Les relations commerciales que l’Afrique du Sud entretient avec les États-Unis dans le cadre de la loi AGOA pourraient être menacées par des accusations de vente d’armes et de munitions à la Russie.
L’ambassadeur des États-Unis en Afrique du Sud a accusé Pretoria, le 11 mai 2023, de fournir des armes à la Russie, ce qui pourrait avoir d’importantes répercussions sur les relations commerciales entre les deux pays. Peu après cette déclaration, la monnaie sud-africaine, le rand, perdait 2 % sur les marchés.
L’ambassadeur Reuben Brigety a déclaré, au cours d’une conférence de presse, que les États-Unis étaient certains que des armes et des munitions avaient été chargées sur un navire russe soumis à des sanctions, le Lady R, à la base navale de Simon’s Town, près du Cap, en décembre, et transportées vers la Russie.
L’Afrique du Sud avait refusé, en février 2022, de condamner l’invasion russe en Ukraine, préférant adopter une position de neutralité afin de favoriser le dialogue.
L’armement de la Russie remet en question la neutralité de l’Afrique du Sud dans le conflit ukrainien, a-t-il déclaré aux journalistes. « Armer les Russes est extrêmement grave et nous ne pensons pas que cette question soit résolue. Nous aimerions que l’Afrique du Sud commence à pratiquer sa politique de non-alignement », aurait déclaré l’ambassadeur, selon une source de l’AFP.
Au moment de l’accostage du Lady R, le ministre sud-africain de la Défense déclarait pourtant que le navire avait livré du matériel pour les forces de défense sud-africaines. Déjà, en janvier, le gouvernement a nié avoir été impliqué dans des ventes d’armes à la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine.
Reuben Brigety a également déclaré que les États-Unis avaient exprimé de « sérieuses inquiétudes » quant au calendrier des exercices navals que l’Afrique du Sud avait menés avec la Russie et la Chine dans ses eaux territoriales en février et qui coïncidaient avec l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
À l’époque, le gouvernement sud-africain avait déclaré que ces exercices étaient prévus depuis deux ans, mais des inquiétudes ont été exprimées quant au fait que l’Afrique du Sud pourrait tomber sous le coup de la loi américaine AGOA (Africa Growth and Opportunity Act) qui permet aux pays africains éligibles d’accéder au marché américain en franchise de droits et de quotas pour une large gamme de produits.
L’Afrique du Sud doit-elle arrêter Poutine ?
Reuben Bigety donnait cette conférence de presse à son retour d’un voyage aux États-Unis avec une équipe de fonctionnaires sud-africains dirigée par Sydney Mufamadi, conseiller à la sécurité nationale de l’Afrique du Sud. Bien que l’administration sud-africaine n’ait pas voulu confirmer la nature exacte de la mission, son objectif probable était de faire pression sur les membres de l’administration et du Congrès pour s’assurer que le pays ne soit pas exclu de l’accord commercial.
De son côté, le porte-parole de la République d’Afrique du Sud, Vincent Magwenya, a réagi sur Twitter en écrivant que « la présidence a pris note des remarques attribuées à l’ambassadeur des États-Unis et nous y répondrons en temps voulu ».
D’autre part, le Centre pour la résilience de l’information, une organisation britannique basée sur la désinformation sur les réseaux sociaux, accuse Duduzile Zuma, fille de l’ancien président sud-africain, d’être un rouage de la propagande russe. Selon son étude, révélée par Bloomberg, ses tweets favorables à la Russie – « Je soutiens la Russie », écrit-elle par exemple –, dans le conflit avec l’Ukraine ont été l’« un des moteurs et le point de départ d’une campagne de tweets qui ont été recopiés dans l’espace informationnel sud-africain ».
Dans un article paru dans African Business, Lethabo Sithole, consultant juridique basé en Afrique du Sud, soulevait la question de savoir ce que l’Afrique du Sud devrait faire si le président Vladimir Poutine participe au 15e sommet des pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) au mois d’août. Un mandat d’arrêt a été délivré à son encontre par la CPI (Cour pénale internationale) à la suite d’accusations de transferts illégaux d’enfants de l’Ukraine occupée vers la Russie.
L’Afrique du Sud peut-elle arrêter Vladimir Poutine ?
L’« Afrique du Sud est tenue, en vertu du droit international et national, d’arrêter M. Poutine et de le remettre à la CPI s’il décide de se rendre en Afrique du Sud », écrit-elle.
La décision du pays « mettra à l’épreuve son engagement en faveur de l’État de droit et des droits de l’homme ». Le fait de privilégier les intérêts stratégiques au détriment des obligations et de la légitimité « pourrait avoir de graves conséquences sur la réputation mondiale de l’Afrique du Sud et sur son engagement en faveur de la justice », concluait la juriste.
Charles Dietz, avec LA
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