depuis août 2013 la direction de la coopération de sécurité et de défense, qui est un des départements stratégiques du Quai d’Orsay. Grand spécialiste de la piraterie maritime, qui sévit dans le golfe de Guinée, où la France entretient depuis 1990 la mission Corymbe, il se déplace beaucoup en Afrique ; il est régulièrement reçu par les différents chefs d’État des pays les plus sensibles. Comme ses deux prédécesseurs à ce poste politico-militaire, il avance les pions de la France en Afrique et négocie en coulisses de nouveaux accords de Défense. Il a succédé au général Bruno Clément-Bollée, qui a notamment servi au Tchad, en Centrafrique et au Sénégal, puis a commandé l’opération Licorne en Côte d’Ivoire en 2007 et 2008, et au général Emmanuel Beth qui eut une grande influence en Afrique.
Premier patron de l’opération Licorne en octobre 2002, puis à la tête du CPCO à l’État-major des Armées lors de la grave crise franco-ivoirienne de novembre 2004, ce légionnaire-parachutiste finira sa carrière comme ambassadeur de France au Burkina Faso, de 2010 à 2013. Son frère, le général Frédéric Beth assuma, quant à lui, deux postes stratégiques à un moment clé où la France se retrouve confrontée aux prises d’otages d’AQMI au Sahel : à la tête du COS de 2009 à 2011 (avec le déploiement fort discret au départ de forces spéciales fran- çaises en Mauritanie, au Burkina Faso et au Niger dans le cadre de l’opération Sabre), puis comme numéro deux de la DGSE jusqu’au 31 août. Un poste ultrasensible que vient de reprendre le général Jean-Pierre Palasset après avoir commandé pendant un an, de son QG de N’Djaména, l’opération Barkhane qui a porté de sérieux coups aux dispositifs logistiques des djihadistes dans toute la bande sahélo-saharienne.